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— Elle est divinement bonne, chuchote-t-il.

Il éclate de rire, Dumonthier se mord les lèvres pour ne pas l'insulter. Il considère Sonia avec compassion; une dignité et un courage impressionnants. Il espère au moins que les gamins n'ont pas été témoins du crime. Déjà qu'ils ont vu un homme se faire descendre…

— Rassure-toi, grand flic! ajoute Maxime. Pour l'instant, je n'ai fait que la goûter. Du bout des lèvres et… du bout des doigts! Je me suis mis en appétit… Tu comprends, je suis un peu rouillé, depuis le temps!

Cette fois, Sonia ne peut contenir de nouvelles larmes, qu'elle essuie du revers de la main.

— C'est Fischer, mon adjoint, qui négociera désormais avec toi, reprend Yann en essayant de garder une voix neutre.

Maxime jette le portable et l'écrase à coups de talon, avant d'arracher le fil du téléphone.

— Tu disais, Yann…?

Il se dirige ensuite vers le prof de maths.

— Debout, Einstein!

Martin se lève, en proie à une terreur soudaine.

— J'ai une mission à te confier, explique Maxime en lui arrachant Jessica des bras.

La fillette hurle, se débat. Maxime la ceinture et presse l'arme sur son crâne.

— Si ta veux la revoir vivante, je te conseille d'obéir.

4 h 55

Dans la salle à manger, plus que quatre prisonniers: Sonia, Matthis, Magali et Yann. Martin, conformément aux ordres, a menotté les autres ensemble devant chaque issue, de façon à ce qu'ils forment un rempart de chair humaine. Avant de se retrouver à son tour ligoté.

Maxime confisque la montre de Yann, l'approche de sa bouche:

— J'ai placé un otage derrière chaque porte et chaque fenêtre, ainsi qu'en bas de l'escalier, messieurs. Je vous conseille donc la plus extrême prudence.

Il remplit ensuite un broc d'eau à l'évier où il immerge la montre et le briquet. Puis il revient auprès de ses otages. Sonia étreint Matthis et Magali, vision qui le touche plein cœur. Assis sur sa table, il les contemple longuement, perdant la notion du temps.

Dans sa tête, des bulles de couleurs, des rêves qui parlent et qui marchent. Aussi réels que des souvenirs. Il se remémore des moments partagés. Lui, au volant d'une voiture, Sonia à ses côtés, les enfants sagement assis derrière; il se voit, jouant avec eux, sous le regard protecteur de la jeune femme. Il s'est fondé une famille, sourit béatement.

Dumonthier l'observe avec angoisse; il le sait parti dans un délire hallucinatoire. Le tueur n'est plus là, il est ailleurs, dans un trip qui n'appartient qu'à lui. Vu son sourire, ce n'est pas un cauchemar. Alors, ne surtout pas le réveiller…

Cela s'éternise, sans même que Maxime s'en rende compte. Il se sent bien, léger comme une plume. Jusqu'à ce qu'il trébuche par mégarde sur le corps de Luc, puis sur le flic en caleçon qui le dévisage. Tout s'écroule, dans un éclat de verre brisé qui lui déchire les tympans.

Sonia… qui a couché avec ce type, souillant leur belle histoire d'amour. Une fois encore.

Dumonthier… Les flics autour du gîte, armés jusqu'aux dents.

Il soupire, s'allume une cigarette et s'approche du commissaire.

— Tu as peur, Yann?

— Oui.

— C'est courageux de l'avouer. Et d'être venu me rejoindre. Mais je savais que tu étais un mec courageux.

— Ils ne vont pas tarder à agir. Si tu ne négocies pas, ils donneront l'assaut.

— Qu'ils viennent!

— Tu n'as aucune chance de sortir vivant d'ici.

— Dans ce cas, on va mourir ensemble, Yann! s'amuse Hénot. Moi, je n'ai que la vie à perdre, c'est si peu de chose… Par contre, toi tu as une vie. Un passé, un présent, un avenir… Alors ne me fais pas l'offense de ces menaces. Si je me rends, ils me renvoient à l'asile. Bien pire que la mort! J'ai essayé, tu sais. Essayé de les laisser me soigner. Me disant qu'ils pourraient peut-être me guérir, que je retrouverais la liberté un jour…

— Tu peux l'espérer!

— Non. Pas avec la peine de mort.

— Elle a été abolie! intervient Sonia.

Maxime est surpris d'entendre sa voix.

— Elle a été restaurée il y a peu, chérie. Le 26 février dernier, pour être exact. Ils appellent ça la loi sur… sur… Yann, aide-moi, s'il te plaît!

— La loi sur la rétention de sûreté, indique Dumonthier.

— C'est ça! Merci… Elle permet de garder les assassins enfermés, après qu'ils ont purgé leur peine. Par prévention, il paraît! Jusqu'à la fin de leur vie. Plus aucune chance de revoir la liberté! Même si tu te tiens à carreau, si tu suis leurs traitements, même si tu as changé… Enfermé jusqu'à ce que t'en crèves! Une mort à petit feu. C'est quoi, sinon la peine capitale?

— Je ne savais pas, avoue Sonia.

— Tu ignorais qu'on peut embastiller ceux qui ont payé leur dette? s'enflamme Maxime. C'est ça, le problème: personne ne sait, personne ne se révolte… Mais qui en a quelque chose à foutre des assassins? Ils n'ont que ce qu'ils méritent!

— Et Luc? envoie Sonia. Tu lui as laissé la moindre chance, peut-être? Et tous ceux que tu as tués! C'était quoi, sinon la peine capitale?

Les lèvres de Maxime se pincent, une ride se creuse au milieu de son front. Mauvais signe. Yann tente une diversion:

— De toute façon, cette loi n'est pas rétroactive, souligne-t-il.

— Ouais, mais ils parviendront à leurs fins plus vite que tu ne le crois… Bafouer la Déclaration des droits de l'homme, modifier la Constitution, tu crois que ça va les arrêter? Non, Yann, j'y aurai droit. C'est pour ça que je me suis tiré. Et je ne vais pas être le dernier! Si tu enlèves tout espoir à un homme, que veux-tu qu'il fasse? Tenter le tout pour le tout, ou…

Il feint de se trancher la gorge en guise de conclusion, fait quelques pas, s'arrête près de Luc.

— Pas envie de crever comme un animal!

— Reste calme, prie Yann. Je n'ai jamais été d'accord avec cette loi. Mais avec ce que tu es en train de commettre, tu apportes de l'eau à leur moulin!

Maxime hausse les épaules.

— Peut-être. Mais c'est trop tard, maintenant. Quoi que je fasse…

— Pourquoi as-tu tué cet homme? demande brusquement le commissaire.

— Il voulait me la prendre, explique Maxime avec un méchant sourire. Il croyait que j'allais le laisser faire! Pauvre fou…

Il tourne la tête vers Sonia.

— Remarque, elle ne vaut pas grand-chose…

La tension artérielle du commissaire monte encore d'un cran: la voix du tueur dérape doucement, ainsi que son regard. Il est en train de basculer.

— Cette salope est prête à coucher avec tous les mecs qui passent!

Soudain, il baisse les yeux, dessine une flèche imaginaire sur le sol à l'aide de son index.

— Pourtant… moi, je l'aimais, murmure-t-il.

Le commissaire reste médusé. Aimer. Un verbe jamais entendu dans la bouche de Hénot. Absent, croyait-il, de son vocabulaire.

— Si tu l'aimes, tu dois la laisser partir… Elle risque de mourir pendant l'assaut.

— J'ai dit que je l’aimais, rectifie Maxime en relevant la tête. Tu ne maîtrises pas ta conjugaison ou quoi?!

Il se marre et prend une clope. L'avant-dernière du paquet.

— J'ai vu son petit jeu, tu sais… Elle m'a allumé, a fait en sorte de me rendre dingue et ensuite… Ensuite, elle a baisé avec l'autre enfoiré!

— C'est faux! s'indigne enfin Sonia. On n'a jamais couché ensemble, Luc et moi!

Mais Maxime ne l'entend pas. Trop de bruit et de certitudes dans sa tête.