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A mon arrivée (discrète) il tient le plongeur noir soulevé par les deux revers de sa veste blanche et le promène sans gêne apparente, d’une toile de Samuel Glandoche à une laque de Fouzy-Thak.

— Alors t’étais le jules à Mme la ministresse, dis, frise-à-plat ! Et c’est pour elle que t’as embarqué ?

Il fonce au ministre, sa proie toujours en main.

— V’s’avez entendu, Excellence ? Ce qu’il cause, ce négatif ? Y s’embourbait vot’vioque au lieu de balayer vot’rue.

— Il n’était pas le seul, va ! répond philosophiquement l’illustre interpellé.

— Et c’est tout l’effet que ça vous fait ? ronchonne le Mastar ! Dites donc, ministre, on dirait qu’il vous arrangerait plutôt, l’enlèvement de Bobonne ! Depuis qu’elle a disparu, vous pâmez d’aise. On va éclaircir, je vous promets. Pace qu’en tank commandant, j’ai le regret de vous dire qu’a pas plus de ministre à mon bord qu’à l’Elysée ! Ton larfouillet, je m’en torche, camarade. Et s’y faut te claquer le museau, on te le claquera, espère…

— Mais c’est qu’il le ferait ! Il va le faire ! bat des mains l’Excellence, ravie.

M’avisant, Béru rengracie un brin.

— T’as pas trouvé la Camille, San-A. ?

— Si, je viens même d’avoir une conversation intéressante avec elle !

— Et tu l’as pas amenée ! fulmine le Dodu. File la chercher, c’est ici que ça se passe !

Ah ! non… Un peu, c’est drôle, mais quand ça dure trop longtemps il devient vite insoutenable le numéro d’Alexandre-Benoît.

— Dites donc, commandant, lui lancé-je, vous commencez à me cavaler sur la prostate.

Je fais signe à Raymond et à l’assistant.

— Suivez-moi, vous deux !

— Où que tu les embarques ? s’inquiète Béru, d’un ton radouci.

— Aux sports d’hiver, pour changer un peu !

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué : une femme adultère ne se sent jamais coupable que des tromperies que son mari connaît. Pour le reste, elle se donne l’absolution avec la désinvolture dont fit preuve Napoléon le jour de son sacre en se posant soi-même la couronne impériale sur la tronche.

Il en va de kif chez les suspects, ils se sentent farouchement innocents de ce dont on ne parvient pas à les convaincre.

Ce redondant préambule (faut bien que je fasse de la littérature, moi aussi !) pour vous dire que pas plus Raymond que Métis (elle s’appelle, vérification faite, Ludovic Prendu) ne sont décidés à l’ouvrir. Le premier déclare qu’il ne sait rien de rien, ne comprend pas comment le Vieux et Hanne ont été retrouvés dans le sauna et Métis me dit que si elle m’a levé, aux arènes, sous un déguisement féminin, c’est parce que je suis son genre et que la chair est faiblarde.

Nous nous trouvons dans la cabine du Vieux, la Fleur de France et c’est à dessein que je les y ai conduits, vous l’allez comprendre dans un instant si les petits cochons ne me mangent pas en route.

Pour la énième fois, je demande à Raymond ce qu’ils ont maquillé, lui et « Mars », depuis le retour à bord. L’oigneur de fesses me fait toujours la même réponse. Il avait des massages prévus et il s’est mis au boulot séance tenante. Hanne a déclaré qu’il allait se changer dans sa cabine. Raymond ne l’a revu que lorsque nous avons eu enfoncé la porte de leur four crématoire. Rien vu, rien entendu ! Je peux questionner, conseille-t-il, sa cliente, personne digne de foi en l’occurrence puisqu’il s’agit de la femme du nouveau commandant. Il y a eu la tempête ! Le gros fracas, le chancetiquage d’Apocalypse. Si le Vieux et Hanne ont gueulé, personne n’y a pris garde.

— OK, murmuré-je, attendez-moi ici, je reviens dans un instant, le temps d’opérer une petite vérification.

Je suis sûr que deux ou trois personnes parmi mes seize millions de lecteurs[27] auront compris qu’en sortant de la cabine Fleur de France, je passe dans la cabine Belle-Aurore où je m’empresse de brancher le système de phonie reliant l’une à l’autre.

En comportant de la sorte, mes douces amies, je suis certain d’obtenir un résultat positif. Comprenez-moi. Ou bien ces deux gentils minets connaissent la particularité de ces cabines et ils vont la boucler, ce qui indiquerait que Gaumixte est de connivence avec eux, ou bien ils l’ignorent et se croyant seuls un instant, ils vont se parler librement, ce qui risque d’illuminer ma voie lactée, you see ?

J’écoute de toutes mes oreilles voraces.

La voix de Métis :

— Dis-toi bien qu’il ne sait rien ! J’en ai eu la preuve ! S’il prêche le faux pour savoir le vrai, laisse-le parler et nie tout.

La voix de Raymond :

— Et puis, après tout, on n’a rien fait de mal !

La voix de Métis, avec un certain mordant :

— Au contraire, Raymond ! Au contraire, j’ose le dire !

Un temps… je médite sur les répliques précédentes. J’essaie de trouver la route de lumière à travers ces brumes. Pas très facile, et pourtant des coins de voile se soulèvent, dirait le Vieux (le pauvre cher Boss déshydraté).

— Comment expliques-tu l’histoire du sauna. Raymond ? reprend la voix incisive de Métis.

— Je n’y comprends absolument rien, assure le masseur.

— Tu ne penses pas que le vieux flic a eu vent de quelque chose ?

— Probable.

— Il sera descendu fouiller chez vous. Et Mars l’aura surpris en pleine investigation…

Les deux folingues méditent un peu avant de poursuivre. Je fais de même.

— Si le flic chauve a découvert quelque chose. Il parlera et nous serons bel et bien confondus ? émet Raymond.

— Oui, mais il n’a peut-être rien découvert. Je te dis qu’il cherchait ! Il cherchait seulement ! Voyons, chéri : Mars ne serait pas intervenu si l’autre avait trouvé, CQFD !

— C’est vrai !

Un nouveau temps. Ils cherchent à se rassurer, les petits mignons. Seulement la carburation se fait mal. Ils sont gênés aux entournures.

La tempête qui s’était un peu calmée reprend de plus belle. On vient de retoucher un cyclone en provenance des Açores, mes Gueux. Tous les cyclones européens viennent des Açores, tandis que les cyclones américains viennent de la Jamaïque, c’est connu. Le Mer d’Alors repart dans ses frénésies. Il re vibre ! Il donne tout de qu’il a : du gîte, de la bande, des inquiétudes. On réentend des fracas sauvages. Tout ce qui est mobile et cassable se casse. Tout ce qui est contusionnable se contusionne. Les cris reprennent, d’un peu partout. En haut, en bas, tout autour. La Mer, furax, vient cracher sur les hublots sa mousse d’épileptique.

Les deux tatas d’à-côté ne mouftent plus. Elles gardent les dents serrées sur des inquiétudes stomacales. A toi de jouer, San-Antonio !

Je coupe le contact de l’enregistreur et je vais en tangotant rejoindre ces messieurs-dames. Dans la coursive, on recommence les zigzags féroces. Les mille lourdes du barlu reprennent leur solo de batterie. Les stewards qui rabattaient des vulnéraires pour les éprouvés redeviennent vulnérables et partent aux quetsches sur des tessons.

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27

C’est mon éditeur qui m’a demandé de faire courir ce chiffre !