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— Montrez-nous la violence, ordonna Schruille.

— Non, dit Calipine, la parole de Max me suffit.

— Vous n’avez pas confiance en Max ? demanda Nourse.

— Si, répondit Schruille, mais je veux voir la violence.

— Comment pouvez-vous demander une chose pareille ! s’exclama Calipine.

— Sortez si vous le désirez. Schruille détacha les mots. Je… veux… voir… la violence. Et il regarda Allgood : Max ?

Allgood avala encore une fois sa salive ; il n’avait pas prévu cette demande.

— Elle s’est produite, nous le savons, Schruille.

— Bien sûr, j’ai remarqué les coupures sur nos écrans. La violence. Eh bien, maintenant, je veux enfreindre les consignes destinées à protéger notre sensibilité. Il grogna : Sensibilité.

Nourse le regarda fixement ; l’autre avait perdu son ton geignard.

Levant les yeux vers les caméras, Schruille constata que la plupart étaient débranchées. Il écœurait même les Cyniques ! Les rares appareils en fonction le resteraient-ils jusqu’à la fin ?

— Max, montrez-nous la violence, commanda Schruille.

Allgood haussa les épaules.

Nourse fit pivoter son siège et s’arrêta, le dos tourné à l’écran. Calipine se cacha les yeux de sa main.

— À vos ordres.

Sur l’écran, le visage d’Allgood fut remplacé par une vue générale plongeante d’une petite place encadrée par des bâtiments aveugles. Deux silhouettes minuscules s’approchèrent de la fontaine construite au centre de la place, et s’arrêtèrent. Un gros plan révéla qu’il s’agissait de Potter et d’un inconnu, un homme d’aspect étrange avec des yeux au regard glacial.

Retour à la vue générale : deux hommes porteurs de paquets enveloppés dans du papier sortant d’une ruelle. Derrière eux, se profila un groupe d’enfants conduit par une adulte en uniforme d’enseignant.

Brusquement, Potter se fraya un chemin au milieu des enfants tandis que son compagnon courait de l’autre côté de la fontaine.

Schruille risqua un coup d’œil vers Calipine et la surprit qui regardait entre ses doigts.

Un cri perçant provenant de l’écran le ramena brutalement au spectacle.

Le compagnon de Potter, débarrassé de ses vêtements, s’était transformé en une entité monstrueuse. Une bulle laiteuse grossit sur sa poitrine et il en jaillit un éclair d’une clarté aveuglante.

L’écran devint opaque, puis l’image revint, prise sous un autre angle.

Calipine, qui ne cherchait plus à dissimuler sa curiosité, avait les yeux fixés sur l’écran. De son côté, Nourse regardait à travers son prisme.

Un autre éclair jaillit de la silhouette et l’écran redevint un instant opaque.

— C’est un Cyborg, annonça Schruille. Regardez de tous vos yeux.

Une nouvelle scène, prise de très haut cette fois-ci. Quoique les personnages fussent réduits à l’état de fourmis, les origines de la violence restaient parfaitement repérables. D’une silhouette dressée au milieu de la place fusaient des traînées lumineuses. Des véhicules explosaient et tombaient du ciel.

Un engin de la Sécurité prit position derrière le Cyborg. Un rayon laser en sortit qui ouvrit une faille fumante dans le flanc d’un bâtiment. Le Cyborg pivota et leva une main, un doigt de lumière bleue parut grandir jusqu’au ciel. Quand il toucha l’engin, il le coupa en deux. Une moitié ricocha sur un bâtiment et vint écraser le Cyborg.

Une boule jaune se forma sur la placette. Une seconde plus tard, une explosion formidable ébranlait tout le décor.

Schruille vit que, sur toutes les caméras sans exception, le rouge était mis.

Calipine s’éclaircit la gorge.

— Potter est entré dans le bâtiment à droite.

— C’est tout ce que vous trouvez à dire ? s’étonna Schruille.

Nourse fit pivoter son siège et le regarda fixement.

— N’était-ce pas intéressant ? reprit l’autre.

— Intéressant ! fit Nourse.

— C’est ce qu’on appelle un état de guerre, remarqua Schruille.

Allgood réapparut sur l’écran et examina le trio avec un intérêt dissimulé.

Naturellement, il veut connaître nos réactions, pensa Schruille.

— Connaissez-vous nos armes ? demanda-t-il.

— Ces histoires de violence et d’armes me dégoûtent au plus haut point, remarqua Nourse. À quoi tout cela rime-t-il ?

— À quoi bon avoir des armes si on ne les utilise pas ? dit Schruille. Qu’en pensez-vous, Max ?

— J’ai entendu parler de vos armes. C’est la dernière garantie de votre sécurité.

— Bien sûr, nous avons des armes ! cria Nourse. Mais pourquoi devrions-nous…

— Nourse, vous perdez le contrôle de vous-même, constata Calipine.

Les mains crispées sur les accoudoirs, Nourse se rencogna dans son trône. Je perds le contrôle de moi-même.

— Examinons les nouveaux développements de la situation, reprit Schruille. Nous connaissons l’existence des Cyborgs, mais ils nous ont toujours échappé. De plus, avec leurs ordinateurs, ils contrôlent le montage des enregistrements. Et la masse sympathise avec eux. Mieux encore, comme nous venons de le voir, ils possèdent une brigade d’intervention capable de sacrifier, je dis bien de « sacrifier », l’un de ses membres à la sauvegarde générale.

Nourse, les yeux écarquillés, buvait ses paroles.

— Et nous, conclut Schruille, nous avons oublié la force brutale.

— Ahhh ! commenta Nourse.

— Si un homme en frappe un autre avec une arme, demanda Schruille, qui est coupable : l’arme ou celui qui la tient ?

— Expliquez-nous, murmura Calipine.

Schruille désigna le visage d’Allgood sur l’écran.

— Voici notre arme. Nous l’avons manié jusqu’à ce qu’il ait appris à se diriger lui-même. En fait, nous n’avons jamais oublié que la violence est en nous.

— Quelle absurdité ! s’exclama Nourse.

— Voyez vous-même, continua Schruille, en montrant du doigt les caméras illuminées. Voici la preuve de ce que j’avance. Pourquoi ont-ils tous observé ce qui se passait dans notre sphère ?

À ces mots quelques lumières s’éteignirent pour se rallumer aussitôt : d’autres spectateurs avaient pris le relais.

De l’écran, Allgood, la poitrine comprimée par une sensation d’étouffement, contemplait le spectacle avec la plus grande fascination. Les Optimhommes affrontaient la violence ! Après avoir manié l’euphémisme sa vie durant, le chef de la Sécurité trouvait cette situation presque intolérable. Le bouleversement avait été très rapide. Et c’étaient là des immortels, des êtres qui ne pouvaient commettre d’erreurs. Il se demanda quelles pensées tourbillonnaient dans leur tête.

Schruille, silencieux et attentif d’ordinaire, baissa les yeux sur Allgood.

— Qui d’autre nous a faussé compagnie ?

Allgood se sentit incapable de répondre.

— Les Durant ont disparu, continua Schruille. Svengaard aussi. Qui encore ?

— Personne, Schruille. Personne.

— Il faut les prendre.

— Bien sûr, Schruille.

— Vivants, précisa Calipine.

— Vivants, Calipine ?

— Si possible, dit Schruille.

Allgood hocha la tête.

— J’obéis, Schruille.

— Vous pouvez retourner à votre travail.

Quand l’écran fut à nouveau opaque, Schruille manipula les commandes disposées dans le bras de son trône.

— Que faites-vous ? s’enquit Nourse qui se méprisa aussitôt pour avoir parlé avec une exaltation perceptible.

— J’annule les ordres qui excluaient de nos yeux toute violence qui ne répondait pas à une information très ancienne. Il est grand temps que nous affrontions la réalité.