Выбрать главу

— Et puis, a dit Alceste, les cuisses de grenouille, avec de l’ail, c’est très très bon !

Et Alceste a regardé son têtard, en se passant la langue sur les lèvres.

Et puis on est partis en courant parce qu’on a vu le gardien du square qui arrivait. Dans la rue, en marchant, je voyais mon têtard dans le bocal, et il était très chouette : il bougeait beaucoup et j’étais sûr qu’il deviendrait une grenouille terrible, qui allait gagner toutes les courses. J’ai décidé de l’appeler King ; c’est le nom d’un cheval blanc que j’ai vu jeudi dernier dans un film de cow-boys. C’était un cheval qui courait très vite et qui venait quand son cow-boy le sifflait. Moi, je lui apprendrai à faire des tours, à mon têtard, et quand il sera grenouille, il viendra quand je le sifflerai.

Quand je suis entré dans la maison, Maman m’a regardé et elle s’est mise à pousser des cris : « Mais regarde-moi dans quel état tu t’es mis ! Tu as de la boue partout, tu es trempé comme une soupe. Qu’est-ce que tu as encore fabriqué ? »

C’est vrai que je n’étais pas très propre, surtout que j’avais oublié de rouler les manches de ma chemise quand j’avais mis mes bras dans l’étang.

— Et ce bocal ? a demandé Maman, qu’est-ce qu’il y a dans ce bocal ?

— C’est King, j’ai dit à Maman en lui montrant mon têtard. Il va devenir grenouille, il viendra quand je le sifflerai, il nous dira le temps qu’il fait et il va gagner des courses.

Maman, elle a fait une tête avec le nez tout chiffonné.

— Quelle horreur ! elle a crié, Maman. Combien de fois faut-il que je te dise de ne pas apporter des saletés dans la maison ?

— C’est pas des saletés, j’ai dit, c’est propre comme tout, c’est tout le temps dans l’eau et je vais lui apprendre à faire des tours !

— Eh bien, voilà ton père, a dit Maman ; nous allons voir ce qu’il en dit.

Et quand Papa a vu le bocal, il a dit : « Tiens ! c’est un têtard », et il est allé s’asseoir dans le fauteuil pour lire son journal. Maman, elle, était toute fâchée.

— C’est tout ce que tu trouves à dire ? elle a demandé à Papa. Je ne veux pas que cet enfant ramène toutes sortes de sales bêtes à la maison.

— Bah ! a dit Papa, un têtard, ce n’est pas bien gênant...

— Eh bien, parfait, a dit Maman, parfait ! Puisque je ne compte pas, je ne dis plus rien. Mais je vous préviens, c’est le têtard ou moi !

Et Maman est partie dans la cuisine.

Papa a fait un gros soupir et il a plié son journal.

— Je crois que nous n’avons pas le choix, Nicolas, il m’a dit. Il va falloir se débarrasser de cette bestiole.

Moi, je me suis mis à pleurer, j’ai dit que je ne voulais pas qu’on fasse du mal à King et qu’on était déjà drôlement copains tous les deux. Papa m’a pris dans ses bras :

— Écoute, bonhomme, il m’a dit. Tu sais que ce petit têtard a une maman grenouille. Et la Maman grenouille doit avoir beaucoup de peine d’avoir perdu son enfant. Maman, elle ne serait pas contente si on t’emmenait dans un bocal. Pour les grenouilles, c’est la même chose. Alors, tu sais ce qu’on va faire ? Nous allons partir tous les deux et nous allons remettre le têtard où tu l’as pris, et puis tous les dimanches tu pourras aller le voir. Et en revenant à la maison, je t’achèterai une tablette en chocolat.

Moi, j’ai réfléchi un coup et j’ai dit que bon, d’accord.

Alors, Papa est allé dans la cuisine et il a dit à Maman, en rigolant, que nous avions décidé de la garder et de nous débarrasser du têtard.

Maman a rigolé aussi, elle m’a embrassé et elle a dit que pour ce soir, elle ferait du gâteau. J’étais très consolé.

Quand nous sommes arrivés dans le jardin, j’ai conduit Papa, qui tenait le bocal, vers le bord de l’étang. « C’est là » j’ai dit. Alors j’ai dit au revoir à King et Papa a versé dans l’étang tout ce qu’il y avait dans le bocal. Et puis nous nous sommes retournés pour partir et nous avons vu le gardien du square qui sortait de derrière un arbre avec des yeux ronds.

— Je ne sais pas si vous êtes tous fous ou si c’est moi qui le deviens, a dit le gardien, mais vous êtes le septième bonhomme, y compris un agent de police, qui vient aujourd’hui jeter le contenu d’un bocal d’eau à cet endroit précis de l’étang.

L’appareil de photo

Juste quand j’allais partir pour l’école, le facteur a apporté un paquet pour moi, c’était un cadeau de mémé : un appareil de photo ! Ma mémé, c’est la plus gentille du monde.

« Elle a de drôles d’idées, ta mère, a dit Papa à Maman, ce n’est pas un cadeau à faire à un enfant. » Maman s’est fâchée, elle a dit que, pour Papa, tout ce que faisait sa mère (ma mémé) ne lui plaisait pas, que ce n’était pas malin de parler comme ça devant l’enfant, que c’était un merveilleux cadeau, et moi j’ai demandé si je pouvais emmener mon appareil de photo à l’école et Maman a dit que oui, mais attention de ne pas me le faire confisquer. Papa, il a haussé les épaules, et puis il a regardé les instructions avec moi et il m’a montré comment il fallait faire. C’est très facile.

En classe, j’ai montré mon appareil de photo à Alceste, qui est assis à côté de moi, et je lui ai dit qu’à la récré on ferait des tas de photos. Alors, Alceste s’est retourné et en a parlé à Eudes et à Rufus qui sont assis derrière nous. Ils ont prévenu Geoffroy, qui a envoyé un petit papier à Maixent, qui l’a passé à Joachim, qui a réveillé Clotaire, et la maîtresse a dit : « Nicolas, répétez un peu ce que je viens de dire. » Alors moi, je me suis levé et je me suis mis à pleurer, parce que je ne savais pas ce que la maîtresse avait dit. Pendant qu’elle parlait, j’avais été occupé à regarder Alceste par la petite fenêtre de l’appareil. « Qu’est-ce que vous cachez sous votre pupitre ? » a demandé la maîtresse. Quand la maîtresse vous dit « vous », c’est qu’elle n’est pas contente ; alors moi, j’ai continué à pleurer, et la maîtresse est venue, elle a vu l’appareil de photo, elle me l’a confisqué, et puis elle m’a dit que j’aurais un zéro. « C’est gagné », a dit Alceste, et la maîtresse lui a donné un zéro aussi et elle lui a dit de cesser de manger en classe, et ça, ça m’a fait rigoler, parce que c’est vrai, il mange tout le temps, Alceste. « Moi je peux répéter ce que vous avez dit, mademoiselle », a dit Agnan, qui est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse, et la classe a continué. Quand la récré a sonné, la maîtresse m’a fait rester après les autres et elle m’a dit : « Tu sais, Nicolas, je ne veux pas te faire de peine, je sais que c’est un beau cadeau que tu as là. Alors, si tu promets d’être sage, de ne plus jouer en classe et de bien travailler, je t’enlève ton zéro et je te rends ton appareil de photo. » Moi, j’ai drôlement promis, alors la maîtresse m’a rendu l’appareil et elle m’a dit de rejoindre mes petits camarades dans la cour. La maîtresse, c’est simple : elle est chouette, chouette, chouette !

Quand je suis descendu dans la cour, les copains m’ont entouré. « On ne s’attendait pas à te voir », a dit Alceste, qui mangeait un petit pain beurré. « Et puis, elle t’a rendu ton appareil de photo ! » a dit Joachim. « Oui, j’ai dit, on va faire des photos, mettez-vous en groupe ! » Alors, les copains se sont mis en tas devant moi, même Agnan est venu.

L’ennui, c’est que, dans les instructions, ils disent qu’il faut se mettre à quatre pas, et moi j’ai encore des petites jambes. Alors, c’est Maixent qui a compté les pas pour moi, parce que lui il a des jambes très longues avec des gros genoux sales, et puis, il est allé se mettre avec les autres. J’ai regardé par la petite fenêtre pour voir s’ils étaient tous là, la tête d’Eudes je n’ai pas pu l’avoir parce qu’il est trop grand et la moitié d’Agnan dépassait vers la droite. Ce qui est dommage, c’est le sandwich qui cachait la figure d’Alceste, mais il n’a pas voulu s’arrêter de manger. Ils ont tous fait des sourires, et clic ! j’ai pris la photo. Elle sera terrible !