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— T’es un menteur et un imbécile, a dit Bertin ; et ils ont commencé à se battre, mais ils ont arrêté parce que le chef a dit que s’ils continuaient à faire les guignols, ils n’iraient pas à la pointe des Bourrasques.

Et puis le chef nous a dit de nous dépêcher parce qu’on allait être en retard pour le rassemblement.

On a pris un gros petit déjeuner, et ensuite nous sommes allés en file devant la cuisine, où M. Genou nous donnait à chacun un casse-croûte et une orange. Ça a pris assez de temps, et M. Genou avait l’air de commencer à s’énerver. Surtout quand Paulin a soulevé le pain et il a dit :

— M’sieur, il y a du gras.

— Eh bien, tu n’auras qu’à le manger, a dit M. Genou.

— A la maison, a dit Paulin, ma maman ne veut jamais que je mange le gras, et puis j’aime pas ça.

— Alors, tu n’auras qu’à le laisser, le gras, a dit M. Genou.

— Mais vous m’aviez dit de le manger, a dit Paulin. C’est pas juste ! Moi je veux rentrer chez mon papa et ma maman. Et il s’est mis à pleurer.

Mais ça s’est arrangé parce que Gualbert, qui avait déjà mangé son gras, a changé son casse-croûte contre celui de Paulin.

Nous sommes sortis du camp, avec M. Rateau devant et tous les autres rangés par équipes avec nos chefs, derrière lui. C’était comme un vrai défilé ; on nous a fait chanter des tas de choses et on chantait très fort parce qu’on était très fiers. Ce qui est dommage, c’est que comme c’était tôt le matin, il n’y avait personne pour nous voir, surtout quand on est passé devant les hôtels où les autres gens sont en vacances. Il y a tout de même une fenêtre qui s’est ouverte et un monsieur a crié :

— Vous n’êtes pas un peu fous de crier comme ça à cette heure-ci ?

Et puis une autre fenêtre s’est ouverte et un autre monsieur a crié :

— C’est vous, monsieur Patin, qui hurlez comme ça ? C’est pas assez de supporter vos rejetons toute la journée ?

— Pas la peine de crâner parce que vous prenez des suppléments à table, Lanchois ! a crié le premier monsieur. Et puis encore une autre fenêtre s’est ouverte et un autre monsieur s’est mis à crier des choses, mais nous ne savons pas quoi, parce que nous étions déjà loin, et comme on chantait fort on n’entendait pas bien.

Et puis, nous sommes sortis de la route et nous avons traversé un champ, et beaucoup ne voulaient pas y aller parce qu’il y avait trois vaches ; mais on nous a dit que nous étions des hommes, qu’il ne fallait pas avoir peur et on nous a forcés à y aller. Là, les seuls qui chantaient, c’étaient M. Rateau et les chefs d’équipe. Nous, on a repris en chœur quand nous sommes sortis du champ pour entrer dans les bois.

Ils sont chouettes, les bois, avec des tas et des tas d’arbres, comme vous n’en avez jamais vu. Il y a tellement de feuilles qu’on ne voit pas le ciel et il ne fait pas clair du tout, et il n’y a même pas de chemin. On a dû s’arrêter parce que Paulin s’est roulé par terre en criant qu’il avait peur de se perdre et d’être mangé par les bêtes des bois.

— Écoute, p’tit gars, a dit notre chef d’équipe, tu es insupportable ! Regarde tes camarades, est-ce qu’ils ont peur, eux ?

Et puis un autre type s’est mis à pleurer, en disant que oui, que lui aussi il avait peur, et il y en a eu trois ou quatre qui se sont mis à pleurer aussi, mais je crois qu’il y en a qui faisaient ça pour rigoler.

Alors, M. Rateau est venu en courant et il nous a réunis autour de lui, ce qui n’était pas facile à cause des arbres. Il nous a expliqué que nous devions agir comme des hommes et il nous a dit qu’il y avait des tas de façons de retrouver sa route. D’abord il y avait la boussole, et puis le soleil, et puis les étoiles, et puis la mousse sur les arbres, et puis il y était déjà allé l’année dernière, il connaissait le chemin, et assez ri comme ça, en avant marche !

On n’a pas pu partir tout de suite, parce qu’il a fallu réunir les copains qui s’étaient un peu éloignés dans les bois. Il y en avait deux qui jouaient à cache-cache ; un, on l’a trouvé tout de suite, mais l’autre il a fallu crier « Pouce » pour qu’il sorte de derrière son arbre. Il y en avait un autre qui cherchait des champignons, trois qui jouaient au volley-ball et Gualbert qui a eu du mal à descendre de l’arbre où il était monté pour voir s’il y avait des cerises. Et quand tout le monde a été là et qu’on allait se remettre à marcher, Bertin a crié :

— Chef ! Il faut qu’on rentre au camp ! J’ai oublié mon appareil de photo !

Et comme Crépin s’est mis à rigoler, ils ont commencé à se battre, mais ils se sont arrêtés quand notre chef d’équipe a crié : « Assez, ou c’est la fessée ! » On était tous très étonnés c’est la première fois qu’on l’entend crier comme ça, notre chef d’équipe !

On a marché très, très longtemps dans les bois, on commençait à être fatigués, et puis on s’est arrêtés. M. Rateau s’est gratté la tête et puis il a réuni les chefs d’équipe autour de lui. Ils faisaient tous des gestes en montrant des directions différentes, et j’ai entendu M. Rateau qui disait : « C’est drôle, ils ont dû faire des coupes depuis l’année dernière, je ne retrouve plus mes repères. » Et puis, à la fin, il a mis un doigt dans sa bouche, il l’a levé en l’air et il s’est remis à marcher et nous on l’a suivi. C’est drôle, il ne nous avait pas parlé de ce système pour retrouver son chemin.

Et puis, après avoir beaucoup marché, on est enfin sorti des bois et nous avons retraversé le champ. Mais les vaches n’y étaient plus, sans doute à cause de la pluie qui s’est mise à tomber. Alors, nous avons couru jusqu’à la route, et nous sommes entrés dans un garage, où nous avons mangé nos casse-croûte, nous avons chanté et nous avons bien rigolé. Et puis, quand la pluie a cessé de tomber, comme il était très tard, nous sommes rentrés au camp. Mais M. Rateau nous a dit qu’il ne se tenait pas pour battu, que demain ou après-demain, nous irions à la pointe des Bourrasques.

En car...

Ma chère maman, mon cher papa,

Je suis très sage, je mange de tout, je m’amuse bien et je voudrais que vous écriviez une lettre d’excuses à M. Rateau pour lui dire que je ne dois pas faire la sieste, comme la lettre que j’ai apportée à la maîtresse la fois où papa et moi nous n’avons pas réussi à faire le problème d’arithmétique...

(Extrait d’une lettre de Nicolas à ses parents)

La sieste

Ce que je n’aime pas à la colonie de vacances, c’est que tous les jours, après le déjeuner, on est de sieste. Et la sieste, elle est obligatoire, même si on invente des excuses pour ne pas la faire. Et c’est pas juste, quoi, à la fin, parce qu’après le matin, où nous nous sommes levés, nous avons fait la gymnastique, notre toilette, nos lits, pris le petit déjeuner, être allés à la plage, nous être baignés et avoir joué sur le sable, il n’y a vraiment pas de raison pour que nous soyons fatigués et que nous allions nous coucher.

Pour la sieste, la seule chose de bien, c’est que notre chef d’équipe vient nous surveiller dans notre baraque et il nous raconte des histoires pour que nous nous tenions tranquilles, et ça c’est chouette.

— Bon ! a dit notre chef d’équipe, tout le monde sur son lit, et que je ne vous entende plus.

Nous, on a tous obéi, sauf Bertin qui s’est mis sous son lit.

— Bertin ! a crié notre chef d’équipe. C’est toujours le même qui fait le pitre ! Ça ne m’étonne pas, tu es le plus insupportable de la bande !

— Ben quoi, chef, a dit Bertin, je cherche mes espadrilles.

Bertin, c’est mon copain, et c’est vrai qu’il est insupportable ; on rigole bien avec lui.