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— Eh bien ? Tu lui as dit, à Papa, ce que tu as fait ?

— Moi, je veux pas lui dire ! j’ai expliqué, et j’ai pleuré un bon coup.

— Ah ! Nicolas, tu sais que je n’aime pas ça, m’a dit Maman. Il faut avoir du courage dans la vie. Tu es un grand garçon, maintenant ; tu vas aller dans le salon et tout avouer à Papa !

Chaque fois qu’on me dit que je suis un grand garçon, j’ai des ennuis, c’est vrai à la fin ! Mais comme Maman n’avait pas l’air de rigoler, je suis allé dans le salon.

— Papa... j’ai dit.

— Hmm ? a dit Papa, qui a continué à lire son journal.

— J’ai cassé le vase rose du salon, j’ai dit très vite à Papa, et j’avais une grosse boule dans la gorge.

— Hmm ? a dit Papa, c’est très bien, mon chéri, va jouer.

Je suis retourné dans la cuisine drôlement content, et Maman m’a demandé :

— Tu as parlé à Papa ?

— Oui, Maman, j’ai répondu.

— Et qu’est-ce qu’il t’a dit ? m’a demandé Maman.

— Il m’a dit que c’était très bien, mon chéri, et que j’aille jouer, j’ai répondu.

Ça, ça ne lui a pas plu, à Maman. « Ça, par exemple ! » elle a dit, et puis elle est allée dans le salon.

— Alors, a dit Maman, c’est comme ça que tu fais l’éducation du petit ?

Papa a levé la tête de son journal l’air très étonné.

— Qu’est-ce que tu dis ? il a demandé.

— Ah ! non, je t’en prie, ne fais pas l’innocent, a dit Maman. Évidemment, tu préfères lire tranquillement ton journal, pendant que moi je m’occupe de la discipline.

— J’aimerais en effet, a dit Papa, lire tranquillement mon journal, mais il semble que ce soit une chose impossible dans cette maison !

— Oh ! bien sûr, Monsieur aime prendre ses aises ! Les pantoufles, le journal, et à moi toutes les sales besognes ! a crié Maman. Et après, tu t’étonneras si ton fils devient un dévoyé !

— Mais enfin, a crié Papa, que veux-tu que je fasse ? Que je fouette le gosse dès que j’entre dans la maison ?

— Tu refuses tes responsabilités, a dit Maman, ta famille ne t’intéresse guère.

— Ça, par exemple ! a crié Papa, moi qui travaille comme un forcené, qui supporte la mauvaise humeur de mon patron, qui me prive de bien des joies pour vous mettre, toi et Nicolas, à l’abri du besoin...

— Je t’ai déjà dit de ne pas parler d’argent devant le petit ! a dit Maman.

— On me rend fou dans cette maison ! a crié Papa, mais ça va changer ! Oh ! la la ! ça va changer !

— Ma mère m’avait prévenue, a dit Maman ; j’aurais dû l’écouter !

— Ah ! ta mère ! Ça m’étonnait qu’elle ne soit pas encore arrivée dans la conversation, ta mère ! a dit Papa.

— Laisse ma mère tranquille, a crié Maman ! Je t’interdis de parler de ma mère !

— Mais ce n’est pas moi qui... a dit Papa, et on a sonné à la porte.

C’était M. Blédurt, notre voisin.

— J’étais venu voir si tu voulais faire une partie de dames, il a dit à Papa.

— Vous tombez bien, monsieur Blédurt, a dit Maman ; vous allez être juge de la situation ! Ne pensez-vous pas qu’un père doit prendre une part active dans l’éducation de son fils ?

— Qu’est-ce qu’il en sait ? Il n’a pas d’enfants ! a dit Papa.

— Ce n’est pas une raison, a dit Maman : les dentistes n’ont jamais mal aux dents, ça ne les empêche pas d’être dentistes !

— Et d’où as-tu sorti cette histoire que les dentistes n’ont jamais mal aux dents ? a dit Papa ; tu me fais rigoler. Et il s’est mis à rigoler.

— Vous voyez, vous voyez, monsieur Blédurt ? Il se moque de moi ! a crié Maman. Au lieu de s’occuper de son fils, il fait de l’esprit. Qu’en pensez-vous, monsieur Blédurt ?

— Pour les dames, a dit M. Blédurt, c’est fichu. Je m’en vais.

— Ah ! non, a dit Maman ; vous avez tenu à mettre votre grain de sel dans cette conversation, vous resterez jusqu’au bout !

— Pas question, a dit Papa ; cet imbécile que personne n’a sonné n’a rien à faire ici ! Qu’il retourne dans sa niche !

— Écoutez... a dit M. Blédurt.

— Oh ! vous, les hommes, tous pareils ! a dit Maman. Vous vous tenez bien entre vous ! Et puis vous feriez mieux de rentrer chez vous, plutôt que d’écouter aux portes de vos voisins !

— Eh bien, on jouera aux dames un autre jour, a dit M. Blédurt. Bonsoir. Au revoir, Nicolas !

Et M. Blédurt est parti.

Moi, je n’aime pas quand Papa et Maman se disputent, mais ce que j’aime bien, c’est quand ils se réconcilient. Et là, ça n’a pas raté. Maman s’est mise à pleurer, alors Papa il a eu l’air embêté, il a dit : « Allons, allons, allons...» et puis il a embrassé Maman, il a dit qu’il était une grosse brute, et Maman a dit qu’elle avait eu tort, et Papa a dit que non, que c’était lui qui avait eu tort et ils se sont mis à rigoler, et ils se sont embrassés, et ils m’ont embrassé, et ils m’ont dit que tout ça c’était pour rire, et Maman a dit qu’elle allait faire des frites.

Le dîner a été très chouette, et tout le monde souriait drôlement et puis Papa a dit : « Tu sais, chérie, je crois que nous avons été un peu injustes envers ce bon Blédurt. Je vais lui téléphoner pour lui dire de venir prendre le café et jouer aux dames. »

M. Blédurt, quand il est venu, il se méfiait un peu. « Vous n’allez pas recommencer à vous disputer, au moins ? », il a dit ; mais Papa et Maman se sont mis à rigoler, ils l’ont pris chacun par un bras et ils l’ont emmené dans le salon. Papa a mis le damier sur la petite table, Maman a apporté le café et moi j’ai eu un canard.

Et puis, Papa a levé la tête, il a eu l’air tout étonné et il a dit : « Ça, par exemple !... Où est donc passé le vase rose du salon ? »

À la récré, on se bat

— T’es un menteur, j’ai dit à Geoffroy.

— Répète un peu, m’a répondu Geoffroy.

— T’es un menteur, je lui ai répété.

— Ah ! oui ? il m’a demandé.

— Oui, je lui ai répondu, et la cloche a sonné la fin de la récré.

— Bon, a dit Geoffroy pendant que nous nous mettions en rang, à la prochaine récré, on se bat.

— D’accord, je lui ai dit ; parce que moi, ce genre de choses, il faut pas me les dire deux fois, c’est vrai quoi, à la fin.

— Silence dans les rangs ! a crié le Bouillon, qui est notre surveillant ; et avec lui il ne faut pas rigoler.

En classe, c’était géographie. Alceste, qui est assis à côté de moi, m’a dit qu’il me tiendrait la veste à la récré, quand je me battrai avec Geoffroy, et il m’a dit de taper au menton, comme font les boxeurs à la télé.

— Non, a dit Eudes, qui est assis derrière nous. C’est au nez qu’il faut taper ; tu cognes dessus, bing, et tu as gagné.

— Tu racontes n’importe quoi, a dit Rufus, qui est assis à côté de Eudes ; avec Geoffroy, ce qui marche, c’est les claques.

— T’as vu souvent des boxeurs qui se donnent des claques, imbécile ? a demandé Maixent, qui est assis pas loin et qui a envoyé un papier à Joachim qui voulait savoir de quoi il s’agissait, mais qui, d’où il est, ne pouvait pas entendre.

Ce qui est embêtant, c’est que le papier, c’est Agnan qui l’a reçu, et Agnan c’est le chouchou de la maîtresse et il a levé le doigt et il a dit : « Mademoiselle, j’ai reçu un papier ! »

La maîtresse, elle a fait de gros yeux et elle a demandé à Agnan de lui apporter le papier, et Agnan y est allé, drôlement fier. La maîtresse a lu le papier et elle a dit :

— Je lis ici que deux d’entre vous vont se battre pendant la récréation. Je ne sais pas de qui il s’agit, et je ne veux pas le savoir. Mais je vous préviens, je questionnerai M. Dubon, votre surveillant, après la récréation, et les coupables seront sévèrement punis. Alceste, au tableau.