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– Vous savez où trouver les esclaves, dehors ? demande Marcus.

– Optimus nous a fait un plan. Il a travaillé à l’extérieur pendant quelques mois au début, avant de tomber gravement malade. Si les campements n’ont pas changé de place, on sait où les localiser.

– Il y a beaucoup de gardes ?

– Chaque brigade, précise Optimus, comporte vingt travailleurs, dont deux mouchards et trois gardes qui se relaient pour dormir. Ils sont armés.

– Et comment rentrerez-vous en contact avec les Oreilles coupées ?

– Nous ne savons pas, mais d’après Optimus…

– C’est eux qui les trouveront, explique ce dernier. Ils ont des guetteurs partout.

– Nous devons déterminer par où Mamercus et Numérius vont sortir, reprend Claudius. Il y a quatre issues aux quatre points cardinaux, malheureusement elles sont très visibles.

– Je sais ce qu’il faut faire, intervient Mamercus. Il faut créer une diversion. Leur faire croire qu’on sort au nord et sortir au sud un peu plus tard.

– Bien raisonné, approuve Titus. On sort avec des armes à feu, on fait un maximum de bruit. On avertit en même temps les Oreilles coupées qu’il se passe quelque chose. Si on se débrouille bien, on dégomme deux ou trois soldats au passage.

– Que nous reste-t-il à faire avant l’heure H ? demande Mamercus.

– Il faut installer des sentinelles aux quatre sorties possibles, déclare Claudius, et observer s’il y a des mouvements de troupes.

Il se tourne vers Numérius et Mamercus :

– Vous deux, Titus va vous expliquer comment vous servir de vos lames.

– Je vais vous indiquer les parties du corps les plus tendres à percer, précise ce dernier.

– Allez-y, les gars, reprend Claudius. Méto, toi, tu prépares la journée pour les Bleus. Tu me tiendras au courant après le petit déjeuner. Je veux deux sentinelles par issue. Optimus va vous montrer le chemin. Les autres, allez vous coucher. Je suis sûr que demain nous aurons à faire face à de nouveaux problèmes.

Il serre dans ses bras les deux futurs éclaireurs. Tous les enfants les entourent en silence et viennent former une masse compacte autour d’eux.

Je n’ai pas eu l’occasion de leur parler de mes découvertes de l’après-midi dans le bureau des César.

Chapitre 10

Il est sept heures. Ce matin, je retiens les petits dans le dortoir. Je leur assène un discours moralisateur sur les provisions qu’il faut économiser, sur le respect qu’on doit avoir envers les serviteurs. Je les menace des pires châtiments, du retour du frigo, de coups donnés en public, si leur attitude n’évolue pas dans le bon sens. Je leur présente aussi le programme de la journée : du sport, des travaux ménagers avec les serviteurs, mais également des cours sans sujet défini où ils pourront poser toutes les questions qu’ils voudront.

– Toutes les questions qu’on voudra ? insiste un Bleu clair qui n’en revient pas.

– Oui, toutes.

Leur curiosité est piquée. L’animosité, voire l’agressivité qu’on pouvait ressentir hier soir, semble avoir disparu.

Dans le réfectoire, les grands sont déjà installés selon mes directives. Les petits bouchent les trous laissés : aucun regroupement d’agitateurs n’est possible. Ils se sentent sous contrôle. Le calme règne pour la première fois depuis le début du soulèvement. J’en profite pour m’informer auprès de Claudius des derniers événements de la nuit. Je commence par lui faire part de ma frustration :

– J’aurais voulu être là, mais je me suis endormi sur ma préparation de la journée. Je me suis réveillé avec le jour et j’ai compris au vu du silence qui régnait dans les couloirs que tout était terminé.

– Tu devais bien dormir, car ça ne s’est pas déroulé dans la discrétion. L’opération a commencé vers deux heures. La diversion a eu lieu côté nord. Titus et deux autres ont fait une sortie discrète, et, quand ils ont repéré des soldats, ils ont ouvert le feu. Ils pensent en avoir touché mortellement au moins deux. Au bout de quelques minutes, on a entendu des mouvements de troupes qui affluaient en renfort. Nous avons alors fait sortir Mamercus et Numérius par l’issue opposée. Après un bon quart d’heure à échanger des tirs, nos trois camarades se sont repliés à l’intérieur, heureusement sains et saufs.

– Tu t’attends à avoir des nouvelles quand ?

– J’espérais qu’ils seraient de retour avant le lever du soleil. En cas de difficultés à rentrer avant la fin de la nuit, ils avaient pour consigne de se cacher pendant la journée. J’ai posté des guetteurs en haut du phare pour tenter de les repérer. Des tireurs sont prêts à couvrir leur repli. Nous n’avons plus qu’à attendre. Et avec les petits ? Quel est le programme ?

Je lui fais un topo rapide. Il approuve, mais me demande de ne pas solliciter des gars comme Titus et des « membres de la garde » pour animer le sport. Ils doivent être disponibles en cas de retour difficile de nos deux émissaires.

Le premier cours commence. J’ai regroupé tous les Bleus dans la même salle et je leur ai demandé de m’écrire la question ou le thème qu’ils veulent aborder. Le choix est vite fait. Une écrasante majorité propose qu’on parle des femelles chez les humains.

Je commence dans un silence recueilli :

– À l’instar des autres mammifères, on trouve chez les humains des mâles, qu’on appelle des « hommes », des femelles qu’on appelle des « femmes » et des enfants qui, quand ils sont mâles, sont appelés « garçons » et, quand ils sont femelles, sont appelés « filles ». Dans ce qu’on nomme une famille, le géniteur s’appelle le « père » ou le « papa », la génitrice la « mère » ou la « maman », le garçon le « fils », et pour la fille… eh bien… on dit la « fille ». Quand les mêmes géniteurs ont plus d’un enfant, celui ou celle qu’ils ont déjà désigne le nouveau par le mot « frère » si c’est un garçon et par le mot « sœur » si c’est une fille.

Comme pour Marcus, la veille, la simple évocation de ces mots provoque chez une partie de l’auditoire des réactions physiques discrètes mais perceptibles, des déglutitions, des soupirs, des yeux rougis, des larmes aussi. Comme si remontaient soudain à la surface des souvenirs trop forts.

– Pour une fois, me fait remarquer Kaeso, j’aurais eu envie de prendre des notes sur mon cahier. Tout m’intéresse. Mais j’ai un peu peur de ne pas tout retenir, il y a tellement de vocabulaire.

Après un court silence, un des enfants m’interpelle :

– Et à quoi ça ressemble exactement, une femme ? Combien a-t-elle de paires de mamelles ?

– Je vais vous la dessiner rapidement. Si je commence par la tête, elle est semblable à celle de l’homme, sauf qu’elle n’a pas de pilosité sur les joues comme les César. Les femmes portent sur tous les schémas que j’ai vus des cheveux très longs. Je ne sais pas très bien à quoi cela peut leur servir. Elles ont une paire de mamelles qu’on appelle des seins. Nous avons nous-mêmes deux mamelons, il faut les imaginer surmontant deux bosses graisseuses.

– C’est gros comment ?

– Il semblerait qu’il y ait des tailles et même des formes assez variées. Je montrerai en fin de cours, si vous êtes sages, les différents dessins que j’ai trouvés. Les hanches sont plus larges que celles des hommes car c’est à ce niveau que l’enfant se développe après la fécondation.

Le débat continue ainsi dans une ambiance chaleureuse. Les questions se font plus techniques : durée de la gestation et durée du sevrage, nombre d’enfants par portée. J’essaie, à chaque fois, d’être précis et d’apporter le vocabulaire spécifique pour les humains, ce qui m’oblige à relire sans cesse mes notes.