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— Gung ho !

Les parois de toile de l’avant s’écartèrent brutalement : deux Chinois vêtus seulement d’un short se jetèrent sur Malko. Leurs corps étaient enduits d’huile et leurs muscles durs comme du teck. Chacun tenait à la main un nœud coulant tout préparé. L’un immobilisa les chevilles de Malko, l’autre les bras.

Mme Cheng se releva sans un mot, rajusta son chignon et ralluma la lanterne. Malko ouvrit la bouche pour hurler et l’un des Chinois lui enfonça immédiatement un chiffon sale dans la bouche.

Un des deux Chinois se releva et disparut sur le pont. Il revint portant un objet long que Malko n’identifia pas immédiatement Ce n’est que le nez dessus qu’il vit qu’il s’agissait d’une énorme barre de sel gemme. Le contact rugueux lui râpait la joue. À son deuxième voyage, le Chinois ramena une autre barre identique.

Le reste se passa très vite… Malko fut basculé sur le fond, face contre terre. Il sentit qu’on posait les deux barres sur son dos. Les deux Chinois les attachèrent solidement avec de grosses cordes. C’était une excellente méthode : lesté de deux barres de sel, il allait couler à pic, bien que ses liens soient assez lâches. Il n’aurait jamais le temps de se défaire avant d’étouffer. Ensuite, le sel fondrait rapidement et les cordes se détacheraient d’elles-mêmes ; il ne resterait aucune trace du meurtre : noyade accidentelle.

Indifférente, la Chinoise regardait la scène. Son regard croisa celui de Malko sans qu’elle manifestât le moindre intérêt. Comme si on noyait une portée de chats.

Sans ménagement, les deux Chinois empoignèrent Malko, l’un par les épaules, l’autre par les pieds. On défit les cordes des chevilles et des poignets. La veuve de Cheng Chang entrouvrit la toile. D’un geste précis les deux hommes balancèrent le corps. Il y eut un plouf sourd et plus rien.

Malko sentit l’eau froide avant d’avoir peur. Il n’eut même pas le temps de voir quoi que ce soit. Déjà il coulait dans l’eau noire, les yeux ouverts. Désespérément, il essaya de se dégager, mais les poids l’entraînaient impitoyablement vers le fond. Déjà ses poumons lui faisaient mal. Il pourrait tenir peut-être une minute, pas plus. Pour soulager la pression intolérable, il lâcha un peu d’air. Le sang battait à ses tempes. La pensée de son château le traversa, puis il ouvrit la bouche toute grande et l’eau nauséabonde pénétra dans ses poumons.

CHAPITRE XI

Les moustaches du colonel Whitcomb étaient aiguisées comme les cornes d’un taureau. Elles se préparaient à frapper, menaçantes. Malko hurla.

— Il se réveille, fit une voix inconnue.

Il ouvrit les yeux, mais tout était flou autour de lui.

Malko se trouvait dans ce qui devait être une chambre d’hôpital, sur un lit étroit entouré d’un appareillage compliqué. Il voulut parler mais n’émit qu’un grognement. Un masque à oxygène était posé sur son visage.

Une main de femme le lui ôta et il put bredouiller quelques mots. Les objets prirent un contour plus précis. Près du lit se tenait le colonel Whitcomb avec un Chinois en civil. Une nurse chinoise s’affairait autour de Malko. Elle prit sa tension et nota des chiffres sur une feuille de papier.

— Vous avez de la chance que je me sois intéressé à vous, fit Whitcomb. Sinon, vous seriez en ce moment au fond de la baie de Kowloon.

Malko trouva la force de sourire. L’Anglais lui semblait beaucoup plus sympathique tout à coup. Il parvint à s’asseoir sur son lit. Tout tournait autour de lui. Il ne comprenait pas comment il se trouvait là.

— Que s’est-il passé ? demanda-t-il.

— Remerciez l’inspecteur Hinh, répliqua Whitcomb en désignant le Chinois. Je lui avais donné l’ordre de vous suivre. Il l’a observé à la lettre. Mais si la personne avec qui vous aviez rendez-vous n’était pas arrivée en retard, il n’aurait jamais eu le temps d’alerter une de nos vedettes spécialement équipées.

Malko allait de mieux en mieux. Il remarqua le visage avenant de la petite infirmière.

— Mais j’étais déjà au fond de la rade, protesta-t-il. L’inspecteur Hinh sourit et s’inclina :

— J’ai reçu un entraînement particulier, dit-il. Je peux plonger très profond.

Le colonel Whitcomb tira sur sa pipe.

— Ils vous ont rattrapé de justesse. Vers les dix mètres, je crois. Hinh est un nageur extraordinaire. Quand il vous a vu embarquer dans le sampan, il pensait que cela finirait ainsi. Il était prêt, avec des bouteilles d’oxygène, ignorant seulement si vous seriez vivant ou mort. Mais, de toute façon, nous avions besoin du corps pour l’enquête. Il a ensuite appelé par radio un patrouilleur équipé pour la réanimation. Cela a duré quand même pas mal de temps. Vous n’êtes pas un poisson, vous savez… Puis on vous a amené ici.

Discrètement, la nurse s’esquiva.

— Avez-vous attrapé la Chinoise ? demanda Malko. Whitcomb secoua la tête.

— Non. À cause de vous. Il fallait soit vous sauver, soit les poursuivre. Hinh a pris la mauvaise décision, pensant que vous seriez à même de nous renseigner plus tard. Je l’en ai d’ailleurs réprimandé.

Qu’en termes galants… Après tout, l’opinion de Dick Ryan sur l’Anglais était peut-être justifiée.

Malko bénit in petto le manque de discipline de l’inspecteur Hinh.

— Je ne peux pas beaucoup vous aider, répondit-il. Je n’avais jamais vu les deux Chinois qui m’ont jeté à l’eau, mais ce sont certainement des hommes de main, rien de plus. Quant à la Chinoise, c’est la seconde veuve de M. Cheng Chang…

Il raconta rapidement les circonstances de la rencontre. Whitcomb et Hinh échangèrent quelques phrases en chinois, puis l’Anglais hocha la tête :

— C’est bien ce que je craignais. Nous ne savons rien d’elle. Je l’avais fait suivre, mais elle nous a glissé entre les mains, il y a plusieurs jours déjà.

— Je suis désolé, fit Malko.

Le colonel Whitcomb continuait à le regarder avec insistance.

— Ne soyez pas désolé, monsieur Linge, dit-il doucement. Il y a au moins quelque chose que vous pouvez me dire. C’est la raison pour laquelle on a voulu vous tuer. Je connais tous les réseaux communistes de Hong-Kong. Ils ont des instructions pour ne jamais tuer de Blancs, sauf en cas de nécessité absolue. Pourquoi vous a-t-on jeté dans la baie de Kowloon ?

Malko ne répondit pas tout de suite. Dieu merci, il n’avait plus besoin d’oxygène, car le colonel Whitcomb aurait été tenté de l’asphyxier un petit peu pour le faire répondre plus vite. Depuis qu’il avait repris connaissance, il se posait la même question. Et il ne trouvait aucune réponse satisfaisante. Excepté qu’à son insu, il était dangereux. Et que cela avait certainement un lien avec le fait que Cheng Chang soit vivant. Il l’avait dit à deux personnes : Mina et Holy Tong…

— Je n’en ai pas la moindre idée, dit-il d’une voix égale. Je le regrette, car j’aimerais bien vous aider. Surtout après le service que vous m’avez rendu…

Les yeux dorés soutinrent sans ciller le regard bleu du colonel Whitcomb. L’Anglais se contrôlait à merveille. Il remit sa pipe dans sa poche.

— Dans ce cas, je n’ai plus qu’à vous laisser reprendre goût à la vie. Vos vêtements sont à votre disposition. J’espère qu’on n’essaiera plus d’attenter à votre vie car cette fois l’inspecteur Hinh ne serait plus là pour vous sauver. Étant donné votre ignorance, ce n’est pas la peine de vous donner une protection, n’est-ce pas ?

— Absolument pas, fit Malko. Cet attentat devait être une erreur.

En cette année olympique, la médaille d’or du mensonge se disputait durement.