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« Il est bien, ton appareil », a dit Eudes. « Bah ! a dit Geoffroy, à la maison, mon papa m’en a acheté un bien mieux, avec un flash ! » Tout le monde s’est mis à rigoler, c’est vrai, il dit n’importe quoi, Geoffroy. « Et c’est quoi, un flash ? » j’ai demandé. « Ben, c’est une lampe qui fait pif ! comme un feu d’artifice, et on peut photographier la nuit », a dit Geoffroy. « Tu es un menteur, voilà ce que tu es ! » j’ai dit. « Je vais te donner une claque », m’a dit Geoffroy. « Si tu veux, Nicolas, a dit Alceste, je peux te tenir l’appareil de photo. » Alors, je lui ai donné l’appareil, en lui disant de faire attention, je me méfiais parce qu’il avait les doigts pleins de beurre et j’avais peur que ça glisse. Nous avons commencé à nous battre, et le Bouillon – c’est notre surveillant, mais ce n’est pas son vrai nom – est arrivé en courant et il nous a séparés. « Qu’est-ce qu’il y a encore ? » il a demandé. « C’est Nicolas, a expliqué Alceste, il se bat avec Geoffroy parce que son appareil de photo n’a pas de feu d’artifice pour la nuit.

— Ne parlez pas la bouche pleine, a dit le Bouillon, et qu’est-ce que c’est cette histoire d’appareil de photo ? »

Alors Alceste lui a donné l’appareil, et le Bouillon a dit qu’il avait bien envie de le confisquer. « Oh ! non, m’sieur, oh ! non », j’ai crié. « Bon, a dit le Bouillon, je vous le laisse, mais regardez-moi bien dans les yeux, il faut être sage et ne plus se battre, compris ? » Moi j’ai dit que j’avais compris, et puis je lui ai demandé si je pouvais prendre sa photo.

Le Bouillon, il a eu l’air tout surpris. « Vous voulez avoir ma photo ? » il m’a demandé. « Oh ! oui, m’sieur », j’ai répondu. Alors, le Bouillon, il a fait un sourire, et quand il fait ça, il a l’air tout gentil. « Hé hé, il a dit, hé, hé, bon, mais faites vite, parce que je dois sonner la fin de la récréation. » Et puis, le Bouillon s’est mis sans bouger au milieu de la cour, avec une main dans la poche et l’autre sur le ventre, un pied en avant et il a regardé loin devant lui. Maixent m’a compté quatre pas, j’ai regardé le Bouillon dans la petite fenêtre, il était rigolo. Clic, j’ai pris la photo, et puis il est allé sonner la cloche.

Le soir, à la maison, quand Papa est revenu de son bureau, je lui ai dit que je voulais prendre sa photo avec Maman. « Écoute, Nicolas, m’a dit Papa, je suis fatigué, range cet appareil et laisse-moi lire mon journal. » « Tu n’es pas gentil, lui a dit Maman, pourquoi contrarier le petit ? Ces photos seront des souvenirs merveilleux pour lui. » Papa a fait un gros soupir, il s’est mis à côté de Maman, et moi j’ai pris les six dernières photos du rouleau. Maman m’a embrassé et elle m’a dit que j’étais son petit photographe à elle.

Le lendemain, Papa a pris le rouleau pour le faire développer, comme il dit. Il a fallu attendre plusieurs jours pour voir les photos, et moi j’étais drôlement impatient. Et puis, hier soir, Papa est revenu avec les photos.

« Elles ne sont pas mal, a dit Papa, celles de l’école avec tes camarades et le moustachu, là... Celles que tu as faites à la maison sont trop foncées, mais ce sont les plus drôles ! » Maman est venue voir et Papa lui montrait les photos en disant : « Dis donc, il ne t’a pas gâtée, ton fils ! » et Papa rigolait, et Maman a pris les photos et elle a dit qu’il était temps de passer à table.

Moi, ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi Maman a changé d’avis. Maintenant, elle dit que Papa avait raison et que ce ne sont pas des jouets à offrir aux petits garçons.

Et elle a mis l’appareil de photo en haut de l’armoire.

Le football

J’étais dans le terrain vague avec les copains : Eudes, Geoffroy, Alceste, Agnan, Rufus, Clotaire, Maixent et Joachim. Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé de mes copains, mais je sais que je vous ai parlé du terrain vague. Il est terrible ; il y a des boîtes de conserve, des pierres, des chats, des bouts de bois et une auto. Une auto qui n’a pas de roues, mais avec laquelle on rigole bien : on fait « vroum vroum », on joue à l’autobus, à l’avion ; c’est formidable !

Mais là, on n’était pas venus pour jouer avec l’auto. On était venus pour jouer au football. Alceste a un ballon et il nous le prête à condition de faire gardien de but, parce qu’il n’aime pas courir. Geoffroy, qui a un papa très riche, était venu habillé en footballeur, avec une chemise rouge, blanc et bleu, des culottes blanches avec une bande rouge, des grosses chaussettes, des protège-tibias et des chaussures terribles avec des clous en dessous. Et ce serait plutôt les autres qui auraient besoin de protège-tibias, parce que Geoffroy, comme dit le monsieur de la radio, c’est un joueur rude. Surtout à cause des chaussures.

On avait décidé comment former l’équipe. Alceste serait goal, et comme arrières on aurait Eudes et Agnan. Avec Eudes, rien ne passe, parce qu’il est très fort et il fait peur ; il est drôlement rude, lui aussi ! Agnan, on l’a mis là pour qu’il ne gêne pas, et aussi parce qu’on n’ose pas le bousculer ni lui taper dessus : il a des lunettes et il pleure facilement. Les demis, ce sera Rufus, Clotaire et Joachim. Eux, ils doivent nous servir des balles à nous, les avants. Les avants, nous ne sommes que trois, parce qu’il n’y a pas assez de copains, mais nous sommes terribles : il y a Maixent, qui a de grandes jambes avec de gros genoux sales et qui court très vite ; il y a moi qui ai un shoot formidable, bing ! Et puis il y a Geoffroy avec ses chaussures.

On était drôlement contents d’avoir formé l’équipe.

— On y va ? On y va ? a crié Maixent.

— Une passe ! Une passe ! a crié Joachim.

On rigolait bien, et puis Geoffroy a dit :

— Eh ! les gars ! contre qui on joue ? Il faudrait une équipe adverse.

Et ça c’est vrai, il avait raison, Geoffroy : on a beau faire des passes avec le ballon, si on n’a pas de but où l’envoyer, ce n’est pas drôle. Moi, j’ai proposé qu’on se sépare en deux équipes, mais Clotaire a dit : « Diviser l’équipe ? Jamais ! » Et puis, c’est comme quand on joue aux cow-boys, personne ne veut jouer les adversaires.

Et puis sont arrivés ceux de l’autre école. Nous, on ne les aime pas, ceux de l’autre école : ils sont tous bêtes. Souvent, ils viennent dans le terrain vague, et puis on se bat, parce que nous on dit que le terrain vague est à nous, et eux ils disent qu’il est à eux et ça fait des histoires. Mais là, on était plutôt contents de les voir.

— Eh ! les gars, j’ai dit, vous voulez jouer au foot-ball avec nous ? On a un ballon.

— Jouer avec vous ? Nous faites pas rigoler ! a dit un maigre avec des cheveux rouges, comme ceux de tante Clarisse qui sont devenus rouges le mois dernier, et Maman m’a expliqué que c’est de la peinture qu’elle a fait mettre dessus chez le coiffeur.

— Et pourquoi ça te ferait rigoler, imbécile ? a demandé Rufus.

— C’est la gifle que je vais te donner qui va me faire rigoler ! il a répondu celui qui avait les cheveux rouges.

— Et puis d’abord, a dit un grand avec des dents, sortez d’ici, le terrain vague est à nous.

Agnan voulait s’en aller, mais nous, on n’était pas d’accord.

— Non, monsieur, a dit Clotaire, le terrain vague il est à nous ; mais ce qui se passe, c’est que vous avez peur de jouer au football avec nous. On a une équipe formidable !