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— Je t'écoute, Hénot.

— Au fait, t'es devenu commissaire… Félicitations! M'avoir serré, ça t'a permis de prendre du galon, on dirait. Tu aurais pu me remercier quand même! En m'envoyant des oranges, ou…

— Qu'est-ce que tu veux? coupe Dumonthier.

— Tellement de choses! soupire Maxime. L'interdiction des OGM, l'abolition de la vivisection, une monnaie frappée à mon effigie… Ah, j'oubliais: j'aimerais aussi qu'on ressuscite mes victimes… pour avoir le plaisir de les tuer une seconde fois!

Il éclate de rire, le commissaire ferme les yeux. Une coulée de glace soude sa colonne, de la nuque jusqu'aux reins.

— Tu veux savoir où je suis, Yann? reprend le tueur.

— Je le sais, Maxime.

— Vraiment? Tu es moins ramolli que je le pensais, alors… Parfait, ça m'évitera de perdre mon temps en explications compliquées!

Brusquement, sa voix change, devenant froide et coupante:

— Dans ce cas, amène-toi et vite. Je m'ennuie, je deviens barge. Et tu sais de quoi je suis capable quand je pète un plomb, hein Yann? Au fait: à deux cents mètres du gîte, derrière un bosquet, tu trouveras un cadeau de bienvenue, dans une Clio.

Les mâchoires de Dumonthier se crispent. L'empreinte sanglante d'un tueur…

— Quel cadeau?

— Surprise!.. A tout à l'heure, Yann. Et sois prudent sur la route.

2 h 32

Dans la grande salle à manger, silence total. Maxime pose le portable de Sonia sur la table où il s'est assis. Depuis son piédestal, il couve du regard ses brebis rassemblées pour la veillée. Joli troupeau en route pour l'abattoir.

Les seize enfants, Sonia, Luc, Martin et Martine. Sans oublier les deux propriétaires. Vingt-deux otages de premier choix à sa disposition. Vingt-deux jouets à manipuler comme bon lui semble.

La fatigue, la stupeur mais surtout l'horreur, se lisent sur chaque visage adulte. Les enfants, eux, n'ont pas vraiment conscience de ce qui arrive. Ils croient à un jeu nocturne, sorte de chasse au dahu improvisée. Encore à moitié endormis, ils sont pour le moment très calmes.

— Qui êtes-vous? murmure soudain Sonia.

Maxime s'approche de l'éducatrice, bergère assise au milieu de ses agneaux.

— T'as pas deviné, chérie?

— C'est Maxime Hénot, révèle Luc avec hargne.

— Gagné, gros malin!

Il est tout près de Sonia, maintenant. S'accroupit face à elle:

— Tu sais, le fou qui s'est échappé de l'asile! précise-t-il avec un sourire démoniaque.

— Seigneur! gémit Martine en étouffant Cédric dans ses bras.

— Toi, ta gueule! hurle Maxime.

Tout le monde sursaute, une gamine pousse un cri strident.

— La police va arriver, vous avez le privilège d'être mes otages. Mon assurance-vie!

— Laissez au moins partir les enfants! conjure Sonia.

Maxime effleure sa joue avec le canon du Beretta.

— Tu me tutoyais, jusqu'à présent. Tu m'as même roulé une pelle! Si je t'avais laissée faire, jusqu'où serais-tu allée? Alors que hier, tu te faisais peloter par l'autre con… Tu n'as pas honte? Mais ça, tu me le paieras, je te le promets.

— Fais ce que tu veux avec moi! rétorque bravement Sonia. Mais libère les enfants!

— Tu es une mauvaise mère, chérie! Tu ne voudrais tout de même pas que je jette ces pauvres bambins dehors, au milieu de la nuit? Décidément, tu n'as pas de cœur…

— Laisse-la, espèce de fumier! rugit Garnier en se mettant debout. Ne la touche pas!

Tout en fixant la jeune femme droit dans les yeux, Maxime dirige l'arme vers Luc, avec une lenteur calculée.

— Tu crois que je peux le rater à cette distance, Sonia chérie? murmure-t-il d'une voix étrangement douce.

— Non! implore-t-elle.

Sans une once d'hésitation, il presse la détente. Le bruit rebondit sur les murs, les gosses hurlent, Martine s'évanouit. Luc tombe à genoux puis s'affaisse sur le parquet. Sonia porte une main devant sa bouche pour s'empêcher de crier à son tour. Maxime n'a pas cillé une seule seconde. Avec délice, il goûte l'horreur qui crève ses yeux.

— T'avais raison, dit-il finalement. A cette distance, je ne pouvais pas le rater.

2 h 45

Vu l'heure, Yann s'attend à la réveiller. Pourtant, Natacha décroche dès la troisième sonnerie.

— Bonsoir, chérie. Tu dormais?

— Non… Je travaillais.

— Je voulais juste te prévenir que je ne rentrerai pas cette nuit.

— Je m'en doutais.

— Et puis… Je voulais te dire que je t'aime.

Un court silence suit cette déclaration, inhabituelle.

— Je vais partir en intervention. On a logé Maxime Hénot, dans le Vercors.

Encore un blanc, chargé des mille couleurs silencieuses de l'amour.

— Bonne chance pour l'émission, ajoute-t-il. Tu vas être parfaite, j'en suis sûr!

Il voudrait se montrer enjoué, mais sa voix le trahit. Il est sur le point de chialer.

— Merci, murmure son épouse.

— Je te rappelle plus tard.

— Attends! s'écrie Natacha. Yann…? Moi aussi, je t'aime… Alors fais attention à toi.

— C'est juré. Je t'embrasse. Fort.

2 h 51

Maxime contemple Luc froidement. Il n'est pas mort, pas encore. Allongé sur le côté, il lutte désespérément. Sonia veut le rejoindre, le tueur la stoppe d'un simple mouvement du bras.

— Bouge pas. Ça vaut mieux pour toi.

Elle retombe par terre, se met à sangloter de concert avec les enfants. Cette fois, ils ont compris, il ne s'agit pas d'un jeu. Le pistolet est vrai, le sang aussi. La mort est là.

— Il voulait prouver qu'il avait des couilles, sans doute. Voulait qu'on s'explique d'homme à homme! Quelle connerie!

Maxime ricane, Luc s'étouffe. Il entend son assassin parler de lui à l'imparfait, déjà.

— C'est ça que tu voulais, hein gros malin! Sauf que moi, je ne suis pas un homme. Je suis un dieu. Pas un de ceux qui vous promettent la vie éternelle si vous êtes bien sages… Non. Moi je vous promets la mort, que vous soyez sages ou non! La mort, la vraie, la définitive. La seule.

3 h 30

Luc ne pourra plus jamais me la prendre. D'ailleurs, elle ne le regarde plus. Regarder un cadavre, c'est dur. Elle est encore plus belle quand elle pleure. Surtout avec Matthis dans ses bras. Son visage porte si bien douleur et angoisse…

Abattre ce mec aurait dû me soulager. Avant, tuer ça me soulageait. Mais cette nuit, ça ne marche pas. J'ai même de plus en plus mal. Cette douleur que plus rien ne semble pouvoir apaiser, cette haine qui bouillonne en moi comme de la lave en fusion…

Toi, Luc Garnier, tu n'as plus mal. Enfin, j'espère. J'espère que quand on est mort, on ne souffre plus; sinon ça voudrait dire que l'enfer existe vraiment.

Qui pourra me livrer la clef de cette énigme?

La douceur de ses lèvres sur les miennes… Pourquoi m'as-tu embrassé? Pourquoi, Sonia? Tu voulais me blesser, bien sûr. Me blesser, encore et encore…

3 h 40

Sonia a cessé de pleurer, elle doit penser aux enfants avant tout. Un homme vient d'agoniser puis de mourir sous leurs yeux. Ils sont traumatisés à vie, elle le sait. Encore faut-il qu'ils restent en vie… Elle tente de les apaiser, d'éviter cris ou mouvements brusques. Ne pas énerver Maxime, cette ordure capable du pire. Une caresse sur la joue, un Kleenex pour éponger les larmes, quelques mots chuchotés… Mais un peu plus loin, Cédric s'agite. Sa mère peine à le calmer. Soudain, il lui échappe, s'enfuit vers la porte. Maxime lui barre le chemin.