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Le détachement Danseuse. Ainsi nommé parce qu’il avait précipitamment escorté vers leur territoire des vaisseaux emportant à leur bord des représentants d’une espèce extraterrestre que les hommes avaient surnommés les Danseurs. « Que penseraient les Danseurs de tout ça ?

— Ils ont dit qu’ils reviendraient bientôt, répondit Desjani. Que savaient-ils exactement des vaisseaux obscurs et comment ont-ils découvert toutes ces choses que nous ignorions ?

— M’est avis qu’ils ont tiré quelques ficelles. J’aimerais en connaître la raison, mais j’ai le plus grand mal à me départir de la conviction qu’en dépit de leur laideur les Danseurs sont les alliés de l’humanité.

— J’espère que vous ne vous trompez pas. Les vivantes étoiles savent qu’elle a déjà bien assez d’ennemis, pour la plupart en son sein. »

Geary continuait d’espérer que son écran afficherait de nouvelles informations, mais le Mortier et le Serpentine montaient toujours la garde près du portail. Il se mettait sans peine à la place de l’équipage de ces vaisseaux, se les imaginait en train d’observer les bizarres évolutions des siens et d’écouter les messages fragmentaires et contradictoires qui peut-être leur parvenaient. Ils avaient renforcé leurs boucliers au maximum, mis leurs armes sous tension, et sans doute leurs scanners scrutaient-ils l’espace en quête d’une menace, ignorants que le logiciel de tous leurs systèmes avait été secrètement réorienté vers des sous-programmes cachés destinés à dissimuler ou effacer toute information concernant les vaisseaux obscurs. Mais, même si ces deux vaisseaux avaient pu voir ceux qui fondaient sur eux, Geary avait la certitude qu’ils n’auraient pas fui. Ainsi qu’il l’avait appris dès son réveil d’un sommeil de survie, si durant cette guerre d’un siècle avec les Mondes syndiqués la flotte de l’Alliance avait oublié comment il fallait s’y prendre pour vaincre, elle était devenue intraitable quant à sa détermination à mourir pour y parvenir. Les deux destroyers ne bronchèrent pas au cours des derrières minutes qui précédèrent l’arrivée des vaisseaux obscurs à portée de tir, et ils n’ouvrirent pas non plus le feu quand ils fondirent sur eux.

Les vaisseaux invisibles dépassèrent en trombe le Mortier et le Serpentine, et ils déchaînèrent un déluge de feu sur les deux destroyers de l’Alliance. Pour ces derniers, s’ils avaient eu le temps d’en prendre conscience, cette attaque avait dû leur faire l’effet de surgir de nulle part. Leurs boucliers s’effondrèrent sous le pilonnage des faisceaux de particules des lances de l’enfer et, cela fait, leur mince blindage n’offrit qu’une résistance dérisoire au feu ennemi. Le Mortier explosa et disparut dans une boule de poussière et de débris à la suite de la surcharge de son réacteur. Le Serpentine, quant à lui, se brisa en plusieurs morceaux qui s’éparpillèrent en tournoyant, tandis qu’un nombre pitoyable de modules de survie s’échappaient de son épave pour tenter de mettre à l’abri les rares rescapés de son équipage.

Tout cela s’était passé près de trois heures plus tôt, et ces images de mort et de destruction ne parvenaient que maintenant à l’Indomptable. Peu d’hommes étaient capables de les regarder sans avoir l’impression que l’événement se produisait sous leurs yeux.

« Au moins nous croira-t-on à présent, laissa tomber Desjani d’une voix sourde et rageuse. Tout le monde l’a vu.

— J’aurais préféré que la preuve ne nous ait pas été fournie par la mort de ces deux vaisseaux, déclara Geary, en proie à la même émotion. Regardez. Nous avions deviné juste.

— Vous aviez deviné juste », rectifia-t-elle.

Les vaisseaux obscurs avaient brusquement changé de trajectoire, en négociant des virages qui, s’ils restaient immenses en termes de distances interplanétaires, n’en étaient pas moins relativement serrés pour des appareils se déplaçant à vingt pour cent de la vitesse de la lumière, soit environ soixante mille kilomètres par seconde. Dépourvus d’un équipage humain, ces bâtiments pouvaient manœuvrer plus brutalement que ceux de Geary, mais même eux étaient limités par l’intensité du stress imposé à leur coque.

« La formation ennemie poursuit sur un vecteur menant à la station d’Ambaru, rapporta le lieutenant Castries. Délai d’acquisition de l’orbite d’Ambaru estimé à vingt heures et dix minutes. Les systèmes de manœuvre recommandent que nous ajustions notre trajectoire de manière à les intercepter au plus tard dans vingt heures et six minutes.

— Exécution », ordonna Geary. Son écran montrait les vaisseaux obscurs en train de plonger vers l’étoile et le mince écran des cuirassés qui commençait à lentement se former dans leur sillage. Derrière les cuirassés, croiseurs légers et destroyers, seize croiseurs lourds d’appoint convergeaient en deux formations rectangulaires sur des orbites qui les rapprocheraient de la trajectoire des bâtiments ennemis.

« Si j’étais aux commandes des vaisseaux obscurs, je comprendrais devant ce spectacle que mes plans sont compromis et j’en adopterais un autre.

— Ne jamais se détourner, lâcha Desjani. Encore une citation de Black Jack. Avez-vous vraiment sorti ça ?

— Non. Pourquoi diable aurais-je dit quelque chose d’aussi inepte ?

— Eh bien, Black Jack est censé l’avoir dit. Vos batailles vous montrent en train de manœuvrer mais sans cesser de vous concentrer sur les coups à porter à l’ennemi. Il ne sera pas inintéressant de voir comment vont l’interpréter les IA qui pilotent ces vaisseaux.

— Inintéressant ? »

L’arrivée d’un message coupa la parole à Tanya.

« Quelle espèce de supernova avez-vous déclenchée ? demandait l’image de l’amiral Timbal. J’ai pris connaissance de ce que vous aviez envoyé au Marteau, mais, quand j’ai cherché à le copier dans mon propre système de com, il n’a pas cessé de disparaître. J’ai donc téléchargé le correctif logiciel que vous nous avez transmis et j’ai demandé à mes trans de l’activer. Avant qu’il ne soit entièrement installé, j’ai reçu des appels de gens de la sécurité dont j’ignorais jusqu’à la présence dans la station d’Ambaru. Des appels m’informant que j’étais en possession d’un logiciel illicite et que j’enfreignais des règles et des règlements de l’Alliance dont je ne connaissais pas non plus l’existence. »

Les yeux de Timbal brillaient d’une lueur entêtée et sa bouche était crispée. « Vous affirmez qu’une menace active pèse sur ce système et, si l’on se fie à la vidéo de ce qui s’est passé à Indras et Atalia que vous nous avez fournie, ce serait même une menace extrêmement sérieuse. J’ai ordonné à mes destroyers de faction au portail de se repositionner, mais… » Il s’interrompit comme s’il avait du mal à s’exprimer. « Mais, compte tenu des informations que vous m’avez données, ces ordres n’arriveront peut-être pas à temps. Si le pire se produit, ce sera la conséquence directe de ce qui a saboté nos com et nos autres systèmes. On a beaucoup parlé dernièrement de l’ennemi intérieur, et je ne m’en suis jamais vraiment inquiété. Mais nous voilà maintenant sciemment aveuglés, alors que nous affrontons une menace à notre vie et à nos biens. »