Выбрать главу

Nous sortons. Dans les couloirs, mes copains me bousculent en rigolant.

– T’as raison, pourquoi serions-nous moins intelligents qu’eux ? déclare Titus.

– Et tu penses qu’ils en resteront là ? interroge Marcus.

– Que veux-tu qu’ils fassent ? Et puis je crois que le moment était venu de poser ces questions.

– Quelles questions ?

– Qui commande maintenant ? Et pourquoi ? Et comment ?

Nous croisons Optimus qui porte une lourde panière de linge sale. Il me sourit et s’éloigne. Je le suis des yeux et l’appelle :

– Optimus ! Attends, je vais t’aider.

Il s’arrête et prend un air gêné :

– J’ai l’habitude, Méto. Tu as sans doute des choses plus importantes à faire avec tes amis.

– Les serviteurs ne doivent pas travailler pour les autres, on doit partager le travail. Je vais en parler au conseil des Isolants cet après-midi.

– En attendant, je vais faire la lessive, conclut le serviteur en s’éloignant.

Une heure plus tard, Claudius m’aborde chaleureusement :

– J’ai besoin de toi, mon ami. Je peux te voir tout seul ?

– Bien sûr, mon ami.

– Romulus nous a fait comprendre qu’il y avait d’autres caches d’armes. Il faudrait les découvrir et entraîner des volontaires au tir. Je pense que c’est encore une sorte d’énigme à résoudre pour toi.

– Je m’en occupe. Dis-moi, j’imagine que tu as été choqué par ce que j’ai dit ce matin ?

– En effet, ça m’a beaucoup touché, troublé aussi. Sans doute parce que tu as dit vrai. Si nous commandons, Numérius et moi, c’est parce que c’est nous qui avons organisé tout ça, avec ton aide, bien sûr ; c’est nous qui sommes à l’origine de cette révolte. On se sent responsables.

– Je sais, mais je crois que maintenant nous devons prendre les décisions tous ensemble. Nous devons écouter tout le monde. C’est important de ne pas refaire ce que nous avons détesté.

– Nous en parlerons peut-être tout à l’heure. Nous réunissons les Isolants à onze heures trente dans le réfectoire.

– J’y serai. D’ici là, je vais réfléchir aux caches d’armes.

Je rejoins mes copains pour leur raconter.

– Tu avais finalement raison. Il ne t’en veut même pas, déclare Marcus, ravi.

Nous entendons des enfants crier et nous nous précipitons. C’est une grosse bagarre. Ils sont presque une vingtaine, uniquement des Bleus. Certains sont par terre et se font piétiner. Rien ne sert de crier, personne ne peut nous entendre. Nous rentrons dans la mêlée pour séparer énergiquement les belligérants. Nous prenons des coups mais, lorsqu’ils nous reconnaissent, les enfants s’écartent. Je demande d’un air sévère :

– Je peux savoir la raison de votre dispute ?

Ils me regardent avec un mauvais sourire. Ils en poussent un devant eux qui murmure :

– On ne sait pas.

– Je ne t’entends pas, dis-je en haussant le ton.

– J’ai dit : On ne sait pas.

– Comment ça ?

– On s’ennuyait. Alors on s’est dit qu’on pouvait s’organiser une petite lutte sans règles pour voir qui sont les plus forts.

– On ne fait rien de mal, ajoute un autre qui porte une chemise tachée de sang.

– On joue un peu à ce qu’on veut maintenant. Il n’y a plus de César pour nous mettre au frigo, s’enhardit un troisième.

Je ne sais quoi leur répondre. Je ne peux pas les laisser se fracasser la tête, mais de quel droit pourrais-je les en empêcher ?

– Je veux bien m’occuper de vous ce matin, propose Titus, mais vous vous mettez en tenue et on se bat à la régulière. Ça vous intéresse ?

Une dizaine d’enfants lèvent la main. D’autres détournent la tête et s’éloignent, peut-être pour recommencer leur pugilat dans un endroit plus discret un peu plus tard.

Octavius reste pour aider Titus, et Marcus me suit dans notre salle d’étude où je sors mon cahier pour réfléchir à mon nouveau problème. Marcus se lance :

– Pourquoi t’installes-tu pour écrire ? Si c’est comme pour les portes des passages et qu’il suffit d’additionner les chiffres, on devrait essayer la 302.

– Je pense que ce serait trop simple, mais on ne sait jamais. Tentons le coup.

Quelques dizaines de secondes plus tard, je suis enfermé dans un des placards à balais du troisième étage et j’attends, une bougie à la main, qu’il se passe quelque chose. Mais rien ne bouge. C’est raté. Je ressors. Marcus est déçu, moi je l’avais pressenti.

De retour dans la salle, je reprends mon papier et je réfléchis tout haut :

– Jove est un homme rationnel. Donc, une cache d’armes par étage me paraît suffisant. Romu nous a indiqué celle du deuxième : la 203. On sait aussi que le grand maître aime jouer avec les chiffres. On peut par conséquent déduire les trois autres. Il faut émettre des hypothèses. Ouvrons la 102.

– Pourquoi ?

– J’ai une idée. Allons essayer.

Marcus s’installe derrière l’épais battant. Après moins d’une minute, j’entends des coups. Il produit le même code que lors de la première découverte.

Je déverrouille la porte. Il arbore un fusil en bandoulière et fait le V de la victoire.

– Alors, commence-t-il, si ce n’est pas un coup de pot, tu dois connaître l’emplacement des autres.

– Oui, j’espère que j’ai compris, sinon on recommencera.

Je conduis mon ami successivement à la 304 et à la 401 avec les résultats attendus. Marcus est très impressionné :

– Tu es vraiment fort !

– J’ai juste suivi un raisonnement très « carré ».

– Et maintenant, tu es sûr qu’il n’y en a plus d’autre ?

– Je pense qu’on a tout trouvé, mais je ne suis pas dans le cerveau du créateur de la Maison.

L’heure de la réunion approche et nous rejoignons tranquillement le réfectoire. Les serviteurs mettent le couvert et posent les plats. Des chaises ont été disposées en cercle. Nous nous asseyons. Petit à petit, les sièges se remplissent. Numérius se place en face de moi. Il évite mon regard. Lui n’a pas digéré notre dispute.

Il ouvre le débat en énumérant les différents problèmes à régler :

– Nous devons aborder en urgence les points suivants : comment rallier les serviteurs de l’extérieur et ceux que les soldats appellent les « Oreilles coupées » ?

– C’est qui, ceux-là ? demande Mamercus.

– Ne m’interromps pas, s’il te plaît.

– Excuse-le, dis-je. Mais on veut savoir. C’est la première fois qu’on en entend parler.

Numérius comprend qu’il ne pourra pas remettre à plus tard son explication :

– Ce sont des serviteurs évadés. Ils se cachent au sud de l’île, dans des grottes. On les appelle comme ça parce qu’ils ont été obligés de se fendre le lobe de l’oreille pour enlever leur anneau.

Il joint le geste à la parole. Beaucoup d’enfants font la grimace.

– Ensuite, nous parlerons de la défense de la Maison en cas d’attaque.

Il me regarde et ajoute :

– Est-ce que vous voulez aborder d’autres sujets ?

Titus lève la main :

– Les Bleus sont désorientés. Ils s’ennuient, ne dépensent plus leur énergie. Il faudrait qu’on s’occupe d’eux. Tout à l’heure, on est intervenus pour arrêter une bagarre qui tournait mal. Après, j’en ai entraîné la moitié à la lutte pendant une heure, et il faudrait pour cet après-midi des volon…

– Merci, il faudra qu’on y pense. Tu as raison. Mais je crois qu’il n’y a pas urgence.

Titus souffle bruyamment pour marquer son aga-cement. Numérius continue :

– Je reprends, donc… Ah oui, les serviteurs extérieurs ont reçu notre message. On a eu une réponse. Ils écrivent qu’ils vont prévenir les Oreilles coupées. Certains voudraient qu’on leur donne des armes pour qu’ils éliminent leurs gardiens.