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Elle gémit un peu, elle se serre à moi, tout du long. Quand elle bouge, l'odeur somptueuse m'emplit tout. Je la prends dans mes bras. Je sais pas du tout ce que je suis censé faire, maintenant. Qu'est-ce qu'elle attend de moi? Je sens ses petits seins contre ma poitrine, tout petits mais durs, et vivants, des seins de chienne, j'ai envie de les prendre dans mes mains, une terrible envie. Mais n'est-ce pas ce qu'on appelle « peloter » ? Une fille comme ça, bien élevée, délicate et tout, si je lui fais un truc aussi grossier elle va me filer une baffe et se tailler aussi sec. J'en rougis d'avance. Je lui mettrais bien la main entre les cuisses, c'est ça qui me démange plus que tout, mais ça non plus ça se fait pas comme ça du premier coup, faut une progression, commencer par le commencement. Je manque d'expérience, j'ai surtout connu les putes du claque de la rue de l'Echiquier, les jeunes filles ça se manipule pas pareil, il y a des rites. Je la tiens contre moi, je suis content comme ça, j'ai mon nez dans ses cheveux, c'est encore une autre odeur, ses cheveux, je défaille de bonheur, je voudrais que ça ne finisse jamais. Mais voilà que je prends conscience que je bande ! Je ne sais plus où me fourrer. Je m'écarte d'elle pour ne pas qu'elle sente ça, je recule les fesses, seulement plus je recule plus elle se serre, la trouille me prend, elle va éclater de rire, ou me planter là, écrasante de mépris, comme les filles au bal les deux ou trois fois où, suant la trouille, j'ai osé me risquer sur la piste...

Ce que je voudrais, je le sais : je voudrais lécher ses petits seins, je voudrais la téter, la mordre, lui lécher les poils sous les bras, farfouiller dedans avec mon nez, boire sa sueur, frotter mes joues sur son tendre ventre, m'y enfoncer, ouvrir ses cuisses et plonger mon visage en elle, et m'emplir d'elle, et ruisseler d'elle, et la sentir chaude et vaste et complice autour de moi... Ben, oui, mais il y a les gestes d'avant, que je connais pas. Les caresses brûlantes, comme dans les chansons de Tino Rossi. J'ai pas des mains qui prodiguent l'ivresse, des baisers qui ensorcèlent, j'ai juste une envie terrible de farfouiller en elle partout partout, de lui dire mon bel amour mon cher trésor, et puis de lui enfoncer mon truc dans le ventre, tout au bout, là-bas, quand vraiment on ne pourra plus y tenir...

Elle n'a pas l'air d'en savoir plus que moi. Elle a une grosse envie d'être câlinée, elle attend que je prenne les choses en main. C'est quand même elle qui a fini par prendre ma main et qui l'a posée sur son nichon. Elle qui a pris mon autre main et l'a glissée entre ses cuisses, qu'elle tenait d'ailleurs serrées. Elle qui a débouclé ma ceinture. Je me suis mis sur elle, j'ai voulu m'intro- duire en elle, mais j'étais tellement ému, tellement ému, c'est parti avant même que j'aie pu la pénétrer. Elle était toute heureuse quand même. Elle m'a serré très fort, mais j'ai bien vu qu'elle n'avait rien eu. Je le lui ai dit. Elle m'a posé le doigt sur la bouche. Chut. Elle m'a pris la main, l'a posée sur sa motte dodue. Je l'ai caressée. Et puis j'ai tout osé. J'ai enfoui ma tête dans ses cuisses et je l'ai léchée, léchée, sucée, mâchée, mordue, elle a haleté longtemps, longtemps, elle n'en finissait plus, elle mordait son poing pour qu'on ne l'entende pas gémir. Et puis je l'ai pénétrée encore, et cette fois tout à fait bien. On est retombés côte à côte, éclatés comme deux grenouilles, tout gluants tout poisseux, on reprenait notre souffle, on se touchait le bout des doigts, on était bien.

Au bout de longtemps, elle m'a donné un baiser sur le nez, s'est levée pour partir. Je lui ai dit :

« Apporte-moi Le journal de Mickey et un bout de bougie. Je peux pas m'endormir si j'ai rien à lire. »

Elle l'a fait.

Je lis Mickey. Par-delà le halo tremblotant de la bougie, je cherche à deviner sa forme allongée. Quelque chose me semble bien être sa tignasse noire, mais j'en suis pas sûr... Je m'endors.

L'aube me réveille. Ils dorment tous. Elle est couchée sur le côté, le visage enfoui dans .ses longs bras blancs tachés de roux allongés, comme des algues. Sa hanche osseuse, déjà ample, s'épanouit brusquement après le torse mince. Que voulez-vous que je fasse?

Je m'en vais.

 

*

 

Sur la grand-route, la procession continue. Je prends à droite une petite déviation caillouteuse que j'ai repérée sur la carte. Si je fais bien attention, je dois pouvoir rouler à peu près parallèlement à la nationale, en zigzaguant, bien sûr, et en vérifiant ma direction à chaque carrefour.

Comme prévu, il y a beaucoup moins de monde. Pas un chat, même. Les maisons des paysans sont vides, ou alors les gens se terrent. Des vaches mugissent dans les prés. Elles accourent du plus loin qu'elles me voient, poussent du poitrail sur le fil de fer, allongent le mufle vers moi, mugissent à fendre l'âme. Je finis par comprendre : elles n'ont pas été traites, les pis doivent leur faire mal. Ils sont gonflés à péter. J'ai encore jamais trait de vache. Je prends un seau dans la cour d'une maison, j'avise une vache enfermée toute seule dans un petit enclos, je m'approche, pas rassuré, prêt à lâcher le seau et à enjamber le barbelé en voltige. Elle se place de flanc, bien coopérante. Je m'accroupis, je voyais pas ça si bas, je place le seau sous le pis, j'empoigne les deux machins comme j'ai vu faire du côté de chez mon grand-père quand j'étais petit. Merde, faut tirer ou faut pousser? Peu importe : le pis est tellement plein que ça vient tout seul, rien qu'à le serrer dans les mains. Bruit du jet sur la tôle. Arrive un moment où il faut quand même aider. Je tâtonne. Je finis par m'y prendre pas trop mal. Mais ça va pas vite. Quand le seau est à moitié plein, j'arrête. La vache gémit de me voir partir. Ben, oui, mais les Boches...

Je bois à même le seau le, comme on dit, bon lait crémeux. Beuh... Crémeux mais tiédasse, et puant le purin. Je trempe mon pain dedans, je me force à avaler le plus que je peux du contenu du seau, j'en mets dans une bouteille pour la soif à venir, et on y va.

Je pédale sec. Le matin est frais, l'air sent les foins, le soleil grimpe à toute vitesse dans le ciel bleu, il va encore en faire un sacré plat. Des petits oiseaux s'envolent droit en l'air, en braillant comme c'est pas permis. Des alouettes? Va savoir.

Mon boyau arrière tient le coup, ça va. Je voudrais bien me laver. Je m'arrête à une pompe devant une maison, vas-y que je te pompe, mais rien n'en sort que des couinements d'égorgé. Faut savoir parler à ces engins. Et bon, je me laverai dans la Loire. Doit plus être tellement loin, la Loire. Une fois de l'autre côté, je serai plus tranquille. Les Boches vont quand même bien prendre le temps de souffler un peu avant de se l'enjamber, non? En admettant qu'on les laisse arriver jusque-là.

Les maisons se serrent, prennent des allures pavillon de meulière avec marquise. Ça sent le faubourg, on entre en ville. Et voilà la plaque : Gien. A Gien, il y a la Loire. La Loire ! Les rivières, ça se trouve toujours dans les creux, tout au fond, forcément. Si je me laisse descendre, j'arrive à la Loire. Et ça marche, juste comme j'avais combiné : elle est là, large et belle dans le soleil. Un joli pont l'enjambe.

Les Boches aussi sont là. Mais je vous ai déjà raconté ça.

Alors, comme ça, ils m'ont rattrapé! Ils sont même arrivés avant moi. Ils rôdaillent sur leurs motos, dans leurs side-cars, massifs et fermés, casques de tôle sur impers de cuir vert ou gris.

Vue du fleuve, la ville me donne un choc. J'avais pas vu ça en arrivant par mes chemins creux. La longue façade de belles vieilles maisons en bordure de grève n'est plus que chicots noircis et moignons fumants. Ça s'est cogné, ici. Mais qui, contre qui? J'y comprends rien. Le pont est intact. Alors ?

La colonne de réfugiés que j'ai quittée ce matin, je la retrouve là, elle sort de la ville, elle enfile le pont, elle continue de l'autre côté, personne ne l'en empêche. A chaque bout du pont, deux tanks montent la garde. Ils portent sur le flanc une grosse croix noire et blanche, la même que celle qu'il y a sur les avions allemands qu'on voit aux actualités. La tourelle est ouverte comme une boîte de pâté, au balcon se pavanent des gars en espèce de blouson noir avec un drôle de calot noir tout de guingois sur le crâne, ça fait bizarre un calot militaire sans les deux cornes pointues.