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Galad soupira. Nul n’aurait osé nier la fidélité de Byar – alors qu’il aurait pu tout y perdre, il était resté auprès de Galad lors du duel contre Valda. Pourtant, être trop zélé n’avait pas que de bons côtés.

Le mince officier semblait confus. Pourtant, les ordres de Galad avaient été très clairs. Il ne devrait pas oublier cette difficulté, à l’avenir, surtout avec Byar.

— Du calme, tu n’as rien fait de mal, Fils Byar. Combien avez-vous de prisonniers ?

— Des dizaines, seigneur général. (Byar sembla soulagé.) Suis-moi.

Il fit volter sa monture pour ouvrir le chemin. Dans les fosses, des feux de cuisson crépitaient déjà, l’odeur du bois brûlé planant dans l’air. Alors qu’il passait entre ses soldats, Galad capta des bribes de conversations.

Que feraient donc les Seanchaniens aux Fils restés en arrière ? Tear et l’Illian, était-ce vraiment le Dragon Réincarné qui les avait conquis ? Ou un faux Dragon ? Très loin au nord, en Andor, un rocher géant tombé du ciel avait détruit une ville et laissé un énorme cratère…

Les sujets de conversation des hommes révélaient leurs craintes. Pourtant, ils auraient dû savoir que s’inquiéter ne servait à rien. Nul ne pouvait deviner ce que tisserait la Roue.

Les prisonniers de Byar étaient très nombreux et voyageaient avec des charrettes chargées jusqu’à la gueule. À première vue, il y en avait au moins cent. Leurs propriétaires s’étaient massés autour et regardaient les Fils avec une évidente hostilité. Le front plissé, Galad inspecta rapidement la caravane.

— Un sacré convoi, souffla Bornhald. Des marchands ?

— Non, répondit Galad. Ce sont des vivres et des équipements de voyage. Tu as vu les crochets, sur le flanc des charrettes. Des sacs d’avoine pour les chevaux y sont accrochés. Et là, derrière ce véhicule, ce sont des outils de maréchal-ferrant empaquetés dans de la toile goudronnée. Tu vois le bout des marteaux ?

— Par la Lumière ! s’écria Bornhald.

Il voyait, à présent. Ce qu’ils avaient devant les yeux, c’était l’intendance d’une armée assez importante. Mais où étaient les soldats ?

— Prépare-toi à séparer ces gens, dit Galad à Bornhald en mettant pied à terre.

Il approcha de la charrette de tête. Les traits épais et la complexion rubiconde, le conducteur avait tiré sur ses rares cheveux en un vain effort pour dissimuler sa calvitie. Triturant un chapeau de feutre marron, il ne portait pas d’armes. À sa ceinture, Galad vit seulement une solide paire de gants.

Deux autres personnes, beaucoup plus jeunes, se tenaient à côté de la charrette. Un costaud aux allures de bagarreur – mais pas de soldat – qui risquait d’être dangereux et une jolie femme accrochée à son bras qui se mordillait la lèvre inférieure.

Le conducteur sursauta dès qu’il aperçut Galad.

Ah, pensa le jeune homme, voilà un gaillard capable de reconnaître le beau-fils de Morgase.

— Ainsi, voyageurs, vous avez dit à mon officier que vous êtes des marchands ?

— C’est exact, mon bon seigneur, répondit le charretier.

— Je connais très mal cette région. Vous est-elle familière ?

— Pas vraiment, seigneur, fit l’homme en triturant de plus belle son chapeau. Nous sommes très loin de chez nous. Mon nom est Basel Gill, et je viens de Caemlyn. Je suis parti vers le sud pour commercer avec un marchand d’Ebou Dar. Mais les envahisseurs du Seanchan ont ruiné mes affaires.

Gill semblait très nerveux. Au moins, il n’avait pas menti sur l’endroit d’où il venait.

— Il s’appelle comment, ce marchand ?

— Falin Deborsha, seigneur. Vous connaissez bien Ebou Dar ?

— J’y suis passé, oui… C’est une sacrée caravane que vous avez là. Avec une intéressante variété de marchandises.

— Nous avons entendu dire que des armées se formaient dans le Sud, seigneur. J’ai acheté beaucoup de ces produits à une troupe de mercenaires en déroute. J’espérais les revendre ici. Votre armée a peut-être besoin d’équipement. Nous avons des tentes, des forges portatives… Tout ce qu’un soldat pourrait trouver utile.

Rusé, dut reconnaître Galad.

Il aurait pu gober le mensonge, mais ce « marchand » avait avec lui trop de cuisiniers, de lavandières et de maréchaux-ferrants. Et pas assez de gardes pour un chargement si précieux.

— Je vois…, fit Galad. Il se trouve que j’ai besoin de fournitures. En particulier de vivres.

— Hélas, seigneur, la nourriture est déjà vendue. Par messager, je l’ai promise à un client de Lugard. Mais je vous vendrai tout ce que vous voudrez d’autre.

— Pour les vivres, je paierai plus cher.

— J’ai donné ma parole, mon bon seigneur. Pas question de la reprendre, quel qu’en soit le prix.

— Je vois…

Galad fit signe à Bornhald. Sur ses ordres, des Fils avancèrent, armes au poing.

— Que… ? Que faites-vous ? balbutia Gill.

— Nous allons isoler vos compagnons, les interroger individuellement et voir si leurs récits se recoupent. Je crains que vous n’ayez pas été franc avec moi.

» En vous voyant, ce qui me vient à l’esprit, c’est l’intendance d’une très grosse armée. Si j’ai raison, j’aimerais savoir de quelle armée il s’agit. Et surtout, apprendre où elle est.

Pendant que les Fils séparaient les prisonniers, le front de Gill ruissela de sueur. Galad resta où il était, les yeux rivés sur le bonhomme. Puis Byar et Bornhald accoururent, la main sur la poignée de leur épée.

— Seigneur général ! s’écria Bornhald.

Galad se détourna de Gill.

— Oui ?

— Nous sommes bien face à un problème, souffla Bornhald, rouge de colère. Quelques prisonniers ont parlé. C’est ce que tu redoutais. Une grande armée n’est pas loin d’ici. Elle s’est battue contre des Aiels. D’ailleurs, les gens en robe blanche, là, sont des Aiels.

— Et alors ?

— As-tu entendu parler d’un homme nommé Perrin Yeux-Jaunes ?

— Non. Je devrais ?

— Oui, parce qu’il a tué mon père.

5

Des écrits

Ses bottes résonnant à peine sur un tapis bleu foncé et violet, Gawyn se hâtait dans les couloirs de la tour. À intervalles réguliers, comme des sentinelles, des lampes éclairaient le chemin.

Sleete devait presser le pas pour suivre le jeune homme. Malgré la lumière, son visage semblait à demi plongé dans les ombres. Peut-être à cause de sa barbe de trois jours – une rareté, pour un Champion. Ou de ses longs cheveux, propres mais en bataille. Ou était-ce ses traits ? Irréguliers, ils faisaient penser à un dessin inachevé – un creux en guise de menton, un crochet pour son nez très anciennement cassé, et des pommettes saillantes.

Comme tous les Champions, il évoluait avec une grâce féline, mais il émanait de lui quelque chose de primal qui détonnait. Plus qu’un chasseur qui se déplace dans la forêt, il évoquait un prédateur furtif que ses victimes ne repéreraient jamais avant de voir briller ses crocs.

Les deux hommes atteignirent une intersection lourdement gardée par des soldats de Chubain. Épée à la hanche, ces hommes portaient un tabard blanc orné de la Flamme de Tar Valon.

L’un d’eux tendit une main.

— Je suis autorisé à entrer, annonça Gawyn. La Chaire d’Amyrlin…

— Les sœurs n’en ont pas terminé, lâcha le garde, pas commode.

Gawyn serra les dents, mais il n’y avait rien à faire contre ça. Reculant, Sleete et lui attendirent jusqu’à ce que trois Aes Sedai sortent enfin d’une pièce elle aussi gardée.

Visiblement troublées, les sœurs s’éloignèrent, suivies par deux soldats porteurs d’un fardeau enveloppé dans du tissu blanc.