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— Fort minable ! a dit le grand avec des dents, et ils se sont tous mis à rigoler, et moi aussi, parce que c’était amusant ; et puis Eudes a donné un coup de poing sur le nez d’un petit qui ne disait rien. Mais comme le petit, c’était le frère du grand avec les dents, ça a fait des histoires.

— Recommence, pour voir, a dit le grand avec les dents à Eudes.

— T’es pas un peu fou ? a demandé le petit, qui se tenait le nez, et Geoffroy a donné un coup de pied au maigre qui avait les cheveux de tante Clarisse.

On s’est tous battus, sauf Agnan, qui pleurait et qui criait : « Mes lunettes ! J’ai des lunettes ! » C’était très chouette, et puis Papa est arrivé.

— On vous entend crier depuis la maison, bande de petits sauvages ! a crié Papa. Et toi, Nicolas, tu sais l’heure qu’il est ?

Et puis Papa a pris par le col un gros bête avec qui je me donnais des claques.

— Lâchez-moi, criait le gros bête. Sinon, j’appelle mon papa à moi, qui est percepteur, et je lui dis de vous mettre des impôts terribles !

Papa a lâché le gros bête et il a dit : Bon, ça suffit comme ça ! Il est tard, vos parents doivent s’inquiéter. Et puis d’abord, pourquoi vous battez-vous ? Vous ne pouvez pas vous amuser gentiment ?

— On se bat, j’ai dit, parce qu’ils ont peur de jouer au football avec nous !

— Nous, peur ? Nous, peur ? Nous, peur ? a crié le grand avec des dents.

— Eh bien ! a dit Papa, si vous n’avez pas peur, pourquoi ne jouez-vous pas ?

— Parce que ce sont des minables, voilà pourquoi, a dit le gros bête.

— Des minables ? j’ai dit, avec une ligne d’avants comme la nôtre : Maixent, moi et Geoffroy ? Tu me fais rigoler.

— Geoffroy ? a dit Papa. Moi je le verrais mieux comme arrière, je ne sais pas s’il est très rapide.

— Minute, a dit Geoffroy, j’ai les chaussures et je suis le mieux habillé, alors...

— Et comme goal ? a demandé Papa.

Alors, on lui a expliqué comment on avait formé l’équipe et Papa a dit que ce n’était pas mal, mais qu’il faudrait qu’on s’entraîne et que lui il nous apprendrait parce qu’il avait failli être international (il jouait inter droit au patronage Chantecler). Il l’aurait été s’il ne s’était pas marié. Ça, je ne le savais pas ; il est terrible, mon papa.

— Alors, a dit Papa, à ceux de l’autre école, vous êtes d’accord pour jouer avec mon équipe, dimanche prochain ? Je serai l’arbitre.

— Mais non, ils sont pas d’accord, c’est des dégonflés, a crié Maixent.

— Non, monsieur, on n’est pas des dégonflés, a répondu celui qui avait des cheveux rouges, et pour dimanche c’est d’accord. À 3 heures. Qu’est-ce qu’on va vous mettre !

Et puis ils sont partis.

Papa est resté avec nous, et il a commencé à nous entraîner. Il a pris le ballon et il a mis un but à Alceste. Et puis il s’est mis dans les buts à la place d’Alceste, et c’est Alceste qui lui a mis un but. Alors Papa nous a montré comment il fallait faire des passes. Il a envoyé la balle, et il a dit : « A toi, Clotaire ! Une passe ! » Et la balle a tapé sur Agnan, qui a perdu ses lunettes et qui s’est mis à pleurer.

Et puis, Maman est arrivée.

— Mais enfin, elle a dit à Papa, qu’est-ce que tu fais là ? Je t’envoie chercher le petit, je ne te vois pas revenir et mon dîner refroidit.

Alors, Papa est devenu tout rouge, il m’a pris par la main et il a dit : « Allons, Nicolas, rentrons ! » et tous les copains ont crié : « A dimanche ! Hourra pour le papa de Nicolas ! »

A table, Maman rigolait tout le temps, et pour demander le sel à Papa elle a dit : « Fais-moi une passe, Kopa ! »

Les mamans, ça n’y comprend rien au sport, mais ça ne fait rien : dimanche prochain, ça va être terrible !

1ère mi-temps

1. Hier après-midi, sur le terrain du terrain vague s’est déroulé un match de football association entre une équipe d’une autre école et une équipe entraînée par le père de Nicolas. Voici quelle était la composition de cette dernière : goal : Alceste ; arrières : Eudes et Clotaire ; demis : Joachim, Rufus, Agnan ; inter droit : Nicolas ; avant-centre : Geoffroy ; ailier gauche : Maixent. L’arbitre était le père de Nicolas.

2. Ainsi que vous l’avez lu, il n’y avait pas d’ailier droit, ni d’inter gauche. Le manque d’effectifs avait obligé le père de Nicolas à adopter une tactique (mise au point à l’ultime séance d’entraînement), qui consistait à jouer par contre-attaque. Nicolas, dont le tempérament offensif est comparable à celui d’un Fontaine, et Maixent, dont la finesse et le sens tactique rappellent Piantoni, devaient servir Geoffroy, dont les qualités ne rappellent personne, mais qui a l’avantage de posséder un équipement complet, ce qui est appréciable pour un avant-centre.

3. Le match débuta à 15 h 40 environ. A la première minute, à la suite d’un cafouillage devant les buts, l’ailier gauche décocha un tir d’une telle puissance qu’Alceste fut dans l’obligation d’effectuer un plongeon désespéré pour éviter le ballon qui arrivait droit sur lui. Mais le but fut refusé, l’arbitre se rappelant que les capitaines ne s’étaient pas serré la main.

4. À la cinquième minute, alors que le jeu se déroulait au milieu du terrain, un chien dévora le casse-croûte d’Alceste, qui était pourtant enveloppé de trois feuilles de papier et par trois ficelles (pas Alceste, le goûter). Cela porta un rude coup au moral du gardien de but (et chacun sait combien le moral est important pour un goal), qui encaissa un premier but à la septième minute...

5. Et un deuxième à la huitième... A la neuvième minute, Eudes, le capitaine, conseilla à Alceste de jouer ailier gauche, Maixent le remplaçant dans les buts. (Ce qui, à notre avis, est une erreur, Alceste est plutôt un demi offensif qu’un attaquant de tempérament.)

6. À la quatorzième minute, une averse telle tomba sur le terrain que la plupart des joueurs coururent se mettre à l’abri, Nicolas restant sur le terrain contre un joueur adverse. Rien ne fut marqué durant cette période.

7. À la vingtième minute, Geoffroy, en position de demi droit ou d’inter gauche (peu importe), dégagea son camp d’un shoot terrible.

8. À la même vingtième minute, M. Chapo allait rendre visite à sa mère-grand, qui était grippée.

9. Le choc le déséquilibra et il pénétra chez les Chadefaut, brouillés avec lui depuis vingt ans.

10. Il réapparut sur le terrain grâce à un chemin connu de lui seul probablement et s’empara du ballon juste comme la remise en jeu allait avoir lieu.

11. Après cinq minutes de perplexité (ce qui nous amène à la vingt-cinquième minute), le match reprit, une boîte de conserve remplaçant le ballon.

Aux vingt-sixième, vingt-septième, vingt-huitième minutes, Alceste, grâce à ses dribbles, marqua trois buts (il est pratiquement impossible de prendre une boîte de conserve de petits pois extrafins – même vide – à Alceste). L’équipe de Nicolas menait par 3 à 2.

12. À la trentième minute, M. Chapo rapporta le ballon. (Sa mère-grand allait mieux et il était d’excellente humeur.) Comme la boîte de conserve était inutile on la jeta.

13. À la trente et unième minute, Nicolas déborda la défense adverse, centra sur Rufus, en position d’inter gauche (mais, comme il n’y avait pas d’inter gauche, il était en position d’avant-centre), Rufus passa à Clotaire qui, par un shoot du gauche, prit tout le monde à contre-pied et l’arbitre au creux de l’estomac. Celui-ci, d’une voix sourde, expliqua aux deux capitaines que, le temps se couvrant, qu’une averse menaçant et que le fond de l’air étant un peu frais, il vaudrait mieux jouer la deuxième mi-temps la semaine prochaine.