« Regardez-le, il est mort de peur !
— En effet, répliqua Bonaparte. Mais je continue à combattre. Si vous éprouviez la moitié de l’effroi que je ressens, vous auriez pris la fuite depuis très longtemps. »
Le maître dit :
« La peur n’est pas signe de lâcheté. C’est elle qui nous permet d’agir avec bravoure et dignité dans certaines circonstances. Celui qui éprouve la peur et va cependant de l’avant, sans se laisser intimider, fait preuve de courage. Mais celui qui affronte des situations difficiles sans tenir compte du danger ne fait preuve que d’irresponsabilité. »
LE VOYAGEUR se trouve dans une fête de la Saint-Jean. Il y a des baraques de foire, un stand de tir à l’arc, une nourriture simple.
Soudain, un clown se met à imiter tous ses gestes. Les gens rient, et lui aussi s’en amuse. Finalement, il invite le clown à boire un café.
« Engagez-vous dans la vie ! lui dit ce dernier. Si vous êtes vivant, vous devez secouer les bras, sauter, faire du bruit, rire et parler avec les autres, parce que la vie est exactement l’opposé de la mort. Mourir, c’est rester à tout jamais dans la même position. Si vous êtes trop tranquille, vous n’êtes plus en vie. »
UN PUISSANT MONARQUE que son dos faisait souffrir appela un prêtre qui, lui avait-on dit, possédait des pouvoirs de guérison.
« Dieu nous assistera, dit le saint homme, mais d’abord je veux comprendre la raison de ces douleurs. La confession oblige l’homme à affronter ses difficultés et le libère de quantité de choses. »
Et le prêtre se mit à questionner le roi sur sa vie, la manière dont il traitait son prochain, les angoisses et les tourments de son règne. Mais, irrité de devoir penser à ses problèmes, le monarque se tourna vers le saint homme :
« Je ne veux pas parler de ces sujets. Je vous en prie, allez me chercher quelqu’un qui me soignera sans poser de questions. »
Le prêtre s’en alla et revint une demi-heure après, accompagné d’un autre homme.
« Voici la personne qu’il vous faut, dit-il. Mon ami est vétérinaire, il n’a pas l’habitude de discuter avec ses patients. »
UN DISCIPLE et son maître se promenaient un matin dans la campagne. Le disciple demandait s’il existait un régime favorisant la purification. Bien que le maître affirmât avec insistance que tout aliment était sacré, il ne voulait pas le croire.
« Il doit bien exister une nourriture qui nous rapproche de Dieu, répétait-il.
— Vous avez peut-être raison. Ces champignons, là, par exemple », suggéra le maître.
Le disciple, tout excité, crut que les champignons allaient lui apporter la purification et l’extase. Mais lorsqu’il voulut en ramasser un, il poussa un cri horrifié :
« Ils sont vénéneux ! Si j’en mangeais un, je mourrais sur-le-champ !
— Eh bien, je ne connais pas d’autre aliment qui vous rapprocherait de Dieu », conclut le maître.
AU COURS DE L’HIVER de 1981, en se promenant avec sa femme dans les rues de Prague, le voyageur remarque un jeune garçon qui dessine les bâtiments alentour.
Il apprécie l’un de ses dessins et décide de l’acheter. Quand il lui tend son argent, il constate que le garçon ne porte pas de gants, malgré une température de - 5 °C.
« Pourquoi ne portez-vous pas de gants ? demande-t-il.
— Pour pouvoir tenir mon crayon. »
Ils discutent un peu de Prague, puis le garçon propose de faire le portrait de la femme du voyageur, gratuitement.
Tandis qu’il attend que le dessin soit terminé, le voyageur se rend compte qu’il s’est passé une chose étrange ; il a bavardé avec ce jeune homme pendant presque cinq minutes sans que l’un parle la langue de l’autre. Ils n’ont eu recours qu’à des gestes, des rires, des mimiques ; mais la volonté de partager leur a permis d’entrer dans le monde du langage sans paroles.
UN DE SES AMIS emmena Hassan à la porte d’une mosquée, où un aveugle faisait l’aumône.
« Cet aveugle, dit l’ami, est l’homme le plus sage de notre pays.
— Depuis combien de temps êtes-vous aveugle ? demanda Hassan à l’homme.
— Depuis ma naissance.
— Est-ce cela qui a fait de vous un sage ?
— Comme je n’acceptais pas ma cécité, j’ai voulu devenir astronome, répondit l’homme. Puisque je ne pouvais pas voir les cieux, j’ai été forcé d’imaginer les étoiles, le Soleil, les galaxies. A mesure que je me rapprochais de l’œuvre de Dieu, je me suis rapproché de Sa sagesse. »
DANS UN BAR d’un village perdu, en Espagne, près d’une ville nommée Olite, on lit sur une affiche le texte suivant que le patron a rédigé :
Justement au moment où j’avais réussi à trouver toutes les réponses, toutes les questions ont changé.
Le maître dit :
« Nous sommes toujours très occupés à chercher des réponses. Nous considérons qu’elles sont essentielles pour comprendre le sens de la vie. Mais il est plus important encore de vivre pleinement et de laisser le temps se charger de nous révéler les secrets de notre existence. Si nous sommes trop occupés à trouver un sens, nous ne laissons pas faire la nature, et nous sommes incapables de lire les signes de Dieu. »
UNE LEGENDE AUSTRALIENNE raconte l’histoire d’un sorcier qui se promenait avec ses trois sœurs lorsque le plus célèbre guerrier de l’époque les aborda.
« Je veux épouser l’une de ces belles jeunes filles, déclara le guerrier.
— Si l’une d’elles se marie, les autres vont souffrir. C’est pourquoi je cherche une tribu qui autorise les guerriers à avoir trois femmes », rétorqua le sorcier en s’éloignant.
Pendant des années, il parcourut en vain le continent australien.
« L’une de nous au moins aurait pu être heureuse, fit remarquer l’une des sœurs, tandis qu’ils étaient vieux et fatigués d’avoir tant marché.
— J’ai eu tort, reconnut le sorcier, mais à présent il est trop tard. »
Et il transforma ses trois sœurs en blocs de pierre, afin que tous ceux qui passeraient par là comprennent que le bonheur de l’un ne signifie pas la tristesse des autres.
LE JOURNALISTE Wagner Carelli alla interviewer l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.
L’entretien terminé, ils parlèrent du langage qui existe au-delà des mots et de l’immense capacité que possède l’être humain de comprendre son prochain.
« Je vais vous donner un exemple », dit Borges.
Et il se mit à s’exprimer dans une langue étrange. A la fin, il demanda au journaliste ce qu’il venait de réciter.
Avant même que Carelli ait eu le temps de répondre, le photographe qui l’accompagnait s’écria :
« C’est la prière du Notre Père.
— C’est exact, dit Borges, je la disais en finnois. »
UN DOMPTEUR DE CIRQUE parvient à dresser un éléphant en recourant à une technique très simple : alors que l’animal est encore jeune, il lui attache une patte à un tronc d’arbre très solide. Malgré tous ses efforts, l’éléphanteau n’arrive pas à se libérer. Peu à peu, il s’habitue à l’idée que le tronc est plus fort que lui. Une fois qu’il est devenu un adulte doté d’une force colossale, il suffît de lui passer une corde au pied et de l’attacher à un jeune arbre. Il ne cherchera même pas à se libérer.