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Il se trouva, et ce fut Loignac qui constata ce fait, que la route, devenue libre, grâce à l'arrestation des cinquante hommes, serait libre jusqu'au lendemain, puisque l'heure où ces cinquante hommes devaient se trouver réunis à Bel-Esbat était passée.

Il n'y avait donc plus péril pour le roi à revenir à Paris.

Loignac comptait sans le couvent des Jacobins et sans l'artillerie et la mousqueterie des bons pères.

Ce dont d'Épernon était parfaitement informé, lui, par Nicolas Poulain.

Aussi, quand Loignac vint dire à son chef: – Monsieur, les chemins sont libres, d'Épernon lui répliqua-iclass="underline"

– C'est bien. L'ordre du roi est que les quarante-cinq fassent trois pelotons; un devant et un de chaque côté des portières; peloton assez serré pour que le feu, s'il y a feu par hasard, n'atteigne pas le carrosse.

– Très bien, répondit Loignac avec l'impassibilité du soldat; mais, quant à dire feu, comme je ne vois pas de mousquets, je ne prévois pas de mousquetades.

– Aux Jacobins, monsieur, vous ferez serrer les rangs, dit d'Épernon.

Ce dialogue fut interrompu par le mouvement qui s'opérait sur l'escalier.

C'était le roi qui descendait, prêt à partir: il était suivi de quelques gentilshommes parmi lesquels, avec un serrement de cœur facile à comprendre, Sainte-Maline reconnut Ernauton.

– Messieurs, demanda le roi, mes braves quarante-cinq sont-ils réunis?

– Oui, sire, dit d'Épernon en lui montrant un groupe de cavaliers qui se dessinait sous les voûtes.

– Les ordres ont été donnés?

– Et seront suivis, sire.

– Alors partons, dit Sa Majesté.

Loignac fit sonner le boute-selle.

L'appel fait à voix basse, il se trouva que les quarante-cinq étaient réunis, pas un ne manquait.

On confia aux chevau-légers le soin d'emprisonner les gens de Mayneville et de la duchesse, avec défense, sous peine de mort, de leur adresser une seule parole.

Le roi monta dans son carrosse et plaça son épée nue à côté de lui.

M. d'Épernon jura parfandious! et essaya galamment si la sienne jouait bien au fourreau.

Neuf heures sonnaient au donjon: l'on partit.

Une heure après le départ d'Ernauton, M. de Mayneville était encore à la fenêtre, d'où nous l'avons vu essayer, mais vainement, de suivre la route du jeune homme dans la nuit; seulement, cette heure écoulée, il était beaucoup moins tranquille, et surtout un peu plus enclin à espérer le secours de Dieu, car il commençait à croire que le secours des hommes lui manquait.

Pas un de ses soldats n'avait paru: la route, silencieuse et noire, ne retentissait, à des intervalles éloignés, que du bruit de quelques chevaux dirigés à toute bride sur Vincennes.

À ce bruit, M. Mayneville et la duchesse essayaient de plonger leurs regards dans les ténèbres pour reconnaître leurs gens, pour deviner une partie de ce qui se passait, ou savoir la cause de leur retard.

Mais, ces bruits éteints, tout rentrait dans le silence.

Ce va-et-vient perpétuel, sans aucun résultat, avait fini par inspirer à Mayneville une telle inquiétude, qu'il avait fait monter à cheval un des gens de la duchesse, avec ordre d'aller s'informer auprès du premier peloton de cavaliers qu'il rencontrerait.

Le messager n'était point revenu.

Ce que voyant l'impatiente duchesse, elle en avait envoyé un second, qui n'était pas plus revenu que le premier.

– Notre officier, dit alors la duchesse, toujours disposée à voir les choses en beau, notre officier aura craint de n'avoir pas assez de monde, et il garde comme renfort les gens que nous lui envoyons; c'est prudent, mais inquiétant.

– Inquiétant, oui, fort inquiétant, répondit Mayneville, dont les yeux ne quittaient pas l'horizon profond et sombre.

– Mayneville, que peut-il donc être arrivé?

– Je vais monter à cheval moi-même, et nous le saurons, madame. Et Mayneville fit un mouvement pour sortir.

– Je vous le défends, s'écria la duchesse en le retenant, Mayneville; qui donc resterait près de moi? qui donc connaîtrait tous nos officiers, tous nos amis, quand le moment sera venu? Non, non, demeurez, Mayneville; on se forge des appréhensions bien naturelles, quand il s'agit d'un secret de cette importance; mais, en vérité, le plan était trop bien combiné, et surtout tenu trop secret pour ne pas réussir.

– Neuf heures, dit Mayneville répondant à sa propre impatience, plutôt qu'aux paroles de la duchesse; eh! voilà les jacobins qui sortent de leur couvent et qui se rangent le long des murs de la cour; peut-être ont-ils quelque avis particulier, eux.

– Silence! s'écria la duchesse en étendant la main vers l'horizon.

– Quoi?

– Silence, écoutez!

On commençait d'entendre au loin un roulement pareil à celui du tonnerre.

– C'est la cavalerie, s'écria la duchesse, ils nous l'amènent, ils nous l'amènent!

Et passant, selon son caractère emporté, de l'appréhension la plus cruelle à la joie la plus folle, elle battit des mains en criant: Je le tiens! je le tiens!

Mayneville écouta encore.

– Oui, dit-il, oui, c'est un carrosse qui roule et des chevaux qui galopent.

Et il commanda à pleine voix:

– Hors les murs, mes pères, hors les murs! Aussitôt la grande grille du prieuré s'ouvrit précipitamment, et, dans un bel ordre, sortirent les cent moines armés, à la tête desquels marchait Borromée.

Ils prirent position en travers de la route.

On entendit alors la voix de Gorenflot qui criait:

– Attendez-moi! attendez-moi donc! il est important que je sois à la tête du chapitre pour recevoir dignement Sa Majesté.

– Au balcon, sire prieur! au balcon! s'écria Borromée; vous savez bien que vous devez nous dominer tous. L'Écriture a dit: Tu les domineras comme le cèdre domine l'hysope!

– C'est vrai, dit Gorenflot, c'est vrai; j'avais oublié que j'eusse choisi ce poste; heureusement que vous êtes là pour me faire souvenir, frère Borromée, heureusement!

Borromée donna un ordre tout bas, et quatre frère, sous prétexte d'honneur et de cérémonie, vinrent flanquer le digne prieur à son balcon.

Bientôt la route, qui faisait un coude à quelque distance du prieuré, se trouva illuminée d'une quantité de flambeaux, grâce auxquels la duchesse et Mayneville purent voir reluire des cuirasses et briller des épées.