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Et soudain, plus de lumière. Les néons sectionnés se sont éteints en clapotant.

Là ne s’arrêtent point les exploits tarzanesques du sieur Béru.

— Aide-moi ! halète l’Ivanhoé du pauvre.

— À quoi fiche ?

— À soulever le cadavre du grand type.

— Pourquoi fiche ?

— On se le virgule dans la verrière, aussi fort qu’on pouvra. J’espère que ça fera une brèche dont à travers laquelle…

— Vu.

À la la une, à la la deux…

Bratzfatbounklafssschzzzz !

Il en pleut deux mètres carrés.

— Allons-y, cours-moi après je t’attrape ! lance le Mahousse en s’élançant dans la trouée.

Il est de la race des guerriers de Verdun, Alexandre-Benoît. De ceux qui escaladaient les tranchées, face à la mitraille, pour aller regarder la mort dans le blanc des yeux.

À l’époque, quand on vous disait : « donne ta vie », on répondait pas « tiens, fume ! » mais « tiens, prends ! ». Les bons cons font les bonzes amis. Il a collecté les derniers lambeaux de verre, le bel A.-B. Il m’a porc-épiqué le passage. C’est un baliseur-né. Je le suis. On déboule sur les roses, c’est le cas de le chanter. On trace sans en déguster les subtiles senteurs. L’impotent, c’est pas la rose, croyez-moi. On contourne la taule pleine de lumières et de cris. On envisage le portail ferforgeux. On y accède, on s’y succède. Ouf ! ce qu’il fait bon dehors…

La galopade arrière nous serre de près. Fatalement : ils bouffent beaucoup de laitages tournés, les Iraniens, alors pour ce qui est de la courante, tu parles ! Imbattables, ils sont ! Ils auraient emporté leur putain de yaourt à Mexico, t’aurais vu cette hécatombe de médailles dans la discipline coudaucorps. Ils ont péché par imprévoyance.

Mon intention serait de nous diriger vers la ville, seulement je me dis qu’ils vont sortir des tomobiles pour nous court-circuiter et que, de ce fait, on serait perdant.

Étant plus véloce que le Gros, je prends l’initiative de la rivière. Ses berges nous hébergent. Y a des ajoncs, des petites cahutes, et surtout les ponts que je vous ai parlé précédemment, où l’on jouit d’arches protectrices, de tabliers, d’arcs-boutants et du reste.

On bombe le long de la rivière Machin (je me rappelle plus son blaze). Des ombres nous gesticulent au prose. Géniale, mon idée d’avoir cloqué le fumant réchaud de Mirza aux molosses du prince. J’aimerais pas m’effacer la meute en supplément de programme.

Brusquement, la berge se creuse. Un sentier suit le talus abrupt et domine la flotte bouillonnante à cet endroit, because le bridge qui forme un peu barrage.

Je cesse de percevoir le galop du Gros, derrière moi. Affolé, je me retourne. Aurait-il morflé une lame dans les endosses ? Je le distingue tout juste. Il est accroupi sur le sentier. Il continue d’avancer, mais par saut de puces.

— T’es blessé ? haleté-je.

— N’t’occupe, file !

Je parviens dans l’ombre protectrice du gros pont ventru. Étourdi par l’intensité de l’effort produit, je m’adosse aux pierres râpeuses et, me comprimant la poitrine à deux pognes, je mate les arrières.

Il s’y déroule des péripéties captivantes. La horde des poursuivants a vachement ralenti l’allure. Certains poussent des cris et culbutent dans l’eau. Les autres avancent prudemment.

La masse sombre du Gros se dresse tout près de moi.

— Grimpe sur l’arche, hé, Noé ! me jette-t-il. Attends, je te fais la courte !

J’escalade l’arc de pierre dans sa partie la plus basse. Puis j’aide le Gros à m’y rejoindre en le tirant par la main.

On reste immobiles, collés à la pierre tiède. Nos poursuivants se sont repêchés, puis regroupés, et les voici qui radinent. Ils cherchent sous la voûte sonore, armés de torches électriques. Leurs faisceaux dansants arrachent brusquement de l’ombre un très curieux spectacle que je distingue imparfaitement, hélas ! Un petit groupe de traîne-patins est en train de s’embourber une nana sur la plate-forme supportant la pile suivante. La scène est si grandiose que nos tourmenteurs en oublient la poursuite infernale. Là-bas, y a au moins dix julots pour la grognace. Quatre ont déjà consommé et fument, assis en tailleur, en attendant leurs copains. L’un d’eux besogne la fumelle agenouillée dont le fignedé semble vouloir rivaliser de volume avec la pleine lune. Les cinq autres attendent à la queue leu leu, c’est positivement le cas de le dire, le panoche dégagé, paré pour la manœuvre. Voyant la chose, les zigs qui nous courtisaient sautent à qui veut mieux le bras d’eau qui les sépare de la pile et vont prendre la file (je n’écris pas la queue pour éviter toute fâcheuse confusion).

M’est avis, mes braves, que la donzelle en délire vient, sans s’en gaffer, de nous tirer une grosse épine du pied. C’est vous, M’sieur, qui disiez que les sens mènent le monde ? Non ? J’ai cru. En tout cas vous auriez eu raison. L’homme, sous toutes les latitudes, à toutes les altitudes, et dans toutes les attitudes, son seul vrai souci, sa seule joie réelle, c’est le radada. Un postère, dont il n’a même pas eu le loisir de visionner la propriétaire, lui fait tout oublier : ses préoccupations, son devoir, sa patrie, sa matrie, le petit Jésus, sa collection de timbres et le temps qu’il a fait mardi dernier. Il veut bavouiller à tout prix, jamais louper une occase de se faire mariner la tétoche.

Son panais avant tout ! Il le porte devant lui comme un étendard (qui ne serait pas sans gland).

On poireaute sur notre perchoir, bien patiemment. On se doute qu’après cette tournée générale de tringlette, nos poursuivants regagneront leurs pénates.

C’est un peu longuet, mais y en faut pour tout le monde. Per fas et nefas ! Par le grand et l’étroit ! Ce ne sont pas les voies du seigneur, les miches de la houri en rut, aussi sont-elles pénétrables.

Lentement, les participants se retirent, non seulement du corps du délice, mais du lieu de leurs exploits.

Bientôt le pont reste désert, si l’on excepte la dame, toujours figée dans sa position d’accueil. Je suppose qu’elle attend la suite. C’est une maîtresse femme, quoi !

— J’ai idée d’aller lui ajuster le bouquet final, me chuchote le Gros. On peut pas résister à des spectacs aussi corsés.

Il dégringole de son perchoir et va souscrire aux bonds du trésor (de la personne).

Plein de tact, je vais l’attendre à l’orée du clair de lune. L’eau coule dans un grand frisson pathétique.

Ce qu’elles peuvent être ensorceleuses, les nuits d’Ispahan !

— C’t’immonde autant que dégueulasse ! clame le Mastar en revenant, flanqué d’une personne en laquelle j’ai la plus vive stupeur de reconnaître Mrs Bitalaviock.

Elle marche avec harassement, Caroline. Faut dire qu’elle a passablement fatigué des noix, ces dernières heures. Toujours rester dans la même position, à effacer des assauts de garnements en délire, ça finit par briser les reins de la plus solide jument.

— T’as vu qui que c’était, la radasse du pont, Mec ? La môme Caca ! Tu juges de mon étonnement quand, après y avoir cigogné la tartine et voulant prendre congé poliment, je la contourne et la reconnais. Mords un peu la bouille de cette chérie. Elle est dans un état second, et je pense même troisième, à voir son air glandu. Après que je l’eus quittée, elle est tombée sur une bande de malfrats qui lui z’ont proposé Téhéran baille nite pour une pincée de clopinettes.

Elle a eu le malheur d’accepter, la pauvrette. Ces carnes l’ont alors fait fumer du hachis qu’était pas Parmentier et la v’là partie dans les brumailles. Pour lors ils l’ont drivée jusqu’ici, comme si qu’ils auraient pas pu y offrir au moins une chambre, avec tout l’article qu’il y ont sucré ; parce que naturliche ils ont gambadé dans son sac à main. Reusement qu’elle avait laissé ses chèques tavelés à l’hôtel, biquette !