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– Urgence, c'est le mot, monsieur.

– Passez donc.

– Mais seul, n'est-ce pas? Vous sentez que je ne puis compromettre?…

– Comment donc!… Passez, monsieur Chicot, passez.

– Vous êtes un galant homme, cornette.

– Monsieur!

– Non, ventre de biche! c'est un beau trait. Mais voyons, comment me connaissez-vous?

– Je vous ai vu au palais avec le roi.

– Ce que c'est que les petites villes! pensa Chicot; s'il fallait qu'à Paris je fusse connu comme cela, combien de fois aurais-je eu la peau trouée au lieu du pourpoint!

Et il serra la main du jeune officier qui lui dit:

– À propos, de quel côté allez-vous?

– Du côté de la porte d'Agen.

– Ne vous égarez pas, surtout.

– Ne suis-je pas dans le chemin?

– Si fait, allez tout droit, et pas de mauvaise rencontre; voilà ce que je vous souhaite.

– Merci.

Et Chicot partit plus leste et plus joyeux que jamais.

Il n'avait pas fait cent pas, qu'il se trouva nez à nez avec le guet.

– Mordieu! quelle ville bien gardée! pensa Chicot.

– On ne passe pas! cria le prévôt d'une voix de tonnerre.

– Mais, monsieur, objecta Chicot, je désirerais cependant…

– Ah! monsieur Chicot! c'est vous; comment allez-vous dans les rues par un temps si froid? demanda l'officier magistrat.

– Ah! décidément, c'est une gageure, pensa Chicot fort inquiet.

Et, saluant, il fit un mouvement pour continuer son chemin.

– Monsieur Chicot, prenez garde, dit le prévôt.

– Garde à quoi, monsieur le magistrat?

– Vous vous trompez de route: vous allez du côté des portes.

– Justement.

– Alors, je vous arrêterai, monsieur Chicot.

– Non pas, monsieur le prévôt; peste! vous feriez un beau coup.

– Cependant…

– Approchez, monsieur le prévôt, et que vos soldats n'entendent point ce que nous allons dire.

Le prévôt s'approcha.

– J'écoute, dit-il.

– Le roi m'a donné une commission pour le lieutenant de la porte d'Agen.

– Ah! ah! fit le prévôt d'un air de surprise.

– Cela vous étonne?

– Oui.

– Cela ne devrait pas vous étonner pourtant, puisque vous me connaissez.

– Je vous connais pour vous avoir vu au palais avec le roi.

Chicot frappa du pied: l'impatience commençait à le gagner.

– Cela doit suffire pour vous prouver que j'ai la confiance de Sa Majesté.

– Sans doute, sans doute; allez donc faire la commission du roi, monsieur Chicot, je ne vous arrête plus.

– C'est drôle, mais c'est charmant, pensa Chicot, j'accroche en route, mais je roule toujours. Ventre de biche! voilà une porte, ce doit être celle d'Agen; dans cinq minutes, je serai dehors.

Il arriva effectivement à cette porte gardée par une sentinelle qui se promenait de long en large, le mousquet sur l'épaule.

– Pardon, mon ami, fit Chicot, voulez-vous ordonner que l'on m'ouvre la porte?

– Je n'ordonne pas, monsieur Chicot, répondit la sentinelle avec aménité, attendu que je suis simple soldat.

– Tu me connais, toi aussi! s'écria Chicot, exaspéré.

– J'ai cet honneur, monsieur Chicot; j'étais ce matin de garde au palais, je vous ai vu causer avec le roi.

– Eh bien! mon ami, puisque tu me connais, apprends une chose.

– Laquelle?

– C'est que le roi m'a donné un message très pressé pour Agen, ouvre-moi donc la poterne seulement.

– Ce serait avec grand plaisir, monsieur Chicot; mais je n'ai pas les clefs, moi.

– Et qui les a?

– L'officier de service.

Chicot soupira.

– Et où est l'officier de service? demanda-t-il.

– Oh! ne vous dérangez point pour cela. Le soldat tira une sonnette qui alla réveiller dans son poste l'officier endormi.

– Qu'y a-t-il? demanda ce dernier en passant la tête par sa lucarne.

– Mon lieutenant, c'est un monsieur qui veut qu'on lui ouvre la porte pour sortir en plaine.

– Ah! monsieur Chicot, s'écria l'officier, pardon, désolé de vous faire attendre; excusez-moi, je suis à vous, je descends.

Chicot se rongeait les ongles avec un commencement de rage.

– Mais n'en trouverai-je pas un qui ne me connaisse! c'est donc une lanterne que ce Nérac, et je suis donc la chandelle, moi!

L'officier parut sur la porte.

– Excusez, monsieur Chicot, dit-il en s'avançant en grande hâte, je dormais.

– Comment donc, monsieur, fit Chicot, mais la nuit est faite pour cela; seriez-vous assez bon pour me faire ouvrir la porte? Je ne dors pas, moi, malheureusement. Le roi… vous savez sans doute, vous aussi, que le roi me connaît?

– Je vous ai vu causer aujourd'hui avec Sa Majesté au palais.

– C'est cela, justement, grommela Chicot. Eh bien! soit, si vous m'avez vu causer avec le roi, vous ne m'avez pas entendu causer, au moins.

– Non, monsieur Chicot, je ne dis que ce qui est.

– Moi aussi; or, le roi, en causant avec moi, m'a commandé d'aller lui faire cette nuit une commission à Agen; or, cette porte est celle d'Agen, n'est-ce pas?

– Oui, monsieur Chicot.

– Elle est fermée?

– Comme vous voyez.

– Veuillez me la faire ouvrir, je vous prie.

– Comment donc, monsieur Chicot! Anthenas, Anthenas, ouvrez la porte à M. Chicot, vite, vite, vite!

Chicot ouvrit de grands yeux et respira comme un plongeur qui sort de l'eau après cinq minutes d'immersion.

La porte grinça sur ses gonds, porte du paradis pour le pauvre Chicot, qui entrevoyait derrière cette porte toutes les délices de la liberté.

Il salua cordialement l'officier et marcha vers la voûte.

– Adieu, dit-il, merci.

– Adieu, monsieur Chicot, bon voyage!

Et Chicot fit encore un pas vers la porte.

– À propos, étourdi que je suis! cria l'officier en courant après Chicot et en le retenant par sa manche; j'oubliais, cher monsieur Chicot, de vous demander votre passe.