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— A ta place!

Cédric le toise de travers, recule lentement. Martine se précipite et le prend dans ses bras.

— Monsieur, vous avez sauvé la vie à mon fils, alors je pense que vous devriez…

Maxime vient se coller contre elle:

— Si tu continues à me les briser, je vais m'en occuper, de ton marmot… Je vais lui faire tellement mal que tu regretteras que je ne l'aie pas laissé se noyer! Compris, maman?

Les yeux de Martine s'arrondissent démesurément. Tenant à peine sur ses jambes, elle se hâte de ramener Cédric au sein du troupeau.

Magali, elle, ne bouge pas. De grosses larmes coulent en silence sur ses joues. Elle enlève ses lunettes, les pose sur ses genoux. Le peu qu'elle voit est intolérable.

Gilles, il doit avoir beaucoup mal…

3 h 50

Ces remous, ces lames de fond qui emportent ma raison dans un océan en furie. Voilà ce qu'est ma tête: un chaos noirâtre de douleur et de démence où je me noie. Un entrelacs d'images atroces, de bruits intolérables. Un manque absolu, une soif jamais comblée, une faim jamais calmée. Un monstre, voilà ce que je suis. Tout ce que je peux être.

Voilà ce qu'elle ne peut aimer. Ce que personne ne peut aimer.

Alors, détestez-moi.

Yann, dépêche-toi, par pitié. Avant que je les massacre tous.

4 h 10

— Nous attendons vos instructions, commissaire.

— Merci, capitaine, répond Dumonthier.

Le patron du GIGN est formeclass="underline" un assaut comporte trop de risques. Essayer de faire sortir un maximum d'otages, avant de tenter quoi que ce soit. Yann adresse une prière aux étoiles, puis compose le numéro.

4 h 12

Certains gamins se sont rendormis. Sonia veille sur eux, les rassurant de quelques mots, d'un sourire tendre, de jolis mensonges.

Comme s'ils ne sentaient pas ta terreur! On ressent tout, dès qu'on est sur cette terre. De plein fouet. On ingère tant de souffrance; la sienne, celle des autres. Celle qu'on reçoit, celle qu'on inflige. Voilà ce que sont ces mômes, ce que nous sommes tous: des réceptacles à douleur. Souffrir et faire souffrir, il n'existe rien d'autre.

Le portable de Sonia vibre, Maxime décroche.

— Salut, Yann. T'en as mis un temps… T'as trouvé mon petit cadeau?

— Oui, Maxime. C'est bien que tu n'aies pas tué ce gendarme.

— Il avait une bonne tête… Ou je me ramollis avec l'âge, je sais pas.

— Le gîte est cerné, tu n'as aucune chance. J'ai plusieurs dizaines d'hommes sur place.

Maxime soupire. Il s'assoit sur sa table, devenue son trône, et sourit.

— Sans blague? Régiment de Rambo, avec cagoules et fusils d'assaut! C'est ça, Yann?

— C'est ça. Alors, je pense que…

— Tu penses trop! En l'occurrence, c'est moi qui dispose des meilleures armes: vingt-deux otages dont seize gamins handicapés. Imagine, Yann… Imagine ces enfants morts par ta faute.

— Personne ne va mourir, rectifie le commissaire. Pourquoi ne pas essayer d'éviter un bain de sang? Tu peux encore te rendre, tu auras la vie sauve.

— Yann, épargne-moi tes salades, d'accord? Allons à l'essentiel.

— Qu'est-ce que tu veux?

— Toi.

Dumonthier s'y attendait. Il s'y était même préparé. Pourtant, il accuse le coup, s'appuie discrètement à une voiture.

— Je t'échange contre une partie des gamins, poursuit Hénot. Marché honnête, non?

Yann hésite puis s'entend prononcer une phrase terrible:

— Moi, contre la totalité des otages.

— Tu rigoles! Tu me rejoins, je libère dix mouflets.

— Hors de question. Je te rejoins si tu libères tout le monde.

Maxime ne répond pas tout de suite.

— Alors? relance Dumonthier.

— Alors? Écoute ça…

Un coup de feu, des hurlements; Yann sursaute, manque de lâcher le téléphone.

— Voilà, ils ne sont plus que vingt, annonce froidement Maxime. Je continue ou…?

Dumonthier avale sa salive:

— Vingt?

— Ah oui, j'ai oublié de te dire que j'ai perdu patience à force de t'attendre… J'en ai descendu un, il y a une heure. Là, je viens d'en buter un deuxième.

Le commissaire s'adosse à la Laguna.

— Reste calme, je t'en prie.

— Je suis parfaitement calme. Je te laisse décider: tant que tu ne te livreras pas, j'abattrai un otage toutes les quinze minutes. A ce rythme, on devrait nettoyer le terrain assez vite, non?

— OK, je viens. Mais à condition que tu relâches tous les enfants.

— Dix gamins, Yann. C'est ma dernière offre.

4 h 25

— N'y va pas, implore Fischer.

— Tu vois une autre solution? réplique Dumonthier. L'assaut est trop dangereux, ce malade le sait… Vu la configuration des lieux, on risque un carnage. On a étudié la situation sous tous les angles, rien d'autre à faire sauf lui donner ce qu'il veut. Et ce qu'il veut, c'est moi. Ma vie contre celle de dix gamins.

Dumonthier lui confie son arme en essayant de contrôler ses tremblements. Il a peur, comme jamais auparavant. Un gars du GIGN lui remet une montre et un briquet équipés d'un micro. Il est temps de se jeter dans la gueule du loup. Dumonthier tend la main à son adjoint qui le serre finalement dans ses bras.

— Putain, Yann… Putain…

— Je te charge d'appeler Natacha, si…

— Je le ferai, assure Fischer.

4 h 35

Dix enfants sont dehors, Yann dedans. Face à Hénot.

La porte vient de se refermer, les deux hommes se dévisagent. Sans haine.

— Avance, ordonne Maxime. Sur ta droite.

Dumonthier gagne le réfectoire, le tueur sur ses talons. Là, il découvre les otages assis par terre, au fond de la pièce. Non loin d'eux, un corps sans vie baigne dans une large flaque de sang. Un enfant a marché dedans. L'empreinte sanglante d'un pied nu…

— Où est la seconde victime?

— Pas de seconde victime, répond Hénot en désignant un impact dans le mur. Vide tes poches et déshabille-toi.

Le commissaire dépose le contenu de ses poches sur une table ainsi qu'un sac renfermant les paires de menottes exigées par Hénot. Puis il commence à ôter ses vêtements. Il s'arrête au caleçon, ce qui fait sourire Maxime.

— Vire tout. Va savoir ce que tu caches dans ton calcif!

— Seulement mes bijoux de famille.

— Ça reste à prouver.

Dumonthier se plie aux ordres.

— Comme je t'aime bien, je t'épargne la fouille au corps, conclut Hénot. Et puis il y a des yeux innocents qui nous observent…! Remets ton caleçon.

— Merci.

Yann se laisse menotter à un radiateur sans broncher.

— Vous êtes blessée? demande-t-il à Sonia.

Elle ne répond pas, serre juste Matthis un peu plus fort.

— Tu aimerais bien savoir si je l'ai violée, hein Yann? ricane Maxime.

Il se penche vers le commissaire avec un odieux sourire.