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2ème mi-temps

1. Durant toute la semaine, les coups de téléphone entre le père de Nicolas et les autres pères avaient eu pour résultat de modifier sensiblement l’équipe : Eudes passait inter gauche et Geoffroy arrière. A l’issue d’une réunion des pères, plusieurs tactiques avaient été mises au point. La principale consistait à marquer un but dans les premières minutes, à jouer la défensive, puis profiter d’une contre-attaque et en marquer un autre. Si les enfants suivaient à la lettre ces instructions, ils remporteraient le match par 5 à 2, puisqu’ils menaient déjà par 3 à 2. Les pères (de Nicolas, de ses amis et ceux de l’autre école) étaient au grand complet quand le match débuta, dans une ambiance passionnée, à 16 h 03.

2. On n’entendait que les pères sur le terrain. Cela énerva les joueurs. Durant les premières minutes, rien d’important ne se passa, si ce n’est un shoot de Rufus dans le dos du père de Maixent et une gifle que Clotaire reçut de son père, pour avoir manqué une passe. Joachim, qui était le capitaine à ce moment (il avait été décidé que tous les joueurs seraient capitaines durant cinq minutes chacun), alla demander à l’arbitre de bien vouloir faire évacuer le terrain. Clotaire ajouta que la gifle l’ayant commotionné, il ne pouvait plus tenir son poste. Son père dit qu’il prendrait sa place. Ceux de l’autre école protestèrent et dirent qu’ils prenaient leurs pères avec eux.

3. Un frémissement de plaisir parcourut les pères, qui tous enlevèrent leurs pardessus, vestons, cache-nez et chapeaux. Ils se précipitèrent sur le terrain en demandant aux enfants de faire attention et de ne pas trop s’approcher, qu’ils allaient leur montrer comment on tripote un ballon.

4. Dès les premières minutes de ce match, opposant les pères des amis de Nicolas et ceux de l’autre école, les fils furent vite fixés sur la façon dont on arrive à jouer au football, et

5. décidèrent d’un commun accord d’aller chez Clotaire, voir « Sport-Dimanche » à la télé.

6. Le match se déroulait avec, de part et d’autre, le souci d’envoyer de grands coups de pied dans la balle, de façon à prouver qu’on pouvait marquer un but si le vent contraire, dans tous les sens, n’était pas si gênant. À la 16e minute, un père de l’autre école donna un grand coup de pied en direction d’un père qu’il espérait être un père de l’autre école, mais qui, en réalité, était le père de Geoffroy. Celui-ci envoya un coup de pied encore plus fort. Le ballon atterrit au milieu de quelques caisses, boîtes de conserve et autres ferrailles, il fit entendre un bruit comparable à celui d’un ballon qu’on dégonfle, mais continua de rebondir, grâce au ressort qui l’avait traversé de part en part. Après trois secondes de discussion il fut décidé que le match continuerait, une boîte de conserve – pourquoi pas ? – tenant lieu de ballon.

7. À la 36e minute, le père de Rufus, en position d’arrière, arrêta la boîte de conserve, qui se dirigeait en tournoyant vers sa lèvre supérieure. Comme il l’arrêta de la main, l’arbitre (le frère d’un des pères de l’autre école, le père de Nicolas tenant la place d’inter) siffla penalty. Malgré les protestations de certains joueurs (le père de Nicolas et tous les pères des amis de Nicolas), le penalty fut tiré et le père de Clotaire, qui jouait goal, ne put arrêter la boîte malgré un geste de dépit. Les pères de l’autre école égalisaient donc et la marque était de 3 à 3.

8. Il restait quelques minutes à jouer. Les pères étaient inquiets quant à l’accueil que leur réserveraient leurs fils s’ils perdaient le match. Le jeu, qui jusqu’alors avait été mauvais, devint exécrable. Les pères de l’autre école jouaient la défense. Certains posaient les deux pieds sur la boîte et empêchaient les autres de la prendre. Soudain, le père de Rufus, qui est agent de police dans le civil, s’échappa. Dribblant deux pères adverses, il se présenta seul devant le goal, shoota sèchement et envoya la boîte au fond des filets.

Les pères de Nicolas et ses amis remportaient le match par 4 à 3.

9. Sur la photo de l’équipe gagnante, prise après le match, on reconnaît : debout, de gauche à droite, les pères de Maixent, Rufus (le héros du match), Eudes (blessé à l’œil gauche), Geoffroy, Alceste. Assis, les pères de Joachim, Clotaire, Nicolas (blessé à l’œil gauche dans un choc avec le père de Eudes) et Agnan.

Le musée de peintures

Aujourd’hui, je suis très content, parce que la maîtresse emmène toute la classe au musée, pour voir des peintures. C’est drôlement amusant quand on sort tous ensemble, comme ça. C’est dommage que la maîtresse, qui est pourtant gentille, ne veuille pas le faire plus souvent.

Un car devait nous emmener de l’école au musée. Comme le car n’avait pas pu se garer devant l’école, nous avons dû traverser la rue. Alors, la maîtresse nous a dit : « Mettez-vous en rangs par deux et donnez-vous la main ; et surtout, faites bien attention ! », j’ai moins aimé ça, parce que j’étais à côté d’Alceste, mon ami qui est très gros et qui mange tout le temps, et ce n’est pas très agréable de lui donner la main. J’aime bien Alceste, mais il a toujours les mains grasses ou collantes, ça dépend ce qu’il mange. Aujourd’hui, j’ai eu de la chance : il avait les mains sèches. « Qu’est-ce que tu manges, Alceste ? » je lui ai demandé. « Des biscuits secs », il m’a répondu, en m’envoyant plein de miettes à la figure.

Devant, à côté de la maîtresse, il y avait Agnan. C’est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse. Nous, on ne l’aime pas trop, mais on ne tape pas beaucoup dessus à cause de ses lunettes. « En avant, marche ! » a crié Agnan, et nous avons commencé à traverser pendant qu’un agent de police arrêtait les autos pour nous laisser passer.

Tout d’un coup, Alceste a lâché ma main et il a dit qu’il revenait tout de suite, qu’il avait oublié des caramels en classe. Alceste a commencé à traverser dans l’autre sens, au milieu des rangs, ce qui a fait un peu de désordre. « Où vas-tu, Alceste ? a crié la maîtresse ; reviens ici tout de suite ! » « Oui : où vas-tu, Alceste, a dit Agnan, reviens ici tout de suite ! » Eudes, ça ne lui a pas plu, ce qu’avait dit Agnan. Eudes est très fort et il aime bien donner des coups de poing sur le nez des gens. « De quoi te mêles tu chouchou ? Je vais te donner un coup de poing sur le nez », a dit Eudes en avançant sur Agnan. Agnan s’est mis derrière la maîtresse et il a dit qu’on ne devait pas le frapper, qu’il avait des lunettes. Alors Eudes, qui était dans les derniers rangs, parce qu’il est très grand, a bousculé tout le monde ; il voulait aller trouver Agnan, lui enlever ses lunettes et lui donner un coup de poing sur le nez. « Eudes, retournez à votre place ! » a crié la maîtresse. « C’est ça, Eudes, a dit Agnan, retournez à votre place ! » « Je ne voudrais pas vous déranger, a dit l’agent de police, mais ça fait déjà un petit moment que j’arrête la circulation ; alors, si vous avez l’intention de faire la classe sur le passage clouté, il faut me le dire ; moi, je ferai passer les autos par l’école ! » Nous, on aurait bien aimé voir ça, mais la maîtresse est devenue toute rouge, et de la façon dont elle nous a dit de monter dans le car, on a compris que ce n’était pas le moment de rigoler. On a vite obéi.

Le car a démarré et, derrière, l’agent a fait signe aux autos qu’elles pouvaient passer, et puis, on a entendu des coups de freins et des cris. C’était Alceste qui traversait la rue en courant, avec son paquet de caramels à la main.