— Un champ de roses, répondit le sage. Dieu a été généreux avec moi en me donnant la mémoire. Il savait qu’en hiver je pourrais toujours me rappeler le printemps, et sourire. »
LE MAITRE DIT :
« La Légende Personnelle n’est pas aussi simple qu’il y paraît. La vivre peut constituer une activité dangereuse. Lorsque nous voulons quelque chose, nous mettons en mouvement des énergies puissantes, et nous ne pouvons plus nous cacher à nous-mêmes le véritable sens de notre vie. Lorsque nous désirons quelque chose, nous faisons un choix et nous en payons le prix.
« Poursuivre un rêve a un prix. Cela peut impliquer que nous abandonnions nos vieilles habitudes, cela peut entraîner pour nous des difficultés, des déceptions.
«Toutefois, quel que soit ce prix, il ne sera jamais aussi élevé que celui que payeront ceux qui n’ont pas vécu leur Légende Personnelle. Un jour, ceux-là regarderont en arrière, ils verront tout ce qu’ils ont fait, et ils entendront leur cœur dire : « J’ai gaspillé ma vie."
« Croyez-moi, c’est l’une des pires phrases que l’on puisse entendre. »
DANS L’UN DE SES LIVRES, Castañeda raconte qu’un jour son maître lui fit mettre sa ceinture en sens inverse de celui auquel il était habitué.
Castañeda s’exécuta, certain d’acquérir ainsi un puissant instrument de pouvoir.
Quelques mois plus tard, il expliqua à son maître que, grâce à cette pratique, il apprenait plus rapidement qu’auparavant.
«J’ai transformé l’énergie négative en énergie positive », lui dit-il.
Le maître éclata de rire :
« Les ceintures n’ont jamais transformé l’énergie ! Je vous ai fait faire cela afin que, chaque fois que vous enfilez votre pantalon, vous vous souveniez que vous faites l’apprentissage de la magie. C’est la conscience de l’apprentissage qui vous a fait progresser, non la ceinture. »
UN MAITRE avait des centaines de disciples. Tous priaient à l’heure dite, sauf un, qui était ivre en permanence.
Le jour où il sentit sa mort proche, le maître appela l’ivrogne et lui transmit ses connaissances occultes. Les autres disciples se rebellèrent :
« Quelle honte ! Nous nous sommes sacrifiés pour un maître extravagant et incapable de reconnaître nos qualités. »
Le maître dit :
« Je devais révéler ces secrets à un homme que je connaisse bien. Chez ceux qui semblent très vertueux se cachent en général la vanité, l’orgueil, l’intolérance. C’est pourquoi j’ai choisi le seul disciple dont le défaut était visible : l’ivrognerie. »
LE PRETRE cistercien Marcos Garcia dit :
« Dieu nous prive parfois d’une bénédiction afin que nous puissions L’appréhender en dehors des demandes et des faveurs. Il sait jusqu’à quel point Il peut mettre une âme à l’épreuve et n’outrepasse jamais cette limite.
« Dans ces moments-là, gardons-nous de dire : « Dieu m’a abandonné. » C’est plutôt nous qui, parfois, L’abandonnons. Si le Seigneur nous impose une grande épreuve, Il nous donne aussi pour la surmonter les grâces suffisantes – je dirais même : plus que suffisantes.
« Lorsque nous nous sentons loin de Sa présence, c’est à nous de nous demander si nous savons vraiment profiter de ce qu’il a placé sur notre chemin. »
IL NOUS ARRIVE de passer des jours, voire des semaines entières, sans recevoir un geste d’affection de notre prochain. Durant ces périodes difficiles, toute chaleur humaine s’évanouit et la vie se résume à un rude effort de survie.
Le maître dit :
« Il nous faut alors examiner notre cheminée, y remettre du bois et tenter d’éclairer la pièce sombre que devient notre existence. Quand nous entendrons crépiter notre feu, les bûches craquer, les flammes conter des histoires, l’espoir nous sera rendu.
« Si nous sommes capables d’aimer, nous serons aussi capables d’être aimés. Ce n’est qu’une question de temps. »
AU COURS D’UN DÎNER, quelqu’un brisa un verre. « C’est signe de chance », entendit-on. Autour de la table, tous les invités connaissaient cette coutume.
« Pourquoi est-ce un signe de chance ? interrogea un rabbin qui faisait partie des convives.
— Je l’ignore, répondit la femme du voyageur. Peut-être est-ce ce que l’on disait autrefois pour que l’invité ne se sente pas mal à l’aise.
— Cette explication n’est pas la bonne, rétorqua le rabbin. Certaines traditions judaïques veulent que chaque homme dispose d’un capital de chance, dont il use au cours de sa vie. Il peut faire en sorte que ce capital fructifie s’il l’utilise uniquement à des fins vraiment nécessaires, ou bien il peut le gaspiller en vain. Nous, les juifs, nous disons aussi « bonne chance » quand quelqu’un casse un verre. Mais cela signifie : « Tant mieux, vous n’avez pas dilapidé votre chance en cherchant à éviter que ce verre ne se brise. Ainsi, vous pourrez l’utiliser pour des choses plus importantes. »
L’ABBE ABRAHAM apprit que, non loin du monastère de Sceta, vivait un ermite qui avait la réputation d’être un sage. Il alla lui rendre visite et lui demanda :
« Si aujourd’hui vous trouviez une belle femme dans votre lit, parviendriez-vous à vous convaincre que ce n’est pas une femme ?
— Non, répondit le sage, mais je parviendrais à me retenir. »
L’abbé poursuivit :
« Et si vous voyiez des pièces d’or dans le désert, pourriez-vous regarder cet or comme si c’était des cailloux ?
— Non, dit le sage, mais j’arriverais à me contrôler pour ne pas m’en emparer. »
L’abbé Abraham insista :
« Et si deux frères venaient vous voir, l’un vous haïssant et l’autre vous aimant, réussiriez-vous à les traiter avec équité ? »
Le sage répondit :
« Je souffrirais sans doute intérieurement, mais je traiterais celui qui m’aime de la même manière que celui qui me déteste. »
Plus tard, l’abbé dit à ses novices : « Je vais vous expliquer ce qu’est un sage. C’est un homme qui, au lieu d’annihiler ses passions, parvient à les contenir. »
W. FRASIER a écrit toute sa vie sur la conquête de l’Ouest américain. Fier de montrer sur son curriculum vitae qu’il était l’auteur du scénario d’un film dont la vedette était Gary Cooper, il raconte qu’il n’a réussi que très rarement à se fâcher avec quelqu’un.
« J’ai beaucoup appris des pionniers, dit-il. Ils combattaient les Indiens, traversaient les déserts, cherchaient de l’eau et de la nourriture dans des régions éloignées de tout.
« Dans tous les textes de l’époque, on remarque un fait étrange : les pionniers ne consignaient que les événements heureux. Plutôt que de se plaindre, ils composaient des chansons et plaisantaient de leurs difficultés. Ainsi parvenaient-ils à tenir à distance le découragement et la dépression.
« Et aujourd’hui, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, je m’efforce d’en faire autant. »
CE TEXTE EST une adaptation d’un poème de John Muir :
«Je veux libérer mon âme afin qu’elle puisse jouir de tous les dons que possèdent les esprits.
Lorsque ce sera possible, je ne tenterai pas de connaître les cratères de la Lune, ni de suivre jusqu’à leur source les rayons du Soleil.