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Marcus me tapote la main, sans doute pour me réconforter. Non, il m’avertit que le chef et le traître sont revenus. César reste debout et fait claquer sa règle violemment pour obtenir toute notre attention :

– L’inche est supprimé jusqu’à nouvel ordre. Le temps d’étude est donc doublé. Ceux qui n’ont rien à faire se préparent pour le grand concours de dessin qui aura lieu dans une semaine.

Un murmure réprobateur s’élève. La règle claque une seconde fois et le silence revient. Il reprend :

– Je peux dès à présent vous annoncer que des sanctions seront prises contre les auteurs de violences gratuites. Le ménage commencera par les Rouges.

Les « oreilles » ont fait leur rapport et le frigo va recevoir son lot de chair fraîche.

Je transmets la combinaison à Claudius et surtout la manière dont on peut la retrouver en cas de changement.

– Tu m’épates, Méto, tu es vraiment doué ! D’après toi, pourquoi sentent-ils le besoin de la modifier ? C’est vraiment se compliquer la vie, tu ne trouves pas ?

– Si tu utilises toujours le même code, à la longue, on doit pouvoir repérer des traces d’usure sur les chiffres.

– Comment sais-tu tout ça ?

– C’est logique. Il faut juste réfléchir.

Comme prévu, le repas du soir est précédé par la proclamation des mesures répressives. C’est César 1 qui s’en charge :

– Pour leur manque de vigilance, toutes les couleurs participeront ce soir à une double claque tournante. Bien entendu, les victimes des violences seront exclues du cercle de douleur. Juste après, Mamercus et Tibérius iront en chambre froide. Lundi soir, ce sera le tour de Flavius et Caïus, et, mercredi soir, celui de Sextus et Kaeso.

Il s’assied et donne le signal du repas.

Dans les couloirs, je rejoins Mamercus qui me déclare avec calme :

– J’ai déconné après l’inche d’hier, alors je paye. C’est normal.

– Tu veux les conseils d’un vieil habitué ?

– J’ai été mis au parfum par ton ami Marcus. Je te remercie.

– Vous êtes deux. Veillez bien l’un sur l’autre.

Le dortoir est silencieux. César est déjà là. Les Rouges s’approchent pour puiser un numéro. Rares sont ceux qui arborent un regard bravache, la grande majorité des enfants ont pris le masque des martyrs.

Feu !

Chapitre 8

C'est l’heure. Je ne sais pas exactement laquelle, mais il est plus tôt que d’habitude. Claudius m’a réveillé avant les autres. Nous passons voir chacun de nos partisans chez les Rouges et les Violets. Nous sommes treize, les seuls qui agiront au grand jour. Marcus est parmi nous. Son séjour au frigo lui a enlevé ses derniers doutes. Les Bleus ne seront pas impliqués. L’hypothèse d’un échec a été envisagée et il nous a semblé important, dans le cas d’un retour au mode de vie habituel, que les plus jeunes ne soient pas punis.

Nous sommes à présent trois autour du lit de chaque traître. Un s’occupe de le bâillonner pendant que les deux autres le maintiennent. Claudius est dans l’équipe qui s’occupe de Paulus. Ce dernier, la surprise passée, lance des regards haineux à son ancien copain. Crassus adopte, vis-à-vis de moi, un air suppliant. Les quatre garçons sont conduits dans la salle des douches. Trois enfants sont désignés comme geôliers. Nous laissons les Bleus dormir. Mamercus reste sur place pour les surveiller.

Claudius a trouvé une clef sous son oreiller, ce matin, signal que le grand jour était arrivé. Nous l’utilisons pour ouvrir les portes qui conduisent au couloir central. Nous allons ensuite dans le bureau, où nous surprenons deux César en plein travail.

– Méto ! Claudius ! Mais qui vous a permis ?

Nous fondons sur eux sans leur répondre. Ils savent qu’ils ne peuvent résister physiquement face à des garçons surentraînés. César 1 se lance dans un discours qui se veut menaçant :

– Vous paierez pour cet affront ! Si vous persistez dans cette action absurde, vous le regretterez ! Vous verserez des larmes de sang !

Le regard amusé que lui renvoie Titus le coupe dans son élan. Il comprend que sa harangue est inutile et il baisse la tête.

Sans un mot, quatre enfants les entraînent auprès des traîtres. Je me précipite sur la boîte à clefs. Ils ont modifié la combinaison depuis mon dernier passage. Je compose le nouveau code en tremblant. Et s’ils avaient changé leur système ? Non, ça marche. Je découvre un trousseau impressionnant. Je l’évalue à trente ou trente-cinq clefs. Claudius me pousse vers la sortie.

– Porte 204. Vite !

– Allons d’abord au frigo ! Il y a Sextus et Kaeso là-bas.

– Non. Je ne les oublie pas, mais suivons l’ordre qui a été décidé.

Les clefs ne sont pas numérotées. Je ne sais par où commencer. Ce n’est qu’au dix-huitième essai que je réussis à faire tourner le barillet de la porte 204. Nous entrons. Il fait froid. Nous tâtonnons dans la pénombre à la recherche d’un interrupteur. On entend des bruits de respiration et le cliquetis de lourdes pièces métalliques. Une voix nous interpelle :

– C’est à gauche de la porte, à cinquante centimètres, et à un mètre quarante de hauteur.

Je cherche un instant puis j’allume la lampe. Le spectacle qui s’offre à nos yeux nous laisse bouche bée. Ils sont vingt-cinq ou trente serviteurs allongés sur une paillasse grisâtre. L’endroit est si exigu qu’ils ne peuvent dormir que sur le côté et collés les uns aux autres. Ils sont enchaînés ensemble au niveau des mollets, des poignets et de l’anneau de leur oreille droite. Les extrémités des trois chaînes sont reliées par deux gros cadenas à d’épaisses boucles métalliques scellées dans le sol. Je reconnais Numérius. C’est lui qui a parlé. Son visage s’illumine :

– Je t’avais dit, Claudius, qu’on se reverrait tous les deux. Méto, montre-moi le trousseau, je vais te désigner la bonne clef. C’est la petite jaune très usée. Oui, celle-là !

J’actionne le mécanisme et je libère les serviteurs. J’en vois certains cogner sur deux d’entre eux. J’imagine que ce sont leurs espions. Puis tous se mettent debout. Les traîtres ont les bras maintenus dans le dos et la tête baissée par la pression qu’on imprime sur leur nuque.

Désignant deux serviteurs qui portent les numéros 126 et 94, Numérius ordonne :

– Conduisez ces deux salauds aux douches.

J’interpelle l’ami de Claudius :

– Numérius, il faudrait vider le frigo.

– Je veux savoir d’abord de combien de temps nous disposons.

– Deux heures avant le réveil programmé, précise Claudius.

– Alors, OK pour le frigo. Méto, tu y vas avec Optimus. Il connaît les clefs, tu gagneras du temps. Dès que vous avez fini, revenez immédiatement. On aura besoin de vous.

Je suis pressé et je pars en courant. Celui qui m’accompagne a du mal à me suivre. Il est plus grand que moi mais dans un très mauvais état physique. Maigre, pâle, il semble courbé sous le poids d’une immense fatigue. Je ralentis. Il se force à sourire :