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Ce fut à partir de ce moment que Guillaume commença de jouer le rôle qui fit de lui un des plus grands acteurs politiques qu'il y ait au monde. Constamment battu dans cette lutte contre l'écrasante puissance de Philippe II, il se releva constamment, et toujours plus fort après ses défaites, toujours levant une nouvelle armée, qui remplace l'armée disparue, mise en fuite ou anéantie, il reparaît plus fort qu'avant sa défaite, et toujours salué comme un libérateur.

C'est au milieu de ces alternatives de triomphes moraux et de défaites physiques, si cela peut se dire ainsi, que Guillaume apprit à Mons la nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy.

C'était une blessure terrible et qui allait presque au cœur des Pays-Bas; la Hollande et cette portion des Flandres qui était calviniste perdaient par cette blessure le plus brave sang de ses alliés naturels, les huguenots de France.

Guillaume répondit à cette nouvelle, d'abord par la retraite, comme il avait l'habitude de le faire; de Mons où il était, il recula jusqu'au Rhin; il attendit les événements.

Les événements font rarement faute aux nobles causes.

Une nouvelle à laquelle il était impossible de s'attendre, se répandit tout à coup.

Quelques gueux de mer, il y avait des gueux de mer et des gueux de terre, quelques gueux de mer, poussés par le vent contraire dans le port de Brille, voyant qu'il n'y avait aucun moyen pour eux de regagner la haute mer, se laissèrent aller à la dérive, et, poussés par le désespoir, ils prirent la ville qui avait déjà préparé ses potences pour les pendre.

La ville prise, ils chassèrent les garnisons espagnoles des environs, et ne reconnaissant point parmi eux un homme assez fort pour faire fructifier le succès qu'ils devaient au hasard, ils appelèrent le prince d'Orange; Guillaume accourut; il fallait frapper un grand coup; il fallait, en compromettant toute la Hollande, rendre à tout jamais impossible une réconciliation avec l'Espagne.

Guillaume fit rendre une ordonnance qui proscrivait de Hollande le culte catholique, comme le culte protestant était proscrit en France.

À ce manifeste, la guerre recommença: le duc d'Albe envoya contre les révoltés son propre fils, Frédéric de Tolède, qui leur prit Zutphen, Narden et Harlem, mais cet échec, loin d'abattre les Hollandais, sembla leur avoir donné une nouvelle force: tout se souleva; tout prit les armes, depuis le Zuyderzée jusqu'à l'Escaut; l'Espagne eut peur un instant, rappela le duc d'Albe, et lui donna pour successeur don Louis de Requesens, l'un des vainqueurs de Lépante.

Alors s'ouvrit pour Guillaume une nouvelle série de malheurs: Ludovic et Henri de Nassau, qui amenaient un secours au prince d'Orange, furent surpris par un des lieutenants de don Louis, près de Nimègue, défaits et tués; les Espagnols pénétrèrent en Hollande, mirent le siège devant Leyde et pillèrent Anvers.

Tout était désespéré, quand le ciel vint une seconde fois au secours de la république naissante. Requesens mourut à Bruxelles.

Ce fut alors que toutes les provinces, réunies par un seul intérêt, dressèrent d'un commun accord et signèrent, le 8 novembre 1576, c'est-à-dire quatre jours après le sac d'Anvers, le traité connu sous le nom de paix de Gand, par lequel elles s'engageaient à s'entr'aider à délivrer le pays de la servitude des Espagnols et des autres étrangers.

Don Juan reparut, et avec lui la mauvaise fortune des Pays-Bas. En moins de deux mois, Namur et Charlemont furent pris.

Les Flamands répondirent à ces deux échecs en nommant le prince d'Orange gouverneur général du Brabant.

Don Juan mourut à son tour. Décidément Dieu se prononçait en faveur de la liberté des Pays-Bas. Alexandre Farnèse lui succéda.

C'était un prince habile, charmant de façons, doux et fort en même temps, grand politique, bon général; la Flandre tressaillit en entendant pour la première fois cette mielleuse voix italienne l'appeler amie, au lieu de la traiter en rebelle.

Guillaume comprit que Farnèse ferait plus pour l'Espagne avec ses promesses que le duc d'Albe avec ses supplices.

Il fit signer aux provinces, le 29 janvier 1579, l'union d'Utrecht, qui fut la base fondamentale du droit public de la Hollande.

Ce fut alors que, craignant de ne pouvoir exécuter seul ce plan d'affranchissement pour lequel il luttait depuis quinze ans, il fit proposer au duc d'Anjou la souveraineté des Pays-Bas, sous la condition qu'il respecterait les privilèges des Hollandais et des Flamands et respecterait leur liberté de conscience.

C'était un coup terrible porté à Philippe II. Il y répondit en mettant à prix à 25,000 écus la tête de Guillaume.

Les États assemblés à la Haye déclarèrent alors Philippe II déchu de la souveraineté des Pays-Bas, et ordonnèrent que dorénavant le serment de fidélité leur fût prêté à eux, au lieu d'être prêté au roi d'Espagne.

Ce fut en ce moment que le duc d'Anjou entra en Belgique et y fut reçu par les Flamands avec la défiance dont ils accompagnaient tous les étrangers. Mais l'appui de la France promis par le prince français leur était trop important pour qu'ils ne lui fissent pas, en apparence au moins, bon et respectueux accueil.

Cependant la promesse de Philippe II portait ses fruits. Au milieu des fêtes de sa réception, un coup de pistolet partit aux côtés du prince d'Orange; Guillaume chancela: on le crut blessé à mort; mais la Hollande avait encore besoin de lui.

La balle de l'assassin avait seulement traversé les deux joues. Celui qui avait tiré le coup, c'était Jean Jaureguy, le précurseur de Balthasar Gérard, comme Jean Chatel devait être le précurseur de Ravaillac.