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— Je n’ai élu aucun d’entre eux ! s’insurgea quelqu’un dans la foule.

— Aviez-vous voix au chapitre quant à leur élection ? demanda Geary. Disposiez-vous d’un bulletin de vote et vous en êtes-vous servi pour exprimer votre suffrage ? Personnellement, je n’ai voté pour aucun des membres de l’actuel gouvernement. Je n’étais pas en… position de voter », ajouta-t-il, s’attirant des rires et des sourires. Toute l’assistance connaissait l’une ou l’autre mouture des diverses versions de sa légende, selon laquelle il n’aurait pas seulement été congelé en sommeil de survie mais serait resté durant un siècle parmi ses ancêtres. « Mais je continue à les considérer comme mon gouvernement parce que vous êtes la population de l’Alliance, que vous avez voté pour eux et que j’ai foi en votre capacité à trouver, avec le temps, la solution à vos problèmes ou les gens qui sauront les résoudre. J’ai aussi foi en vous et en l’Alliance, et ça ne changera pas. Si vous croyez en moi, alors j’espère que la confiance que je vous porte n’est pas un vain mot. »

Tous le regardaient et personne ne disait mot. Les reporters se bousculaient pour poser d’autres questions. Geary tourna les talons, s’apprêtant à prendre congé, quand un cri fusa dans la foule : « Soutiendrez-vous le gouvernement s’il fait quelque chose d’illégal ? » Il pila net.

Le silence qui s’abattit était presque palpable. Geary se tourna de nouveau vers la foule en secouant la tête. « Je n’appuierai aucune décision illégale. Plutôt que d’exécuter des ordres qui enfreindraient la loi, je préférerais démissionner et rendre mon tablier. Je peux vous garantir que le gouvernement le sait. Merci. »

Une escouade d’agents de la sécurité s’était précipitée pour lui fournir une escorte en voyant grossir la multitude. Ils se préparaient à se frayer un chemin de force au travers de la cohue quand la foule s’ouvrit devant lui pour le laisser passer et rejoindre la soute des navettes, conscient sans doute que ses paroles feraient le tour de l’Alliance à la vitesse de la lumière, du moins aussi vite que l’hypernet ou la propulsion par sauts pourraient les colporter, mais non sans se demander si ça y changerait quelque chose.

« Nos requêtes ont été rejetées », lui apprit le capitaine Smyth, l’air penaud.

De Smyth, Geary reporta le regard sur le lieutenant Jamenson, dont l’incroyable capacité à tout embrouiller s’était révélée inappréciable, s’agissant d’interdire aux nombreuses et redondantes sources de financement et d’entretien de la Première flotte de se faire la première idée des énormes sommes d’argent consacrées à ses réparations. « Ont-ils dit pourquoi ?

— Fonds insuffisants, répondit Smyth.

— Ils ne rejettent pas eux-mêmes les requêtes », ajouta Jamenson, dont les cheveux verts, permettant d’attribuer son origine génétique aux premiers colons d’Eire, sa planète natale, ressortaient de façon incongrue dans la cabine de l’amiral. Ils ont juste répondu que l’argent manquait.

— Je vous avais prévenu que les puits se tarissaient », rappela Smyth à Geary.

Celui-ci fixa de nouveau ses deux officiers. « Dites-moi un peu comment nous allons faire pour poursuivre les travaux. »

Smyth fit la grimace. « Légalement ?

— Oui, légalement.

— Cannibalisez, conseilla Smyth. Puisez des fonds aux autres sources disponibles pour la flotte. À ce propos, nous avons déjà reçu un grand nombre de demandes de transfert de certains de ces fonds à différents comptes d’un niveau plus élevé, et nous avons réussi jusqu’ici à faire échouer ces transferts. Dépensez-les ou perdez-les, amiral.

— De quels fonds parlez-vous ?

— Entraînement. Mess…

— Mess… ? Ils chercheraient à mettre mes équipages à la portion congrue ? demanda Geary, incrédule.

— Non. Ils veulent que vous leur fournissiez la même quantité et la même qualité de vivres à moindre coût. »

Geary résista à la tentation de frapper l’objet le plus proche. « Et, bien entendu, ils n’expliquent pas comment je devrais m’y prendre ?

— Non, bien sûr que non. »

Le lieutenant Jamenson désigna de la main l’écran qui surplombait la table de Geary. « Il y a eu les coupes budgétaires d’après-guerre, puis on a siphonné l’argent pour financer ce programme spécial…

— Les vaisseaux obscurs, lâcha Geary.

— Oui, amiral. Et ce programme coûte manifestement beaucoup plus cher que prévu. Je vois maintenant arriver des rapports annonçant que la flotte doit réactiver des défenses frontalières désactivées depuis la fin de la guerre, bien que personne ne dispose de la trésorerie requise. En réalité, c’est on ne peut plus simple. Moins d’argent en caisse et des obligations financières plus élevées que prévu.

— Ils auraient pu se douter d’un dépassement de budget dans le programme des vaisseaux obscurs, dit Geary. Existe-t-il un autre moyen de rassembler d’autres subsides pour nos réparations et nos opérations ? »

Smyth répondit avec réticence, en faisant la moue comme s’il venait d’ingurgiter un breuvage amer. « On pourrait réduire les coûts en fermant sélectivement certains de vos vaisseaux, amiral. Sans les mettre officiellement hors service. On boucle tout, on redistribue leur équipage sur d’autres bâtiments et on les laisse en orbite jusqu’à ce qu’on ait de quoi les redémarrer.

— Je ne peux pas faire ça ! » Geary désigna à son tour l’écran. « Je pourrais à tout moment me retrouver face aux autres vaisseaux obscurs et j’aurai alors besoin de tous les bâtiments et de tout l’armement disponibles ! Combien de temps tiendrions-nous si nous cannibalisions ces fonds que nous sommes censés restituer à d’autres ?

— Un mois, à quelques jours près.

— Pouvons-nous légalement dépenser cet argent maintenant qu’on nous a demandé de le transférer ? »

Jamenson sourit. « Oui, amiral. Le règlement officiel est truffé de lacunes stupéfiantes. La manœuvre sera délicate, mais nous pouvons faire passer un transport bourré d’espèces entre ces lacunes. L’argent dépensé, j’en informerai tous ceux qui l’attendent, mais en leur présentant le fait de telle façon qu’il leur faudra des mois pour comprendre ce qui s’est passé.

— Content de vous savoir avec nous, lieutenant. Y a-t-il autre chose ? »

Smyth semblait pensif. « J’aimerais assez mettre la main sur certaines pièces détachées et sur des matériaux critiques, amiral. Mais quelques obstacles s’opposent à leur acquisition. Pourriez-vous convaincre le capitaine Desjani de me prêter le chef Gioninni pendant quelques jours ?

— Quelques jours ? Je suis sûr que ça peut se faire. Dans quel but exactement ?

— Oh, amiral, tenez-vous vraiment à le savoir ? Ou bien voulez-vous ces pièces et ces matériaux ? »

Geary soupira. « Si quelqu’un risque de se retrouver en cour martiale, je dois en être informé.

— Non, amiral ! s’écria Smyth, feignant sans grand succès la stupeur. Ça sous-entendrait que quelqu’un se serait rendu coupable d’un vol qualifié. Saviez-vous, amiral, qu’on ne peut légalement accuser une personne de vol que si l’on a réussi à prouver qu’elle n’avait pas l’intention de rendre ce qu’elle a pris ? À condition, bien sûr, qu’elle ait pris quelque chose.

— Je crois que je vais m’abstenir de poser d’autres questions, déclara Geary.

— Bonne idée, approuva Smyth en souriant. J’allais justement demander au lieutenant Jamenson de vous répondre. À la fin, vous n’auriez plus distingué votre main droite de la gauche. »

Geary les congédia d’un geste. « Merci à vous deux. Faites comme nous avons dit. Cela étant, je vais envoyer au QG un message simple mais direct lui annonçant que, s’il tient vraiment à ce que la flotte soit en état de défendre l’Alliance, il doit lui fournir l’argent nécessaire à sa maintenance.