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– Oui, oui, l'on a du jugement, répondit Poulain en souriant avec orgueil; mais venez que je vous présente.

– Prenez garde, dit le bourgeois, je suis excessivement timide. Qu'on me tolère, c'est tout ce que je veux; quand j'aurai fait mes preuves, je me présenterai tout seul, comme dit le Grec, par mes faits.

– Comme il vous plaira, répondit le lieutenant de la prévôté; attendez-moi donc ici.

Et il alla serrer la main de la plupart des promeneurs.

– Qu'attendons-nous donc encore? demanda une voix.

– Le maître, répondit une autre voix.

En ce moment, un homme de haute taille venait d'entrer dans l'hôtel; il avait entendu les derniers mots échangés entre les mystérieux promeneurs.

– Messieurs, dit-il, je viens en son nom.

– Ah! c'est monsieur de Mayneville! s'écria Poulain.

– Eh! mais me voilà en pays de connaissance, se dit Briquet à lui-même, et en étudiant une grimace qui le défigura complètement.

– Messieurs, nous voilà au complet; délibérons, reprit la voix qui s'était fait entendre la première.

– Ah! bon, dit Briquet, et de deux; celui-ci c'est mon procureur, maître Marteau.

Et il changea de grimace avec une facilité qui prouvait combien les études physionomiques lui étaient familières.

– Montons, messieurs, fit Poulain.

M. de Mayneville passa le premier, Nicolas Poulain le suivit; les hommes à manteaux vinrent après Nicolas Poulain, et Robert Briquet après les hommes à manteaux.

Tous montèrent les degrés d'un escalier extérieur aboutissant à une voûte.

Robert Briquet montait comme les autres, tout en murmurant:

– Mais le page, ou donc est ce diable de page?

XI Encore la Ligue

Au moment où Robert Briquet montait l'escalier à la suite de tout le monde, en se donnant un air assez décent de conspirateur, il s'aperçut que Nicolas Poulain, après avoir parlé à plusieurs de ses mystérieux collègues, attendait à la porte de la voûte.

– Ce doit être pour moi, se dit Briquet.

En effet, le lieutenant de la prévôté arrêta son nouvel ami au moment même où il allait franchir le redoutable seuil.

– Vous ne m'en voudrez point, lui dit-iclass="underline" mais la plupart de nos amis ne vous connaissent point et désirent prendre des informations sur vous avant de vous admettre au conseil.

– C'est trop juste, répliqua Briquet, et vous savez que ma modestie naturelle avait déjà prévu cette objection.

– Je vous rends justice, répliqua Poulain, vous êtes un homme accompli.

– Je me retire donc, poursuivit Briquet, bien heureux d'avoir vu en un soir tant de braves défenseurs de l'Union catholique.

– Voulez-vous que je vous reconduise? demanda Poulain.

– Non, merci, ce n'est point la peine.

– C'est que l'on peut vous faire des difficultés à la porte; cependant d'un autre côté, on m'attend.

– N'avez-vous pas un mot d'ordre pour sortir? Je ne vous reconnaîtrais point là, maître Nicolas; ce ne serait pas prudent.

– Si fait.

– Et bien! donnez-le-moi.

– Au fait! puisque vous êtes entré…

– Et que nous sommes amis.

– Soit; vous n'avez qu'à dire: Parme et Lorraine.

– Et le portier m'ouvrira?

– À l'instant même.

– Très bien, merci. Allez à vos affaires, je retourne aux miennes.

Nicolas Poulain se sépara de son compagnon et alla rejoindre ses collègues.

Briquet fit quelques pas comme s'il allait redescendre dans la cour, mais arrivé à la première marche de l'escalier, il s'arrêta pour explorer les localités.

Le résultat de ses observations fut que la voûte s'allongeait parallèlement au mur extérieur, qu'elle abritait par un large auvent. Il était évident que cette voûte aboutissait à quelque salle basse, propre à cette mystérieuse réunion à laquelle Briquet n'avait pas eu l'honneur d'être admis.

Ce qui le confirma dans cette supposition, qui devint bientôt une certitude, c'est qu'il vit apparaître une lumière à une fenêtre grillée, percée dans ce mur, et défendue par une espèce d'entonnoir en bois, comme on en met aujourd'hui aux fenêtres des prisons ou des couvents, pour intercepter la vue du dehors et ne laisser que l'air et l'aspect du ciel.

Briquet pensa bien que cette fenêtre était celle de la salle des réunions, et que si l'on pouvait arriver jusqu'à elle, l'endroit serait favorable à l'observation, et que, placé à cet observatoire, l'œil pouvait facilement suppléer aux autres sens.

Seulement la difficulté était d'arriver à cet observatoire et d'y prendre place pour voir sans être vu.

Briquet regarda autour de lui.

Il y avait dans la cour les pages avec leurs chevaux, les soldats avec leurs hallebardes, et le portier avec ses clefs; en somme, tous gens alertes et clairvoyants.

Par bonheur, la cour était fort grande et la nuit fort noire.

D'ailleurs, pages et soldats, ayant vu disparaître les affidés sous la voûte, ne s'occupaient plus de rien, et le portier, sachant les portes bien closes et l'impossibilité où l'on était de sortir sans le mot de passe, ne s'occupait plus que de préparer son lit pour la nuit et de soigner un beau coquemar de vin épicé qui tiédissait devant le feu.

Il y a dans la curiosité des stimulants aussi énergiques que dans les élans de toute passion. Ce désir de savoir est si grand qu'il a dévoré la vie de plus d'un curieux.

Briquet avait été trop bien renseigné jusque-là pour ne point désirer de compléter ses renseignements. Il jeta un second regard autour de lui, et, fasciné par la lumière que renvoyait cette fenêtre sur les barreaux de fer, il crut voir dans ce signal d'appel, et dans ces barreaux si reluisants, quelque provocation pour ses robustes poignets.

En conséquence, résolu d'atteindre son entonnoir, Briquet se glissa le long de la corniche qui, du perron qu'elle semblait continuer comme ornement, aboutissait à cette fenêtre, et suivit le mur comme aurait pu le faire un chat ou un singe marchant appuyé des mains et des pieds aux ornements sculptés dans la muraille même.

Si les pages et les soldats eussent pu distinguer dans l'ombre cette silhouette fantastique glissant sur le milieu du mur sans support apparent, ils n'eussent certes pas manqué de crier à la magie, et plus d'un, parmi les plus braves, eût senti hérisser ses cheveux.