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En ce moment, il ne pensait qu’à lui… C’était inquiétant.

— Certains vampires enfreignent les règles. C’est pour ça que le Contrôle de la Nuit existe : pour veiller au respect du Traité.

— Mais normalement, les vampires ne font la chasse à personne ?

Des ailes invisibles ont battu près de ma joue. J’ai senti les griffes d’Olga sur mon épaule.

— Que vas-tu lui répondre, Sentinelle ? a soufflé Olga du fond de la Pénombre. Vas-tu prendre le risque de lui dire la vérité ?

— Si, ils chassent, ai-je dit.

Et j’ai ajouté ce qui, cinq ans plus tôt, m’avait le plus douloureusement choqué :

— Quand ils ont une licence. Parfois… il leur faut du sang vivant.

Il n’a pas posé la question immédiatement. Je lisais dans ses yeux ce qu’il pensait, ce qu’il voulait demander. Et je savais que je serais obligé de répondre à toutes ses interrogations.

— Et vous ?

— Nous, nous prévenons le braconnage.

— Alors, ils auraient pu m’attaquer… conformément à votre Traité ? Avec une licence ?

— Oui.

— Et ils auraient bu mon sang ? Et vous, vous seriez passé sans intervenir ?

Lumière et Obscurité…

J’ai fermé les yeux. Le Traité étincelait dans la brume grise. Des phrases brèves et nettes, derrière lesquelles se profilaient des millénaires de guerre et des millions de vies.

— Oui.

— Allez-vous-en…

Le gamin était tendu comme un ressort. Au bord de l’hystérie, à la limite de la folie.

— Je suis venu pour te défendre.

— Je ne veux pas.

— La vampire est en liberté. Elle va essayer de t’attaquer.

— Allez-vous-en !

Olga a soupiré :

— Tu es content du résultat ?

Je me suis levé. Egor a sursauté et s’est écarté avec son tabouret.

— Tu comprendras. Nous n’avons pas d’autre choix.

Je n’y croyais pas moi-même. Et il était inutile de discuter maintenant. Le soir tombait et l’heure de la chasse approchait.

Le garçon m’a suivi, comme pour se convaincre que je n’allais pas me cacher dans l’armoire. Je n’ai pas prononcé un seul mot de plus. J’ai ouvert la porte, je suis sorti dans l’escalier. La porte a claqué derrière moi.

Je suis monté d’un palier et je me suis assis près de la fenêtre. Olga n’a rien dit. Moi non plus.

La vérité ne doit pas être révélée aussi brutalement. Les gens ont déjà du mal à admettre notre existence. Alors accepter le Traité…

— Nous n’y sommes pour rien, a dit Olga. Le potentiel du garçon a été sous-estimé, ainsi que sa peur. Il nous a découverts. Nous avons été contraints de répondre à ses questions et de lui dire la vérité.

— Tu prépares ton rapport ?

— Si tu savais le nombre de rapports de ce genre que j’ai rédigés au cours de ma vie…

Une odeur de pourriture émanait du vide-ordures situé sur le palier. Le bruit de l’avenue, lentement plongée dans le crépuscule, nous parvenait du dehors. On avait déjà allumé les lampadaires. Je tournais mon téléphone mobile entre mes mains, me demandant si je devais téléphoner au chef ou attendre son appel. Il me surveillait certainement.

Certainement.

— Ne le surestime pas, a dit Olga. En ce moment, il a déjà trop à faire avec la tornade.

Le téléphone a sonné.

— Devine qui c’est, ai-je dit en ouvrant le combiné.

— Woody Woodpecker. Ou Woopy Goldberg.

En fait, je n’avais pas l’esprit à plaisanter.

— Allô?

— Où es-tu, Anton ?

La voix du chef était fatiguée, abattue. Ce qui ne lui ressemblait guère.

— Sur le palier d’une tour hideuse. Près du vide-ordures. Il fait assez chaud, et l’endroit est relativement confortable.

— Tu as trouvé le gamin ? a-t-il demandé d’un ton indifférent.

— Oui.

— C’est bien. Je t’envoie Tigron et Ours. De toute façon, nous n’avons pas besoin d’eux ici. Il faut que tu viennes à Perovo. Immédiatement.

J’ai fourré la main dans ma poche, et le chef a aussitôt précisé :

— Si tu n’as plus assez d’argent sur toi… et même si tu en as, arrête une voiture de police, qu’ils t’emmènent d’urgence.

— C’est si sérieux que ça ?

— Oui. Viens sans tarder.

J’ai regardé l’obscurité qui régnait dehors.

— Boris Ignatievitch, il ne faut pas laisser ce garçon tout seul. Il a effectivement un grand potentiel…

— Je sais… Bon. Nos amis sont déjà en route. Avec eux, le gosse ne craint rien. Attends-les et viens aussitôt.

Il a raccroché.

— Qu’en dis-tu ? ai-je demandé en louchant vers mon épaule.

— C’est bizarre.

— Pourquoi ? Tu as dit toi-même qu’ils ne s’en sortiraient pas.

— Bizarre que ce soit toi qu’il fasse venir, et pas moi… Peut-être… non. Je ne sais pas.

J’ai regardé à travers la Pénombre et j’ai aperçu deux taches sur l’horizon. Nos collègues se déplaçaient à une telle vitesse qu’ils seraient sur place dans une quinzaine de minutes.

— Il n’a même pas demandé l’adresse, ai-je remarqué.

— Il ne voulait pas perdre de temps. Tu n’as pas senti qu’il vérifiait les coordonnées ?

— Non.

— Exerce-toi un peu, Anton.

— Je n’ai pas l’habitude de travailler sur le terrain !

— Maintenant, tu y travailles. Descendons. Si la vampire lance son Appel, nous l’entendrons.

Je me suis levé – j’avais eu le temps de m’habituer à cet endroit au point de le trouver douillet – pour descendre lentement l’escalier. J’éprouvais un sentiment de tristesse et d’abattement. Une porte a claqué derrière moi. Je me suis retourné.

— J’ai peur, a dit Egor sans autre préambule.

— Tout va bien.

J’ai remonté quelques marches.

— Nous te protégeons.

Il se mordillait les lèvres en coulant des regards en direction de l’escalier mal éclairé. Il n’avait aucune envie de me laisser entrer, mais n’avait plus la force de rester seul.

— J’ai l’impression que quelqu’un m’observe. C’est vous qui faites ça ?

— Non. C’est probablement la vampire.

Le garçon n’a pas sursauté. Il le savait déjà.

— Comment va-t-elle m’attaquer ?

— Elle ne peut pas franchir la porte sans être invitée. C’est une particularité des vampires. Sur ce point, la légende a raison. Mais tu auras envie de sortir. D’ailleurs, tu en as déjà envie.

— Je ne sortirai pas !

— Quand elle aura recours à l’Appel, tu sortiras. Tu comprendras ce qui se passe, mais tu sortiras.

— Vous… vous pouvez me conseiller ? Sur ce que je dois faire ?

Egor s’était rendu. Il demandait de l’aide. N’importe quelle aide.

— Oui. Fais-nous confiance.

Son hésitation n’a duré qu’une seconde. Il s’est écarté de la porte.

— Entrez… Mais ma mère va bientôt revenir du travail.

— Et alors ?

— Qu’est-ce que je vais lui dire ? Ou alors, vous allez vous cacher ?

— Ce n’est pas un problème, mais je…

La porte de l’appartement voisin s’est lentement entrouverte. Un visage ridé est apparu dans l’entrebâillement, au-dessus de la chaîne de sécurité.

J’ai effleuré la conscience de la vieille dame, précautionneusement, pour ne pas endommager sa raison déjà chancelante. Elle a souri.

— Ah, c’est toi… Euh…

— Anton, lui ai-je aimablement soufflé.