Et puis on a vu que tous ceux de l’équipe n’étaient pas dans l’eau. Sur la plage, il en était resté un qui pleurait. C’était Paulin, qui pleure toujours et qui dit qu’il veut rentrer chez son papa et sa maman.
— Allons, Paulin ! Viens ! a crié notre chef d’équipe.
— Non, a crié Paulin. J’ai peur ! Je veux rentrer chez mon papa et ma maman ! Et il s’est roulé sur le sable en criant qu’il était très malheureux.
— Bon, a dit le chef, restez groupés et ne bougez pas, je vais aller chercher votre camarade.
Et le chef est sorti de l’eau et il est allé parler à Paulin.
— Mais enfin, p’tit gars, il lui a dit, le chef, il ne faut pas avoir peur.
— Si, il faut ! a crié Paulin. Si, il faut !
— Il n’y a aucun danger, a dit le chef. Viens, donne-moi la main, nous entrerons ensemble dans l’eau et je ne te lâcherai pas.
Paulin, en pleurant, lui a donné la main et il s’est fait tirer jusqu’à l’eau. Quand il a eu les pieds mouillés, il s’est mis à faire : « Hou hou ! C’est froid ! J’ai peur ! Je vais mourir ! Hou ! »
— Mais puisque je te dis qu’il n’y a aucun... a commencé à dire le chef ; et puis il a ouvert des grands yeux et il a crié :
— Qui c’est, celui qui nage là-bas, vers la bouée ?
— C’est Crépin, a dit un des types de l’équipe ; il nage drôlement bien, il nous a parié qu’il allait jusqu’à la bouée.
Le chef a lâché la main de Paulin et il s’est mis à courir dans l’eau et à nager en criant :
« Crépin ! Ici ! Tout de suite ! » et à siffler, et avec l’eau, le sifflet faisait un bruit de bulles. Et Paulin s’est mis à crier : « Ne me laissez pas seul ! Je vais me noyer ! Hou ! Hou ! Papa ! Maman ! Hou ! » Et comme il avait juste les pieds dans l’eau, il était rigolo à voir.
Le chef est revenu avec Crépin, qui était tout fâché parce que le chef lui a dit de sortir de l’eau et de rester sur la plage. Et puis le chef a commencé à nous compter, et ça n’a pas été facile, parce que pendant qu’il n’était pas là, on était un peu partis chacun de notre côté, et comme le chef avait perdu son sifflet en allant chercher Crépin, il s’est mis à crier : « Équipe Œil-de-Lynx ! Rassemblement ! Équipe Œil-de-Lynx ! Courage ! Courage ! »
Et puis un autre chef d’équipe est venu et lui a dit : « Dis, Gérard, braille un peu moins fort, mes gars n’entendent plus mes coups de sifflet. » Et il faut dire que les chefs d’équipe faisaient un drôle de bruit en sifflant, criant et appelant. Et puis le chef nous a comptés, il a vu qu’on était tous là et il a envoyé Gualbert rejoindre Crépin sur la plage, parce qu’il était dans l’eau jusqu’au menton, et il criait : « Je suis tombé dans un trou ! Au secours ! Je suis tombé dans un trou ! » Mais la vérité, c’est qu’il était accroupi. Il est rigolo, Gualbert !
Et puis les chefs d’équipe ont décidé que c’était assez de baignade pour ce matin et ils se sont mis à crier et à siffler : « Rassemblement par équipes sur la plage ! » On s’est mis en rang et notre chef nous a comptés. « Onze ! il a dit. Il en manque un ! » C’était Paulin, qui était assis dans l’eau et qui ne voulait pas en sortir.
— Je veux rester dans l’eau ! il criait. Si je sors, je vais avoir froid ! Je veux rester !
Le chef, qui avait l’air de s’énerver, l’a ramené en le tirant par le bras et Paulin criait qu’il voulait rentrer chez son papa, chez sa maman, et dans l’eau. Et puis, quand le chef nous a comptés de nouveau, il a vu qu’il en manquait encore un.
— C’est Crépin... on lui a dit.
— Il n’est pas reparti dans l’eau ? a demandé notre chef, qui est devenu tout pâle.
Mais le chef de l’équipe à côté de la nôtre lui a dit : « J’en ai un de trop, il ne serait pas à toi, par hasard ? » Et c’était Crépin, qui était allé parler à un type qui avait une tablette en chocolat.
Quand le chef est revenu avec Crépin, il nous a comptés de nouveau, et il a vu que nous étions treize.
— Lequel n’est pas de l’équipe Œil-de-Lynx ? a demandé le chef.
— Moi, m’sieur, a dit un petit type qu’on ne connaissait pas.
— Et tu es de quelle équipe, a dit le chef, celle des Aiglons ? celle des Jaguars ?
— Non, a dit le petit type, je suis de l’hôtel Bellevue et de la Plage. Mon papa, c’est celui qui dort, là-bas sur la jetée.
Et le petit type a appelé : « Papa ! papa ! » Et le monsieur qui dormait a levé la tête et puis tout doucement il est venu vers nous.
— Qu’est ce qu’il y a encore, Bobo ? a demandé le monsieur.
Alors, notre chef d’équipe a dit :
— Votre petit est venu jouer avec nos enfants. On dirait que ça le tente, les colonies de vacances.
Alors, le monsieur a dit :
— Oui, mais je ne l’y enverrai jamais. Je ne veux pas vous vexer, mais sans les parents, j’ai l’impression que les enfants ne sont pas surveillés.
S’il y a une chose que M. Rateau, le chef de la colo, aime bien, à part les enfants, c’est les promenades en forêt. C’est pour cela que M. Rateau a attendu la fin du dîner avec impatience pour exposer sa petite idée...
La pointe des Bourrasques
Hier, après le dîner, M. Rateau, qui est le chef de la colonie de vacances où mon papa et ma maman m’ont envoyé (et c’était une chouette idée), nous a tous réunis et nous a dit : « Demain, nous allons tous partir en excursion à la pointe des Bourrasques. A pied, à travers les bois, sac au dos, comme des hommes. Ce sera pour vous une splendide promenade et une expérience exaltante. »
Et M. Rateau nous a dit que nous partirions de très bonne heure le matin et que M. Genou, l’économe, nous donnerait des casse-croûte avant de partir. Alors on a tous crié : « Hip, hip, hourra » trois fois, et nous sommes allés nous coucher très énervés.
Le matin, à 6 heures, notre chef d’équipe est venu dans notre baraque pour nous réveiller, et il a eu beaucoup de mal.
— Mettez vos grosses chaussures et prenez un chandail, nous a dit notre chef. Et n’oubliez pas la musette pour mettre le casse-croûte. Emportez le ballon de volley, aussi.
— Chef, chef, a dit Bertin, je peux emporter mon appareil de photo ?
— Bien sûr, Bertin, a dit le chef, comme ça tu prendras des photos de nous tous sur la pointe des Bourrasques. Ce sera un chic souvenir !
— Hé les gars ! Hé les gars ! a crié Bertin tout fier, vous avez entendu ? Je vais prendre des photos !
— T’es un crâneur, toi et ton appareil de photo, a répondu Crépin. On s’en fiche de ton appareil de photo, et puis je ne me laisserai pas prendre en photo par toi. Je bougerai.
— Tu parles comme ça de mon appareil de photo parce que tu es jaloux, a dit Bertin, parce que tu n’en as pas, d’appareil de photo !
— Je n’ai pas d’appareil de photo, moi ? a dit Crépin. Laisse-moi rigoler ! Chez moi, j’en ai un plus chouette que toi d’appareil de photo, alors !