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Je vous en reviens, le prince… Eunuque ou pédoque pro. Touche-à-tout scatophageo-tringleur, bilboquetteur, fumasseur de narguiloche, frère Jean des enconneurs, ou autre, on peut l’affirmer, sans hésiter, sadique en plein ! Amoureux de la souffrance ; empêché du fade suprême, comme tant ! Le dernier moment qui foire ! La pâmade qui dérape ! Vzoum, raté ! Un coup de perdu dix de retrouvés ! Tu atterris sur le gazon, éberlué d’avoir vidé ta soute sans bonheur. Y en a tant et tant ; et qui s’efforcent, qui espèrent fermement qu’une fois sera la bonne, qui jamais ne la trouvent… Le prince, donc — merde j’enchaîne ou quoi ? — il prend des temps gourmands, chattemine voluptueusement. Se pourlèche du mal qu’il va dispenser.

— Vous sentez, comme j’aime faire souffrir !

J’entends une plainte.

— Et ça, hein, qu’en dites-vous ?

Re-gémissement.

— Bon, vous me croyez à présent. Alors il va falloir être docile. Tout dire. Tout ! La vérité c’est aussi une question de mémoire. Vous êtes bien laide, madame ! Immonde ! Une grosse vache efflanquée pourtant ! Pouah ! Et des hommes vous approchent encore ? Vous escaladent ? J’en vomirais d’y songer ! Tiens, cette horreur me donne une idée, savez-vous ce que je vais vous faire si vous ne parlez pas ?

Il le dit ! J’ose pas vous répéter. C’est trop affreux ! Plus que ces pages n’en peuvent supporter. Ou alors faut qu’on m’imprime sur Vergé supérieur, qu’on me numérote et qu’on me vende dix raides l’exemplaire ! Ça se fait ! Ça marche ! Les chefs-d’œuvre à l’érotisme ou autre ! Mon pied comme si vous y étiez ! Je trique à tout va ! J’essème à tout vent ! Des vraies fortunes, parole ! Mais mécolle, dans l’humilité de ma littérature à 3 balles, j’ai des limites, je peux pas forcer comme les ceux qui peuvent tout sepermer ! Faut que je me jugule, m’autodulcore. Je charge mon texte à la serpette !

J’élague à la machette ma petite brousse pubienne. Pourtant va bien falloir que je la tartine, la suite ! Ou alors si je laisse la fin en blanc, vous venez à pleins camions me vitrioler la bouille ! Vous me faites la révolution d’Octobre dans ma salle à manger ! Vous déféquez sur le clavier de ma machine ! Je connais votre teigne, à tous. Votre manque total d’indulgence. Au cinoche, quand le film casse, au bout de quatre secondes vous commencez à briser les banquettes. Si je vous omets le dernier chapitre, pour lors, on va au massacre ! L’heure du lynch ! Mes pendeloques dans le sapin d’en face ! Bon, ça va, je prends mes risques. Je vous assume l’histoire jusqu’au bout, on verra bien. Si ça barde, je me ferai Huénère. Je crierai Vice-ce-qu’il-faut ! après m’être renseigné sur la tendance en cours !

— Tournez-vous, je le veux ! crie le prince ! Horrible femelle ! Matrone faisandée ! Garce nauséabonde ! Tournez-vous sinon je vous tranche la gorge avec ce rasoir.

Le plumard tangue un coup.

Puis un cri retentit sauvage, bien qu’il soit étouffé ! C’est plus que je n’en puis tolérer. Vous imaginez, vous, votre San-A. planqué sous un lit pendant qu’on y martyrise une femme, Anglaise de surcroît (et de norois) ? Non, mesdames ; non, mesdemoiselles ; non, messieurs ! Mon courage sur la commode, vous le connaissez ? Tiens, regarde ! Je repte hors de ma planque, sur le beau tapis dont les arabesques me filent le tournis.

Pendant que je me dégage, le prince continue, d’une voix hachée, haletante, pincée, cruelle :

— Tiens, truie infâme ! Voici la marque insigne de mon mépris.

Il est salaud, mais y cause bien, non ?

Je me redresse un poco, et découvre une scène monstrueuse. Alors là, n’espérez pas une narration, j’ai ma dignité. Tout ce que je veux vous dire c’est que la pauvre Mrs. Bitalaviock vient de subir une mutilation susceptible d’agrandir son centre d’accueil. Je vous en déballe pas davantage. Un coup de razif déterminant, quoi ! Quéque chose comme le canal du Rhône au Rhin, vu ? Si vous ne pigez pas, c’est pas la peine de me lire.

Bon, j’ai commencé par le plus facile, c’est humain. Je m’ai débarrassé de la broutille, seulement le plus pénible reste à raconter. Donc je continue à mots couverts pour pas qu’ils prennent froid. Le prince Anârchi, non content de ce coup de rasoir aussi malencontreux que douloureux, pour couronner son œuvre d’aménagement des territoires d’outre-merde, se livre à un exercice relevant davantage de la sodomie que de la broderie sur tambour, si vous voyez où je veux en venir ? Ça va comme ça, vous pouvez suivre ? Je m’en sors bien, hein ? Alors y a pas de raison de s’arrêter en si bon chemin. Voyez-vous, mes amis, retenez bien ceci : dans la vie on peut tout dire, à condition de le dire pudiquement. En littérature y a pas d’outrances, y a que des grossièretés. Dieu merci je sais faire du slalom sur les rudes pentes du réalisme. Parfait, mais je ne dis pas encore ouf, car je vais maintenant aborder la tournure délicate de mon sujet. Eh bien, il est très exceptionnel, ce sujet ! Je parle du prince ! Noble, riche et armé pareillement pour la vie, c’est immoral ! Je me figurais qu’on ne trouvait des calibres d’exception que chez les pauvres. Je croyais que la nature leur consentait une compensation. Où allons-nous, si les princes du sang possédant un harem peuvent jouir de celui-ci sur écran panoramique ? C’est une insulte à l’indigence et au solitariat ! Un crime de lèse-médiocrité.

Maintenant, voici la scène enfin brossée. Je n’insiste pas sur son aspect sauvage, riche en globules rouges. Ce serait facile, je pourrais m’y complaire.

Passons plutôt à la description du prince Anârchi que je vois pleinement pour la première fois, et seulement à la fin de ce livre exceptionnel. Il est infiniment plus jeune que je ne le supposais. Bien pris, les traits réguliers… Il a une fine barbe frisée et une moustache mieux taillée que celle du regretté Clark Gable. Il porte une sorte de pyjama très bouffant en soie bleue et un bonnet d’astrakan blanc rehaussé d’une aigrette.

Un sadique, spontanément, on l’imagine avec une frite de crevard délabré. En découvrant la finesse des traits de celui-ci, j’éprouve une stupeur mêlée de tristesse. D’autant qu’une découverte d’un autre ordre s’impose à moi : il est de toute évidence le frère de Vahi ! La ressemblance est frappante. Un frère peut-être jumeau, non ? Vous aviez entendu causer que le prince Anârchi avait une frangine, vous ? Moi pas. Inconnue au bataillon. Mais enfin bref, on ne peut pas regarder la télé et être au courant de tout, pas vrai ?

D’un bond de léopard j’ai sauté sur le rasoir sanglant (à manche d’or fin) traînant sur l’oreiller. Belle arme, en vérité, ancienne, sûrement, et dont la lame a tranché je suppose plus de chair que de poil. Ma rapidité est telle que le prince n’a pas eu le temps de prendre congé de Mme Bitalaviock. Je lui mets le rasoir sous la gorge.

— Un cri et tu es mort !

— Oh, darling, proteste la goulue. Quelle sotte idée d’intervenir inopportunément ! C’était si bon !

Que voulez-vous que je vous dise après ça !

Je finis par croire que je ne comprendrai jamais rien aux femmes !

XXI

Après ce passage qui, traité par tout autre que votre cher et délicat San-A., eût été scabreux, va suivre, vous l’allez voir, une période de surprises. Ces surprises dont j’ai le secret et qui sont tellement surprenantes que j’en suis surpris moi-même.

En un éclair (sur la lame du coupe-moule) j’ai pigé le parti que je pouvais tirer de la situation. Face à face avec le grand suprême traître, comme dans les films de cape et d’épée, quand le Pardaillan de service affronte le vilain séquestreur de jouvencelles à héritages au sommet du donjon, et qu’il l’en propulse après un sévère ferraillage au côté duquel celui de Joanovici avait l’air d’un Meccano double zéro. Le grand moment de bravoure est arrivé. On peut déballer les tirades d’esbroufe et d’estoc. « À nous deux, traître infâme ! », « Que le droit et la Justice triomphent ! » Ou bien encore, ce qui plaît par-dessus tout : « Tu vas payer tes crimes, misérable, l’heure du châtiment a sonné au clocher de Kélus ! »