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— Elle croyait sans doute pouvoir s'amuser avec moi impunément… Mais c'est fini, ça! On ne joue plus avec moi! Tu peux lui dire, toi! Explique-lui comment elle va payer!

— Je ne me suis pas amusée avec toi! gémit la jeune femme. Mon Dieu, c'est pas vrai…

— Elle souhaitait te rendre jaloux, essaie Dumonthier. Pour tester la force de ton amour.

Le sourire de Maxime s'éteint, ses yeux s'attisent de haine.

— Tu te fous de ma gueule, c'est ça? Tu me prends pour un con? Je croyais que tu me respectais, Yann…

Le commissaire vient de commettre un faux pas, la sanction est immédiate: la crosse du Beretta s'abat sur sa mâchoire, il s'effondre sur le côté. Il se redresse lentement, un peu sonné.

— Je vais te confier un secret, Dumonthier: six ans que je rêve de cet instant. Celui où je t'aurai à ma merci. Où je lirai la peur dans tes yeux… Pendant des années, tu as étudié mon modus operandi, alors tu sais ce qui va se passer, maintenant! Et quand j'en aurai fini avec elle, je m'arrangerai pour m'occuper de ta femme… J'ai lu ses bouquins en taule, quelle imagination! Sûr qu'on ne doit pas s'ennuyer avec elle… N'est-ce pas, Yann?

Le commissaire tente de l'atteindre avec sa main libre, le tueur esquive.

— Tu perds ton légendaire sang-froid, commissaire! T'as peur qu'elle tombe amoureuse de moi et oublie son héros?

— Tu ne la toucheras jamais, espèce de dingue! rugit Dumonthier.

— C'est ce qu'on verra… Mais chaque chose en son temps!

Il passe le flingue dans la ceinture de son jean et saisit Sonia par les cheveux. Matthis hurle, Magali s'accroche à son éducatrice, finit par la lâcher. Maxime traîne la jeune femme vers le sofa près de la bibliothèque, elle se débat farouchement. Mais il est doté d'une force incroyable; machine en acier trempé, qu'aucun coup ne peut arrêter ni même ralentir. Dumonthier essaie de se libérer, en vain. Il ressent alors ce qu'ont dû ressentir toutes les victimes avant lui: il ne peut rien pour cette fille. Juste assister à la scène, souffrir avec elle. Des larmes d'impuissance montent jusqu'à ses yeux terrifiés. Hénot en pleine crise, plus rien ne le stoppera. Son visage et sa voix sont désormais méconnaissables.

— Cesse de résister, chérie!

Sonia lui mord sauvagement la main, se prend un coup de poing en plein visage. Elle s'écroule et Dumonthier ferme les yeux, préférant ne pas voir la suite.

Alors, au milieu des cris de Sonia, retentit une voix fluette mais déterminée:

— Arrête!

Maxime tourne la tête: Magali, juste derrière lui. En larmes, ses lèvres tremblent, pourtant, elle répète avec force:

— Arrête!

— Ne t'approche pas de lui! hurle Dumonthier.

Le tueur ne fait plus un seul geste.

— Si tu lui fais mal, je t'aimerai plus! menace Magali.

Maxime lâche Sonia qui tombe sur le parquet, à demi inconsciente.

— Ne reste pas près de lui! ordonne à nouveau le commissaire.

Sans l'écouter, la fillette fait face. Droite comme un piquet, dans son pyjama à fleurs. Maxime s'abaisse à sa hauteur, pose ses mains sur ses épaules.

— Ne pleure pas, ma puce, implore-t-il d'une voix douce.

Yann en reste stupéfait. Ce dangereux psychotique apprivoisé par une gamine de six ans? Non, impossible, c'est un jeu… Putain, il va la tuer!

— Pourquoi tu es méchant? sanglote Magali. Tu as mal, c'est ça?

Hénot chasse ses larmes d'un geste délicat mais maladroit.

— Pardonne-moi, je ne voulais pas te faire pleurer. Sonia est juste endormie, tu sais. Elle n'est pas morte.

Magali pointe du doigt le corps de Luc.

— Lui, il est mort… À cause de toi!

Maxime baisse les yeux.

— Tu sais, moi je t'aime, ajoute la gamine.

— Je sais, murmure Maxime. Moi aussi, je t'aime beaucoup, ma chérie. Maintenant, tu vas prendre Matthis avec toi et l'emmener dans le couloir, là-bas. D'accord?

— Non! Si je suis pas là, tu vas lui faire mal!

— Je te promets de ne plus la toucher. Mais Matthis a besoin de toi.

— D'accord… Quand est-ce qu'on pourra partir? Maman et papa vont s'inquiéter…

— Bientôt, assure Maxime. Allez, va maintenant. Fais ce que je t'ai demandé.

Elle obéit enfin et escorte le garçon dans l'entrée. Maxime ferme la porte derrière eux. L'instant d'après, il s'effondre près de Sonia. Dans les vapes ou qui fait la morte. Il reste de longues minutes sur le sofa, le front entre les mains. Silencieux, immobile, sous le regard de Yann, sidéré par ce qui vient de se produire. Pourquoi Hénot a-t-il protégé ces enfants? Il ne l'avait jamais entendu parler d'une voix si tendre… Il semblait vraiment touché par cette môme. Mais il va forcément redevenir brutal. Il espère que le GIGN va débarquer, même s'il risque de laisser sa peau dans l'assaut. Au moins les gosses seront-ils sains et saufs…

Progressivement, le tueur recommence à bouger. Se balançant d'avant en arrière, marmonnant, soliloquant… Yann saisit un mot, de temps à autre. Poussière… innocent… haine… chaque chose… Puis le silence revient. Hénot s'avance alors vers Dumonthier, qui croit sa dernière heure arrivée, s'agenouille devant lui. C'est là que Yann voit l'inimaginable: Maxime pleure. Une fillette vient de terrasser le fauve. Simplement en lui disant je t'aime…

— J'ai mal… Tu le sais, toi?

— Oui, Maxime. Je crois que je te connais mieux que personne…

— Mieux que personne! acquiesce Hénot avec un douloureux sourire. J'aurais bien aimé avoir un père. Un comme toi. Je n'aurais peut-être pas été un monstre?

Il passe les mains sur son visage avant de reprendre:

— La poussière est partout. Tu peux nettoyer tant que tu veux, ça revient toujours.

Dumonthier ingurgite, mot après mot, même s'il a du mal à suivre.

— Je crois que j'ai compris, Yann. Toute cette haine-là, en moi… C'est moi. Moi que je déteste. Je suis malade, mais… pourquoi moi? Hein, Yann? Pourquoi ma tête est-elle emplie de fureur et de bruit?

Le flic s'en retrouve désarçonné. Face à lui, un gosse apeuré qui cherche l'absolution.

— Tu n'as pas eu de chance, Maxime. Mais tu sais que tu as commis l'impardonnable. Et que tu es dangereux…

Hénot saisit le Beretta, Yann arrête de respirer.

— Dangereux, oui, confirme le tueur en armant le pistolet. D'ailleurs, il me reste quelqu'un à éliminer.

Dumonthier pense soudain à Natacha. La peur lui broie la gorge, les tripes. Mais, contre toute attente, Maxime dépose le pistolet devant lui, telle une offrande.

— Prends ce flingue, Yann. Allez, prends-le…

Le commissaire hésite puis s'empare du Beretta. Aussitôt, Maxime attrape son poignet à deux mains pour l'obliger à braquer l'arme contre son propre cœur.

— Qu'est-ce que…?! s'écrie Dumonthier.

— Aide-moi, Yann…

— Non!

Maxime pose son doigt sur celui du flic et bloque son bras. Il savoure ce dernier instant, cette horreur qui s'imprime dans les yeux de Yann de façon indélébile.

— Tu leur diras, hein? demande-t-il.

— Quoi? parvient à articuler Dumonthier.

— Qu'on peut toujours changer, dit-il en le forçant à appuyer sur la détente.