Le style de Macbeth est remarquable, dans son énergie sauvage, par une recherche qu'on aura raison de lui reprocher, mais qu'à tort on regarderait comme contraire à la vérité autant qu'elle l'est au natureclass="underline" la recherche n'est point incompatible avec la grossièreté des mœurs et des idées; elle semble même assez ordinaire aux temps et aux situations où manquent les idées générales. L'esprit, qui ne peut demeurer oisif, s'attache alors aux plus petits rapports, s'y complaît et s'en fait une habitude que nous retrouvons dans toutes les situations analogues. Rien n'est plus alambiqué que l'esprit de la littérature du moyen âge. Ce que nous connaissons des discours des sauvages contient beaucoup d'idées recherchées; la recherche est le caractère des beaux esprits de la classe inférieure; les injures mêmes des gens du peuple sont composées quelquefois avec une recherche tout à fait singulière, comme si, dans ces moments où la colère exalte les facultés, leur esprit saisissait avec plus de facilité et d'abondance les rapports de ce genre, les seuls où il soit capable d'atteindre.
On croit que Macbeth fut représenté en 1606; l'idée de faire une tragédie sur ce sujet, nécessairement agréable au roi Jacques, qui venait de monter sur le trône d'Angleterre, fut probablement inspirée à Shakspeare par une pièce de vers en une petite scène, qu'en 1605, des étudiants d'Oxford récitèrent en latin devant le roi, et en anglais devant la reine qui l'avait accompagné dans la ville. Les étudiants étaient au nombre de trois et parlaient probablement tour à tour; leurs discours roulèrent sur la prédiction faite à Banquo; et par une allusion au triple salut qu'avait reçu Macbeth, ils saluèrent Jacques roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande. Ils le saluèrent même roi de France, ce qui détruisait assez gratuitement la vertu du nombre trois.
PERSONNAGES
DUNCAN, roi d'Écosse.
Fils du roi.
MALCOLM.
DONALBAIN.
Généraux de l'armée du roi.
MACBETH.
BANQUO.
Seigneurs écossais.
MACDUFF.
LENOX.
ROSSE.
MENTEITH.
ANGUS.
CAITHNESS.
FLEANCE, fils de Banquo.
SIWARD, comte de Northumberland, général de l'armée anglaise.
LE FILS DE SIWARD.
SEYTON, officier attaché à Macbeth.
LE FILS DE MACDUFF.
UN MÉDECIN ANGLAIS.
UN MÉDECIN ÉCOSSAIS.
LADY MACBETH.
LADY MACDUFF.
DAMES DE LA SUITE DE LADY MACBETH.
LORDS, GENTILSHOMMES, OFFICIERS, SOLDATS, MEURTRIERS, SUIVANTS ET MESSAGERS.
HECATE ET TROIS SORCIÈRES.
L'OMBRE DE BANQUO ET AUTRES APPARITIONS.
La scène est en Écosse, et surtout dans le château de Macbeth, excepté à la fin du quatrième acte, où elle se passe en Angleterre.
ACTE PREMIER
SCÈNE I
Un lieu découvert. – Tonnerre, éclairs.
Entrent LES TROIS SORCIÈRES.
PREMIÈRE SORCIÈRE. – Quand nous réunirons-nous maintenant toutes trois? Sera-ce par le tonnerre, les éclairs ou la pluie?
DEUXIÈME SORCIÈRE. – Quand le bacchanal aura cessé, quand la bataille sera gagnée et perdue.
TROISIÈME SORCIÈRE. – Ce sera avant le coucher du soleil.
PREMIÈRE SORCIÈRE. – En quel lieu?
DEUXIÈME SORCIÈRE. – Sur la bruyère.
TROISIÈME SORCIÈRE. – Pour y rencontrer Macbeth.
(Une voix les appelle.)
PREMIÈRE SORCIÈRE. – J'y vais, Grimalkin [3] !
LES TROIS SORCIÈRES, à la fois. – Paddock [4] appelle. – Tout à l'heure! – Horrible est le beau, beau est l'horrible. Volons à travers le brouillard et l'air impur.
(Elles disparaissent.)
SCÈNE II
Un camp près de Fores.
Entrent LE ROI DUNCAN, MALCOLM, DONALBAIN, LENOX, et leur suite. Ils vont à la rencontre d'un soldat blessé et sanglant.
DUNCAN. – Quel est cet homme tout couvert de sang? Il me semble, d'après son état, qu'il pourra nous dire où en est actuellement la révolte.
MALCOLM. – C'est le sergent qui a combattu en brave et intrépide soldat pour me sauver de la captivité. – Salut, mon brave ami; apprends au roi ce que tu sais de la mêlée: en quel état l'as-tu laissée?
LE SERGENT. – Elle demeurait incertaine, comme deux nageurs épuisés qui s'accrochent l'un à l'autre et paralysent tous leurs efforts. L'impitoyable Macdowald (bien fait pour être un rebelle, car tout l'essaim [5] des vices de la nature s'est abattu sur lui pour l'amener là) avait reçu des îles de l'ouest un renfort de Kernes [6] et de Gallow-Glasses; et la Fortune, souriant à sa cause maudite, semblait se faire la prostituée d'un rebelle. Mais tout cela n'a pas suffi. Le brave Macbeth (il a bien mérité ce nom) dédaignant la Fortune, comme le favori de la Valeur, avec son épée qu'il brandissait toute fumante d'une sanglante exécution, s'est ouvert un passage, jusqu'à ce qu'il se soit trouvé en face du traître, à qui il n'a pas donné de poignée de mains ni dit adieu, qu'il ne l'eût décousu du nombril à la mâchoire, et qu'il n'eût placé sa tête sur nos remparts.
DUNCAN. – Ô mon brave cousin! digne gentilhomme!
LE SERGENT. – De même que le point où le soleil commence à luire est celui d'où viennent éclater les tempêtes qui brisent nos vaisseaux, et les effroyables tonnerres, ainsi de la source d'où semblait devoir arriver le secours ont surgi de nouvelles détresses. – Écoute, roi d'Écosse, écoute. – À peine la justice, armée de la valeur, avait-elle forcé ces Kernes voltigeurs à se fier à leurs jambes, que le chef des Norwégiens, saisissant son avantage avec des bataillons tout frais et des armes bien fourbies, a commencé une seconde attaque.
DUNCAN. – Cela n'a-t-il pas effrayé nos généraux Macbeth et Banquo?
LE SERGENT. – Oui, comme les passereaux l'aigle, ou le lièvre le lion. Pour dire vrai, je ne les puis comparer qu'à deux canons chargés jusqu'à la gueule de doubles charges, tant ils redoublaient leurs coups redoublés sur les ennemis. À moins qu'ils n'eussent résolu de se baigner dans la fumée des blessures, ou de laisser à la mémoire le souvenir d'un autre Golgotha, je n'en sais rien. – Mais je me sens faible; mes plaies crient au secours.