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On s’est tous assis dans notre lit, sauf Gualbert, qui n’avait rien entendu et qui dormait, et Paulin qui avait eu peur et qui pleurait sous sa couverture et on ne le voyait pas, mais on l’entendait et ça faisait : « Hmm hmm hmm » ; mais nous on le connaît et on savait qu’il criait qu’il voulait retourner chez son papa et sa maman, comme il dit toujours.

Et puis la porte de notre baraque s’est ouverte, notre chef d’équipe est entré, il a allumé la lumière et il nous a dit de nous habiller tous en vitesse pour aller au rassemblement pour le jeu de nuit, et de bien nous couvrir avec nos chandails. Alors, Paulin a sorti sa tête de dessous sa couverture et il s’est mis à crier qu’il avait peur de sortir la nuit, et que de toute façon son papa et sa maman ne le laissaient jamais sortir la nuit, et qu’il n’allait pas sortir la nuit.

— Bon, a dit notre chef d’équipe, tu n’as qu’à rester ici.

Alors, Paulin s’est levé et ça a été le premier à être prêt et à sortir, parce qu’il disait qu’il avait peur de rester seul dans la baraque et qu’il se plaindrait à son papa et à sa maman.

On a fait le rassemblement au milieu du camp, et comme il était très tard la nuit et qu’il faisait noir, on avait allumé les lumières, mais on n’y voyait quand même pas beaucoup.

M. Rateau nous attendait.

— Mes chers enfants, nous a dit M. Rateau, nous allons faire un jeu de nuit, M. Genou, notre économe, que nous aimons tous bien, est parti avec un fanion. Il s’agit pour vous de retrouver M. Genou et de ramener son fanion au camp. Vous agirez par équipes, et l’équipe qui rapportera le fanion aura droit à une distribution supplémentaire de chocolat. M. Genou nous a laissé quelques indications qui vous permettront de le retrouver plus facilement ; écoutez bien : « Je suis parti vers la Chine, et devant un tas de trois gros cailloux blancs...» Ça ne vous ferait rien de ne pas faire de bruit quand je parle ?

Bertin a rangé son sifflet dans sa poche et M. Rateau a continué :

« – Et devant un tas de trois gros cailloux blancs, j’ai changé d’avis et je suis allé dans les bois. Mais pour ne pas me perdre, j’ai fait comme le Petit Poucet et...» Pour la dernière fois, voulez-vous cesser de jouer avec ce sifflet ?

— Oh ! pardon, monsieur Rateau, a dit un chef d’équipe, j’ai cru que vous aviez fini.

M. Rateau a fait un gros soupir, et il a dit :

— Bien. Vous avez là les indications qui vous permettront de retrouver M. Genou et son fanion si vous faites preuve d’ingéniosité, de perspicacité et d’initiative. Restez bien groupés par équipes, et que le meilleur gagne. Allez-y !

Et les chefs d’équipe ont donné des tas de coups de sifflet, tout le monde s’est mis à courir partout, mais sans sortir du camp, parce que personne ne savait où aller.

On était drôlement contents : jouer comme ça la nuit, c’est une aventure terrible.

— Je vais aller chercher ma lampe électrique, a crié Calixte.

Mais notre chef d’équipe l’a rappelé.

— Ne vous éparpillez pas, il nous a dit. Discutez entre vous pour savoir comment commencer vos recherches. Et faites vite si vous ne voulez pas qu’une autre équipe arrive avant vous à retrouver M. Genou.

Là, je crois qu’il n’y avait pas trop à s’inquiéter, parce que tout le monde courait et criait, mais personne n’était encore sorti du camp.

— Voyons, a dit notre chef d’équipe. Réfléchissez. M. Genou a dit qu’il était parti vers la Chine. Dans quelle direction se trouve ce pays d’Orient ?

— Moi, j’ai un atlas où il y a la Chine, nous a dit Crépin. C’est ma tante Rosalie qui me l’a donné pour mon anniversaire ; j’aurais préféré un vélo.

— Moi, j’ai un chouette vélo, chez moi, a dit Bertin.

— De course ? j’ai demandé.

— L’écoute pas, a dit Crépin, il raconte des blagues !

— Et la baffe que tu vas recevoir, c’est une blague ? a demandé Bertin.

— La Chine se trouve à l’Est ! a crié notre chef d’équipe.

— Et l’Est, c’est où ? a demandé un type.

— Hé, chef, a crié Calixte, ce type, il est pas de chez nous ! C’est un espion !

— Je suis pas un espion, a crié le type. Je suis de l’équipe des Aigles, et c’est la meilleure équipe de la colo !

— Eh bien, va la rejoindre, ton équipe, a dit notre chef.

— C’est que je sais pas où elle est, a dit le type, et il s’est mis à pleurer.

Il était bête, le type, parce qu’elle ne devait pas être bien loin, son équipe, puisque personne n’était encore sorti du camp.

— Le soleil, a dit notre chef d’équipe, se lève de quel côté ?

— Il se lève du côté de Gualbert, qui a son lit à côté de la fenêtre ! Même qu’il se plaint que ça le réveille, a dit Jonas.

— Hé ! chef, a crié Crépin, il est pas là, Gualbert !

— C’est vrai, a dit Bertin, il s’est pas réveillé. Il dort drôlement, Gualbert. Je vais aller le chercher.

— Fais vite ! a crié le chef.

Bertin est parti en courant et puis il est revenu en disant que Gualbert avait sommeil et qu’il ne voulait pas venir.

— Tant pis pour lui, a dit le chef. Nous avons perdu assez de temps comme ça !

Mais comme personne n’était encore sorti du camp, ce n’était pas bien grave.

Et puis, M. Rateau, qui était resté debout au milieu du camp, s’est mis à crier :

— Un peu de silence ! Les chefs d’équipe, faites de l’ordre ! Réunissez vos équipes pour commencer le jeu !

Ça, ça a été un drôle de travail, parce que dans le noir on s’était un peu mélangés. Chez nous, il y en avait un des Aigles et deux des Braves. Paulin, on l’a vite retrouvé chez les Sioux, parce qu’on a reconnu sa façon de pleurer. Calixte était allé espionner chez les Trappeurs, qui cherchaient leur chef d’équipe.

On rigolait bien, et puis il s’est mis à pleuvoir fort comme tout.

— Le jeu est suspendu ! a crié M. Rateau. Que les équipes retournent dans leurs baraques !

Et ça, ça a été vite fait, parce qu’heureusement, personne n’était encore sorti du camp.

M. Genou, on l’a vu revenir le lendemain matin, avec son fanion, dans la voiture du fermier qui a le champ d’orangers. Après, on nous a dit que M. Genou s’était caché dans le bois de pins. Et puis, quand il s’était mis à pleuvoir, il en avait eu assez de nous attendre et il avait voulu revenir au camp. Mais il s’était perdu dans les bois et il était tombé dans un fossé plein d’eau. Là, il s’était mis à crier et ça avait fait aboyer le chien du fermier. Et c’est comme ça que le fermier avait pu trouver M. Genou et le ramener dans sa ferme pour le sécher et lui faire passer la nuit.

Ce qu’on nous a pas dit, c’est si on avait donné au fermier la distribution supplémentaire de chocolat. Il y avait droit, pourtant !

« La pêche à la ligne a une influence calmante indéniable ? ». Ces quelques mots lus dans un magazine ont fortement impressionné Gérard Lestouffe, le jeune chef de l’équipe Œil-de-Lynx, qui a passé une nuit délicieuse à rêver de douze petits garçons immobiles et silencieux, en train de surveiller attentivement douze bouchons ballottés sur l’onde paisible...

La soupe de poisson

Ce matin, notre chef d’équipe est entré dans la baraque et il nous a dit : « Eh, les gars ! Pour changer, au lieu d’aller à la baignade avec les autres, ça vous amuserait d’aller à la pêche ? » « Oui ! » on a répondu tous. Presque tous, parce que Paulin n’a rien dit, il se méfie toujours et il veut rentrer chez son papa et sa maman. Gualbert non plus n’a rien dit. Il dormait encore.

— Bon, a dit notre chef. J’ai déjà prévenu le cuisinier pour lui dire que nous lui apporterons du poisson pour midi. C’est notre équipe qui offrira la soupe de poisson à tout le camp. Comme ça, les autres équipes sauront que l’équipe Œil-de-Lynx est la meilleure de toutes. Pour l’équipe Œil-de-Lynx... hip hip !