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– Mais, dit Henri, je n'ai vu personne aux antichambres.

– Non, sire, reprit Marguerite en souriant, on croit que la peste est ici; hâtez-vous donc d'aller prendre vos plaisirs ailleurs.

– Madame, dit Henri, je pars, et je vais chasser pour nous deux.

Et il attacha un tendre et dernier regard sur Fosseuse, encore évanouie, et s'élança hors de l'appartement.

Une fois dans les antichambres, il secoua la tête comme pour faire tomber de son front un reste d'inquiétude; puis, le visage souriant, de ce sourire narquois qui lui était particulier, il monta chez Chicot, lequel, nous l'avons dit, dormait les poings fermés.

Le roi se fit ouvrir la porte, et secouant le dormeur dans son lit:

– Eh! eh! compère, dit-il, alerte, alerte, il est deux heures du matin.

– Ah! diable, fit Chicot, vous m'appelez compère, sire. Me prendriez-vous pour le duc de Guise, par hasard?

En effet, Henri, lorsqu'il parlait du duc de Guise, avait l'habitude de l'appeler son compère.

– Je vous prends pour mon ami, dit-il.

– Et vous me faites prisonnier, moi, un ambassadeur! Sire, vous violez le droit des gens.

Henri se mit à rire. Chicot, homme d'esprit avant tout, ne put s'empêcher de lui tenir compagnie.

– Tu es fou. Pourquoi, diable, voulais-tu donc t'en aller d'ici, n'es-tu pas bien traité?

– Trop bien, ventre de biche! trop bien; il me semble être ici comme une oie qu'on engraisse dans une basse-cour. Tout le monde me dit: Petit, petit Chicot, – qu'il est gentil! mais on me rogne l'aile, mais on me ferme la porte.

– Chicot, mon enfant, dit Henri en secouant la tête, rassure-toi, tu n'es pas assez gras pour ma table.

– Eh! mais, sire, dit Chicot en se soulevant, je vous trouve tout guilleret ce matin; quelles nouvelles donc?

– Ah! je vais te dire: c'est que je pars pour la chasse, vois-tu, et je suis toujours très gai quand je vais en chasse. Allons, hors du lit, compère, hors du lit!

– Comment, vous m'emmenez, sire?

– Tu seras mon historiographe, Chicot.

– Je tiendrai note des coups tirés?

– Justement.

Chicot secoua la tête.

– Eh bien! qu'as-tu? demanda le roi.

– J'ai, répondit Chicot, que je n'ai jamais vu pareille gaîté, sans inquiétude.

– Bah!

– Oui, c'est comme le soleil quand il…

– Eh bien?

– Eh bien! sire, pluie, éclair et tonnerre ne sont pas loin.

Henri se caressa la barbe en souriant et répondit:

– S'il fait de l'orage, Chicot, mon manteau est grand et tu seras à couvert.

Puis s'avançant vers l'antichambre, tandis que Chicot s'habillait tout en murmurant:

– Mon cheval! cria le roi; et qu'on dise à M. de Mornay que je suis prêt.

– Ah! c'est M. de Mornay qui est grand veneur pour cette chasse? demanda Chicot.

– M. de Mornay est tout ici, Chicot, répondit Henri. Le roi de Navarre est si pauvre, qu'il n'a pas le moyen de diviser ses charges en spécialités. Je n'ai qu'un homme, moi.

– Oui, mais il est bon, soupira Chicot.

LIV Comment on chassait le loup en Navarre

Chicot, en jetant les yeux sur les préparatifs du départ, ne put s'empêcher de remarquer à demi-voix que les chasses du roi Henri de Navarre étaient moins somptueuses que celles du roi Henri de France.

Douze ou quinze gentilshommes seulement, parmi lesquels il reconnut M. le vicomte de Turenne, objet des contestations matrimoniales, formaient toute la suite de S.M.

De plus, comme ces messieurs n'étaient riches qu'à la surface, comme ils n'avaient point d'assez puissants revenus pour faire d'inutiles dépenses, et même parfois d'utiles dépenses, presque tous, au lieu du costume de chasse en usage à cette époque, portaient le heaume et la cuirasse; ce qui fit demander à Chicot si les loups de Gascogne avaient dans leurs forêts mousquets et artillerie.

Henri entendit la question, quoiqu'elle ne lui fût pas directement adressée; il s'approcha de Chicot et lui toucha l'épaule.

– Non, mon fils, lui dit-il, les loups de Gascogne n'ont ni mousquets ni artillerie; mais ce sont de rudes bêtes, qui ont griffes et dents, et qui attirent les chasseurs dans des fourrés où l'on risque fort de déchirer ses habits aux épines; or, on déchire un habit de soie ou de velours, et même un justaucorps de drap ou de buffle, mais on ne déchire pas une cuirasse.

– Voilà une raison, grommela Chicot, mais elle n'est pas excellente.

– Que veux-tu, dit Henri, je n'en ai pas d'autre.

– Il faut donc que je m'en contente.

– C'est ce que tu as de mieux à faire, mon fils.

– Soit.

– Voilà un soit qui sent sa critique intérieure, reprit Henri en riant; tu m'en veux de t'avoir dérangé pour aller à la chasse?

– Ma foi, oui.

– Et tu gloses.

– Est-ce défendu?

– Non, mon ami, non, la gloserie est monnaie courante en Gascogne.

– Dame! vous comprenez, sire: je ne suis pas chasseur, moi, répliqua Chicot, et il faut bien que je m'occupe à quelque chose, moi, pauvre fainéant, qui n'ai rien à faire, tandis que vous vous pourléchez les moustaches, vous autres, du fumet de ces bons loups que vous allez forcer à douze ou quinze que vous êtes.

– Ah! oui, dit le roi en souriant encore de la satire, les habits d'abord, puis le nombre; raille, raille, mon cher Chicot.

– Oh! sire!

– Mais je te ferai observer que tu n'es pas indulgent, mon fils: le Béarn n'est pas grand comme la France; le roi, là-bas, marche toujours avec deux cents veneurs, moi, ici, je pars avec douze, comme tu vois.

– Oui, sire.

– Mais, continua Henri, tu vas croire que je gasconne, Chicot: eh bien! quelquefois ici, ce qui n'arrive point là-bas, quelquefois ici, des gentilshommes de campagne, apprenant que je fais chasse, quittent leurs maisons, leurs châteaux, leurs mas, et viennent se joindre à moi, ce qui parfois me compose une assez belle escorte.

– Vous verrez, sire, que je n'aurai pas le bonheur d'assister à une chose pareille, dit Chicot; en vérité, sire, je suis en guignon.