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C’est Papa qui m’a emmené à l’école aujourd’hui, après le déjeuner. Moi, j’aime bien quand Papa m’accompagne, parce qu’il me donne souvent des sous pour acheter des choses. Et là, ça n’a pas raté. Nous sommes passés devant le magasin de jouets et, dans la vitrine, j’ai vu des nez en carton qu’on met sur la figure pour faire rire les copains.

« Papa, j’ai dit, achète-moi un nez ! » Papa a dit que non, que je n’avais pas besoin de nez, mais moi je lui ai montré un grand, tout rouge, et je lui ai dit :

« Oh ! oui, Papa ! Achète-moi celui-là, on dirait le nez de tonton Eugène ! »

Tonton Eugène, c’est le frère de Papa ; il est gros, il raconte des blagues et il rit tout le temps. On ne le voit pas beaucoup, parce qu’il voyage, pour vendre des choses très loin, à Lyon, à Clermont-Ferrand et à Saint-Étienne. Papa s’est mis à rigoler.

— C’est vrai, il a dit Papa, on dirait le nez d’Eugène en plus petit. La prochaine fois qu’il viendra à la maison je le mettrai.

Et puis nous sommes entrés dans le magasin, nous avons acheté le nez, je l’ai mis sur ma figure ; ça tient avec un élastique, et puis Papa l’a mis sur sa figure, et puis la vendeuse l’a mis sur sa figure, on s’est tous regardés dans une glace et on a drôlement rigolé. Vous direz ce que vous voudrez, mais mon papa il est très chouette !

En me laissant à la porte de l’école, Papa m’a dit : « Surtout, sois sage et essaie de ne pas avoir d’ennuis avec le nez d’Eugène. » Moi, j’ai promis et je suis entré dans l’école.

Dans la cour, j’ai vu les copains et j’ai mis mon nez pour leur montrer et on a tous rigolé.

— On dirait le nez de ma tante Claire, a dit Maixent.

— Non, j’ai dit, c’est le nez de mon tonton Eugène, celui qui est explorateur.

— Tu me prêtes le nez ? m’a demandé Eudes.

— Non, j’ai répondu. Si tu veux un nez, t’as qu’à demander à ton papa de t’en acheter un !

— Si tu ne me le prêtes pas, je lui donne un coup de poing, à ton nez ! il m’a dit Eudes, qui est très fort, et bing ! il a tapé sur le nez de tonton Eugène.

Moi, ça ne m’a pas fait mal, mais j’ai peur qu’il ait cassé le nez de tonton Eugène ; alors, je l’ai mis dans ma poche et j’ai donné un coup de pied à Eudes. On était là à se battre, avec les copains qui regardaient, quand le Bouillon est arrivé en courant. Le Bouillon, c’est notre surveillant, et un jour, je vous raconterai pourquoi on l’appelle comme ça.

— Alors, il a dit le Bouillon, qu’est-ce qui se passe ici ?

— C’est Eudes, j’ai dit ; il m’a donné un coup de poing sur le nez et il me l’a cassé.

Le Bouillon a ouvert des grands yeux, il s’est baissé pour mettre sa figure devant la mienne, et il m’a dit : « Montre voir un peu...»

Alors, moi, j’ai sorti le nez de tonton Eugène de ma poche et je lui ai montré. Je ne sais pas pourquoi, mais ça l’a mis dans une colère terrible, le Bouillon, de voir le nez de tonton Eugène.

— Regardez-moi bien dans les yeux, il a dit le Bouillon, qui s’est relevé. Je n’aime pas qu’on se moque de moi, mon petit ami. Vous viendrez jeudi en retenue, c’est compris ?

Je me suis mis à pleurer, alors Geoffroy a dit :

— Non, m’sieur, c’est pas sa faute !

Le Bouillon a regardé Geoffroy, il a souri, et il lui a mis la main sur l’épaule.

— C’est bien, mon petit, de se dénoncer pour sauver un camarade.

— Ouais, a dit Geoffroy, c’est pas sa faute, c’est la faute à Eudes.

Le Bouillon est devenu tout rouge, il a ouvert la bouche plusieurs fois avant de parler, et puis il a donné une retenue à Eudes, une à Geoffroy, et une autre à Clotaire qui riait. Et il est allé sonner la cloche.

En classe, la maîtresse a commencé à nous expliquer des histoires de quand la France était pleine de Gaulois. Alceste qui est assis à côté de moi, m’a demandé si le nez de tonton Eugène était vraiment cassé. Je lui ai dit que non, qu’il était seulement un peu aplati au bout, et puis je l’ai sorti de ma poche pour voir si je pouvais l’arranger. Et ce qui est chouette, c’est qu’en poussant avec le doigt à l’intérieur, je suis arrivé à lui donner la forme qu’il avait avant. J’étais bien content.

— Mets-le, pour voir, m’a dit Alceste.

Alors, je me suis baissé sous le pupitre et j’ai mis le nez, Alceste a regardé et il a dit :

— Ça va, il est bien.

— Nicolas ! Répétez ce que je viens de dire ! a crié la maîtresse qui m’a fait très peur.

Je me suis levé d’un coup et j’avais bien envie de pleurer, parce que je ne savais pas ce qu’elle venait de dire, la maîtresse, et elle n’aime pas quand on ne l’écoute pas. La maîtresse m’a regardé en faisant des yeux ronds, comme le Bouillon.

— Mais... qu’est-ce que vous avez sur la figure ? elle m’a demandé.

— C’est le nez que m’a acheté mon papa j’ai expliqué en pleurant.

La maîtresse, elle s’est fâchée et elle s’est mise à crier, en disant qu’elle n’aimait pas les pitres et que si je continuais comme ça, je serais renvoyé de l’école et que je deviendrais un ignorant et que je serais la honte de mes parents. Et puis elle m’a dit : « Apportez-moi ce nez ! »

Alors, moi, j’y suis allé en pleurant, j’ai mis le nez sur le bureau de la maîtresse et elle a dit qu’elle le confisquait, et puis elle m’a donné à conjuguer le verbe « Je ne dois pas apporter des nez en carton en classe d’histoire, dans le but de faire le pitre et de dissiper mes camarades. »

Quand je suis rentré à la maison, Maman m’a regardé et elle m’a dit : « Qu’est-ce que tu as, Nicolas, tu es tout pâlot. » Alors je me suis mis à pleurer, je lui ai expliqué que le Bouillon m’avait donné une retenue quand j’avais sorti le nez de tonton Eugène de ma poche, et que c’était la faute d’Eudes qui avait aplati le bout du nez de tonton Eugène et qu’en classe la maîtresse m’avait donné des choses à conjuguer, à cause du nez de tonton Eugène, qu’elle m’avait confisqué. Maman m’a regardé, l’air tout étonné, et puis elle m’a mis la main sur le front, elle m’a dit qu’il faudrait que je me couche un peu et que je me repose.

Et puis, quand Papa est revenu de son bureau, Maman lui a dit :

— Je t’attendais avec impatience, je suis très inquiète. Le petit est rentré très énervé de l’école. Je me demande s’il ne faudrait pas appeler le docteur.

— Ça y est ! a dit Papa, j’en étais sûr, je l’avais pourtant prévenu ! Je parie que ce petit étourdi de Nicolas a eu des ennuis avec le nez d’Eugène !

Alors on a eu tous très peur, parce que Maman s’est trouvée mal et il a fallu appeler le docteur.

La montre

Hier soir, après ma rentrée de l’école, un facteur est venu et il a apporté un paquet pour moi. C’était un cadeau de Mémé. Un cadeau terrible et vous ne devineriez jamais ce que c’était : une montre-bracelet !

Ma mémé et ma montre sont drôlement chouettes, et les copains vont faire une drôle de tête. Papa n’était pas là, parce que ce soir il avait un dîner pour son travail, et Maman m’a appris comment il fallait faire pour remonter la montre et elle me l’a attachée autour du poignet. Heureusement, je sais bien lire l’heure, pas comme l’année dernière quand j’étais petit et j’aurais été obligé tout le temps de demander aux gens quelle heure il est à ma montre, ce qui n’aurait pas été facile. Ce qu’elle avait de bien, ma montre, c’est qu’elle avait une grande aiguille qui tournait plus vite que les deux autres qu’on ne voit pas bouger à moins de regarder bien et longtemps. J’ai demandé à Maman à quoi servait la grande aiguille et elle m’a dit que c’était très pratique pour savoir si les œufs à la coque étaient prêts.