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Le voyage des pèlerins les conduit vers Lud, une friche urbaine où les survivants dégénérés de deux anciens clans, les Ados et les Gris, entretiennent les vestiges de leur vieil antagonisme. Avant d’atteindre Lud, nos pèlerins font halte dans une petite ville du nom de River Crossing où une poignée d’anciens habitants résident encore. Ils reconnaissent Roland comme un survivant des temps reculés, avant que le monde n’ait changé et lui font fête ainsi qu’à ses compagnons. Un peu plus tard, les vieillards leur parlent d’un monorail qui, partant de Lud et longeant le Sentier du Rayon, s’enfonce dans les Terres Perdues en direction de la Tour Sombre.

Jake est horrifié par cette nouvelle, sans en être autrement surpris ; avant d’être tiré de New York, il s’était procuré deux livres dans une librairie dont le propriétaire portait le nom — hautement significatif — de Calvin Tower. Le premier est un ouvrage de devinettes aux pages-réponses arrachées. Quant à l’autre, Charlie le Tchou-tchou, c’est un livre pour enfants dont le héros est un petit train. Un conte amusant, pourrait-on dire… sauf pour Jake, qui ne le trouve pas amusant du tout. Mais terrifiant. Roland sait autre chose : dans le Haut Parler de son monde, le mot CHAR signifie mort.

Tantine Talitha, la matriarche des habitants de River Crossing, fait cadeau à Roland d’une croix d’argent dont il ne devra se séparer qu’au pied de la Tour et les voyageurs reprennent leur course. Avant d’arriver à Lud, ils tombent sur la carcasse d’un avion abattu, issu de notre monde — un chasseur allemand des années 1930. Ils découvrent, coincé dans le cockpit, le corps momifié d’un géant, presque à coup sûr celui du hors-la-loi mythique, David Quick.

Lors de la traversée du pont branlant qui enjambe le fleuve Send, Jake et Ote sont tout près de périr accidentellement. Cet épisode fait brièvement relâcher leur attention à Roland, à Eddie et à Susannah, et la petite bande tombe dans l’embuscade tendue par un bandit mourant, mais non moins dangereux, du nom de Gasher. Il enlève Jake, qu’il emmène sous terre chez l’Homme Tic-Tac, dernier leader des Gris. Le vrai nom de Tic-Tac est Andrew Quick ; c’est l’arrière-petit-fils du pilote mort en essayant de faire atterrir un avion d’un autre monde dans celui-ci.

Tandis que Roland (aidé d’Ote) part à la recherche de Jake, Eddie et Susannah découvrent le Berceau de Lud, où Blaine le Mono se réveille. Blaine, dernier maillon en surface du vaste réseau informatique situé sous la ville de Lud, n’a plus d’autre intérêt dans la vie que les devinettes. Le monorail promet d’emmener les voyageurs à son terminus, s’ils peuvent résoudre celles qu’il leur pose. Dans le cas contraire, leur dit Blaine, le seul voyage qu’ils feront les emmènera là où le chemin s’achève dans la clairière — à leur mort, en d’autres termes. Dans ce dernier cas, ils ne manqueront pas de compagnie, car Blaine prévoit de lâcher des stocks de gaz paralysant qui anéantiront tous ceux qui restent encore dans Lud : Ados, Gris et pistoleros seront tous logés à la même enseigne.

Roland délivre Jake, laissant l’Homme Tic-Tac sur le carreau… mais Andrew Quick n’est pas mort. À moitié aveugle, affreusement défiguré, il est recueilli par un certain Richard Fannin, du moins se présente-t-il ainsi. Fannin, en effet, n’est autre que l’Étranger Sans Âge, un démon contre lequel Walter avait mis Roland en garde.

Roland et Jake retrouvent Eddie et Susannah dans le Berceau de Lud. Susannah — avec l’aide de « cette garce » de Detta Walker — parvient à résoudre la première devinette de Blaine. Ils accèdent ainsi au monorail, passant outre les avertissements horrifiés de « l’inconscient » sain — et fatalement faible — de Blaine (Eddie surnomme cette voix Petit Blaine), mais pour mieux découvrir que ce dernier entend se suicider avec eux à son bord. Le fait qu’ils mettent de plus en plus de distance entre eux et les ordinateurs — l’esprit régissant véritablement le monorail depuis le sous-sol d’une ville devenue un vrai coupe-gorge — ne fera aucune différence quand la « balle rose » déraillera quelque part sur la ligne à plus de 1 280 kilomètres à l’heure.

Il ne leur reste qu’une seule chance de survie : la passion de Blaine pour les devinettes. Roland de Gilead propose alors un marché de la dernière chance. C’est sur ce marché que se clôt Terres Perdues. C’est sur ce même marché que s’ouvre Magie et Cristal.

ROMÉO : Madame, par la bienheureuse lune là-haut Qui argente la cime de ces arbres fruitiers, je fais vœu… JULIETTE : Oh, ne jure donc pas par la lune, l’inconstante lune, Qui tous les mois change de son orbe la forme, De crainte que ton amour aussi changeant ne se montre. ROMÉO : Par quoi dois-je jurer ? JULIETTE : Ne jure pas du tout. Ou, si tu y tiens, jure par ta gracieuse personne, Qui est le seul dieu, objet de mon idolâtrie, Et je te croirai.
William SHAKESPEARE, Roméo et Juliette

Le quatrième jour, à la grande joie de Dorothy, Oz la convoqua. Quand elle pénétra dans la Salle du Trône, il l’accueillit fort aimablement.

— Asseyez-vous donc, ma chère. Je crois que j’ai trouvé un moyen de vous faire quitter le pays.

— Et de retourner au Kansas ? demanda-t-elle avec empressement.

— À vrai dire, je ne peux jurer de rien quant au Kansas, dit Oz, car je n’ai pas la moindre idée d’où il se trouve…

L. Frank BAUM, Le Magicien d’Oz
Je voulus boire un coup de joyeux souvenirs, Avant que d’espérer jouer dignement mon rôle. Penser d’abord, se battre après — l’art du soldat est là : Rien que le goût du temps passé vous rend l’aplomb !
Robert BROWNING, « Le Chevalier Roland s’en vint à la Tour Noire »
(trad. de Louis Cazamian, in Hommes et Femmes, Ed. Aubier Montaigne)

PROLOGUE

BLAINE

— POSEZ-MOI UNE DEVINETTE, les convia Blaine.

— Je t’emmerde, dit Roland entre ses dents.

— QU’EST-CE QUE TU DIS ?

La voix de Grand Blaine, dont l’incrédulité était manifeste, était devenue très proche de celle de son jumeau insoupçonné.

— J’ai dit je t’emmerde, répéta calmement Roland. Mais si ça te perturbe, Blaine, je peux être plus clair. Non. La réponse est non.

Blaine resta silencieux un très long moment et, quand il répliqua enfin, ce ne fut pas par le biais des mots. Les murs, le sol et le plafond recommencèrent à perdre de leur consistance et de leur couleur. En l’espace de dix secondes, le Compartiment de la Baronnie cessa encore une fois d’exister. Ils filaient à présent à travers la chaîne de montagnes qu’ils avaient aperçue à l’horizon : des pics gris fer se précipitaient à leur rencontre à une vitesse suicidaire puis s’évaporaient pour dévoiler des vallées stériles où rampaient de gigantesques scarabées, telles des tortues prisonnières des terres. À l’orifice d’une caverne, Roland aperçut une espèce d’énorme serpent se dérouler soudain et s’emparer de l’un de ces scarabées pour mieux l’emporter dans son antre. Roland n’avait encore jamais vu d’animaux pareils ni de contrée semblable et ce spectacle lui donna la chair de poule. Il était possible que Blaine les eût transportés dans un autre monde.