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« Écoute, a dit maman à papa, je rentre à l’hôtel avec Nicolas. Tu nous rejoindras dès que tu auras retrouvé le seau. » Et nous sommes partis. Papa est arrivé très tard à l’hôtel, il était fatigué, il n’avait pas faim et il est allé se coucher. Le seau, il ne l’avait pas trouvé, mais ce n’est pas grave, parce que je me suis aperçu que je l’avais laissé dans ma chambre. L’après-midi, il a fallu appeler un docteur, à cause des brûlures de papa. Le docteur a dit à papa qu’il devait rester couché pendant deux jours.

— On n’a pas idée de s’exposer comme ça au soleil, a dit le docteur, sans se mettre de l’huile sur le corps.

— Ah ! a dit papa, quand je pense aux copains qui sont restés au bureau !

Mais il ne rigolait plus du tout en disant ça.

Malheureusement, il arrive parfois en Bretagne que le soleil aille faire un petit tour sur la Côte d’Azur. C’est pour cela que le patron de l’hôtel Beau-Rivage surveille avec inquiétude son baromètre, qui mesure la pression atmosphérique de ses pensionnaires...

Le boute-en-train

Nous on est en vacances dans un hôtel, et il y a la plage et la mer et c’est drôlement chouette, sauf aujourd’hui où il pleut et ce n’est pas rigolo, c’est vrai ça, à la fin. Ce qui est embêtant, quand il pleut, c’est que les grands ne savent pas nous tenir et nous on est insupportables et ça fait des histoires. J’ai des tas de copains à l’hôtel, il y a Blaise, et Fructueux, et Mamert, qu’il est bête celui-là ! et Irénée, qui a un papa grand et fort, et Fabrice, et puis Côme. Ils sont chouettes, mais ils ne sont pas toujours très sages. Pendant le déjeuner, comme c’était mercredi il y avait des raviolis et des escalopes, sauf pour le papa et la maman de Côme qui prennent toujours des suppléments et qui ont eu des langoustines, moi j’ai dit que je voulais aller à la plage. « Tu vois bien qu’il pleut, m’a répondu papa, ne me casse pas les oreilles. Tu joueras dans l’hôtel avec tes petits camarades. » Moi, j’ai dit que je voulais bien jouer avec mes petits camarades, mais à la plage, alors papa m’a demandé si je voulais une fessée devant tout le monde et comme je ne voulais pas, je me suis mis à pleurer.

A la table de Fructueux, ça pleurait dur aussi et puis la maman de Blaise a dit au papa de Blaise que c’était une drôle d’idée qu’il avait eue de venir passer ses vacances dans un endroit où il pleuvait tout le temps et le papa de Blaise s’est mis à crier que ce n’était pas lui qui avait eu cette idée, que la dernière idée qu’il avait eue dans sa vie, c’était celle de se marier. Maman a dit à papa qu’il ne fallait pas faire pleurer le petit, papa a crié qu’on commençait à lui chauffer les oreilles et Irénée a fait tomber par terre sa crème renversée et son papa lui a donné une gifle. Il y avait un drôle de bruit dans la salle à manger et le patron de l’hôtel est venu, il a dit qu’on allait servir le café dans le salon, qu’il allait mettre des disques et qu’il avait entendu à la radio que demain il allait faire un soleil terrible.

Et dans le salon, M. Lanternau a dit : « Moi, je vais m’occuper des gosses ! » M. Lanternau est un monsieur très gentil, qui aime bien rigoler très fort et se faire ami avec tout le monde. Il donne des tas de claques sur les épaules des gens et papa n’a pas tellement aimé ça, mais c’est parce qu’il avait un gros coup de soleil quand M. Lanternau lui a donné sa claque. Le soir où M. Lanternau s’est déguisé avec un rideau et un abat-jour, le patron de l’hôtel a expliqué à papa que M. Lanternau était un vrai boute-en-train. « Moi, il ne me fait pas rigoler », a répondu papa, et il est allé se coucher.

Mme Lanternau, qui est en vacances avec M. Lanternau, elle ne dit jamais rien, elle a l’air un peu fatiguée.

M. Lanternau s’est mis debout, il a levé un bras et il a crié :

— Les gosses ! A mon commandement ! Tous derrière moi en colonne par un ! Prêts ? Direction la salle à manger, en avant, marche ! Une deux, une deux, une deux ! Et M. Lanternau est parti dans la salle à manger, d’où il est ressorti tout de suite, pas tellement content. Et alors, il a demandé, pourquoi ne m’avez-vous pas suivi ?

— Parce que nous, a dit Mamert (qu’il est bête, celui-là !), on veut aller jouer sur la plage.

— Mais non, mais non, a dit M. Lanternau, il faut être fou pour vouloir aller se faire tremper par la pluie sur la plage ! Venez avec moi, on va s’amuser bien mieux que sur la plage. Vous verrez, après, vous voudrez qu’il pleuve tout le temps ! Et M. Lanternau s’est mis à faire des gros rires.

— On y va ? j’ai demandé à Irénée.

— Bof, a répondu Irénée, et puis on y est allé avec les autres.

Dans la salle à manger, M. Lanternau a écarté les tables et les chaises et il a dit qu’on allait jouer à colin-maillard. « Qui s’y colle ? » a demandé M. Lanternau et nous on lui a dit que c’était lui qui s’y collait, alors, il a dit bon et il a demandé qu’on lui bande les yeux avec un mouchoir et quand il a vu nos mouchoirs, il a préféré prendre le sien. Après ça, il a mis les bras devant lui et il criait : « Hou, je vous attrape ! Je vous attrape, houhou ! » et il faisait des tas de gros rires.

Moi, je suis terrible aux dames, c’est pour ça que ça m’a fait rigoler quand Blaise a dit qu’il pouvait battre n’importe qui aux dames, qu’il était champion. Blaise, ça ne lui a pas plu que je rigole et il m’a dit que puisque j’étais si malin, on allait voir, et nous sommes allés dans le salon pour demander le jeu de dames au patron de l’hôtel et les autres nous ont suivis pour savoir qui était le plus fort. Mais le patron de l’hôtel n’a pas voulu nous prêter les dames, il a dit que le jeu était pour les grandes personnes et qu’on allait lui perdre des pions. On était là tous à discuter, quand on a entendu une grosse voix derrière nous : « Ça vaut pas de sortir de la salle à manger ! » C’était M. Lanternau qui venait nous chercher et qui nous avait trouvés parce qu’il n’avait plus les yeux bandés. Il était tout rouge et sa voix tremblait un peu, comme celle de papa, la fois où il m’a vu en train de faire des bulles de savon avec sa nouvelle pipe.

— Bien, a dit M. Lanternau, puisque vos parents sont partis faire la sieste, nous allons rester dans le salon et nous amuser gentiment. Je connais un jeu formidable, on prend tous du papier et un crayon, et moi je dis une lettre et il faut écrire cinq noms de pays, cinq noms d’animaux et cinq noms de villes. Celui qui perd, il aura un gage.

M. Lanternau est allé chercher du papier et des crayons et nous, nous sommes allés dans la salle à manger jouer à l’autobus avec les chaises. Quand M. Lanternau est venu nous chercher, je crois qu’il était un peu fâché. « Au salon, tous ! il a dit.

— Nous allons commencer par la lettre « A », a dit M. Lanternau. Au travail ! et il s’est mis à écrire drôlement vite.

— La mine de mon crayon s’est cassée, c’est pas juste ! a dit Fructueux et Fabrice a crié :

— M’sieu ! Côme copie !

— C’est pas vrai, sale menteur ! a répondu Côme et Fabrice lui a donné une gifle. Côme, il est resté un peu étonné et puis il a commencé à donner des coups de pied à Fabrice, et puis Fructueux a voulu prendre mon crayon juste quand j’allais écrire “Autriche” et je lui ai donné un coup de poing sur le nez, alors Fructueux a fermé les yeux et il a donné des claques partout et Irénée en a reçu une et puis Mamert demandait en criant : « Eh, les gars ! Asnières, c’est un pays ? » On faisait tous un drôle de bruit et c’était chouette comme une récré, quand, bing ! il y a un cendrier qui est tombé par terre. Alors le patron de l’hôtel est venu en courant, il s’est mis à crier et à nous gronder et nos papas et nos mamans sont venus dans le salon et ils se sont disputés avec nous et avec le patron de l’hôtel. M. Lanternau, lui, il était parti.