San-Antonio
Maman, la dame fait rien qu'à me faire des choses !
A Pierre, Paul, Jacques,
à Untel,
à qui tu sais,
à n’importe quel prix,
à prendre ou à laisser,
à la paille et à la dame de fer,
à se taper le cul par terre,
et surtout, oui surtout, à
Couilles rabattues à qui je dois
la vie et bien d’autres choses
encore plus désagréables.
Et puis à Françoise
et à Patrice, bien sûr.
J’ai toujours été heureux par contumace.
La sodomie, c’est l’art de rebrousser chemin.
Si j’étais riche, je ne ferais que ça.
Les gens que tu couches sur ton testament ne dorment que d’un œil.
Si tu laisses le temps au temps, il te baise.
Comment font les cons pour vivre en bonne intelligence ?
Je n’ai pas de prochain.
Mes moyens ne me le permettent pas.
Les gens heureux n’ont pas d’histoire ; c’est pourquoi ils en font à tout propos.
J’ai tort de m’alarmer.
Ils entrent dans la chambre.
Mme Mina va tirer les rideaux. Elle se retourne et dit, non sans une sorte de noblesse étudiée :
— Ma meilleure chambre !
Son Excellence jette un regard blasé au décor. Elle est venue se faire dégorger le Nestor et c’est pas deux fauteuils crapauds, un lit à baldaquin et une reproduction du siège de La Rochelle par Richelieu qui vont la distraire de sa bandaison prématurée.
Indifférente, elle murmure, l’Excellence :
— Parfait.
La personne qui l’accompagne est une Marilyn Monroe de magnitude 4 sur l’échelle de Richter ; tu la situes shampouineuse ou vendeuse dans un magasin de chaussures excentré. Elle possède un beau cul vulgaire et des jambes à mollets de sportive occasionnelle. Regard de salope, sourire évasif de donzelle qui pense peu. Son Excellence pressent un bon coup. Pas de l’exceptionnel, mais du performant.
Mme Mina est très honorée par la clientèle de Son Excellence. Chaque fois qu’elle vient à Paris, elle déboule chez elle, flanquée d’une gonzesse recrutée Dieu sait où.
Avant de sortir, elle dit :
— J’ai fait préparer votre champagne habituel : du Rougon-Macquart millésimé.
Un battement de paupières la récompense de cette attention. Effectivement, la boutanche prend son bain de siège dans un seau embué. Elle est en verre opaque qui conserve le divin breuvage à l’abri de la lumière.
Mme Mina emporte ses quatre-vingts kilogrannnes et referme doucettement la lourde. Son Excellence, qui tient à l’intimité, assure le verrou de laiton. En homme de religion, il passe d’abord par la salle de bains pour des ablutions aussi rituelles qu’hygiéniques. Puis il revient un moment après, la queue sortie de son pantalon afin de montrer à sa partenaire que son pénis ne reste pas indifférent à l’ambiance capiteuse de la chambre. La fille découvre alors un sexe de bonne tenue, légèrement arqué et coiffé d’un casque de couleur rose saumon qui ne laisse pas d’être appétissant. Elle a un rire d’agréable découverte.
— Elle est belle, complimente-t-elle.
L’Excellence qui sait, de toute éternité, qu’elle possède un beau chibre ne marque aucune réaction. Par contre, elle glisse sa main manucurée sous la jupe de la donzelle qui, heureuse surprise, porte des bas au lieu d’un collant. Sa moulasse est dûment renflée sous la peau du slip. Tout laisse présager une partie de cul tout à fait convenable.
La dame s’appelle Léontine, mais elle a substitué à ce prénom désuet celui, plus performant, de Lara.
Elle guette le bon plaisir de l’Excellence, attentive à ses caprices. Un homme fortuné et qui se paie un chibre d’aussi belle facture a droit à tous les égards.
— Savez-vous faire l’arbre fourchu ? s’enquiert le diplomate.
Lara sait, mais s’étonne :
— Oui, pourquoi ?
— Faites-le ! enjoint son compagnon, économe de ses mots.
Alors, bon, la voilà qui se couche sur le tapis, soulève son buste et ses jambes qu’elle tient écartées. Elle soutient cette difficile position de ses deux bras. Sa jupe s’est retroussée, les jarretelles brodées de tendres fleurettes roses et vertes tranchent sur sa peau légèrement ambrée.
Son Excellence s’incline pour mordiller les poils pubiens de la fausse Lara à travers l’étoffe du slip. Elle se décide à arracher ce dernier afin de se trouver en prise directe avec une chatte agréable, parfaitement modelée et juteuse à souhait.
— Vous fatiguez ? s’inquiète-t-elle.
— Pas du tout, ment la partenaire, soucieuse d’assumer les moindres caprices de son preux chevalier.
— Alors ne bougez pas !
Le diplomate sort la bouteille du seau, lui sèche le cul avec le linge blanc qui lui servait d’étole et entreprend de la déboucher.
Les forniqueurs de sa trempe peuvent en remontrer aux serveurs les plus avertis. Ses gestes sont précis et, pour tout dire, professionnels. Le bouchon est arraché, mais sans produire d’explosion. Une espèce de vague pet foireux retentit, et c’est tout. Une fumée sort du goulot, plus abondante qu’il n’est d’usage.
Le sommelier d’occasion l’évente de la main, sans grand résultat. Cette fumée divine, annonciatrice du merveilleux breuvage, se fait de plus en plus épaisse.
— Ah ! ça…, profère Son Excellence, déconcertée.
Ce seront ses dernières paroles. Une intense suffocation s’empare d’elle. Elle paierait quelques litres d’oxygène n’importe quel prix. Ouvre grand, tout grand, sa gueule enfarinée. Se comprime la poitrine pour en exprimer des reliquats de gaz carbonique. Mais zob !
Pendant ce temps, la môme Lara continue de faire l’arbre fourchu, la babasse écartée comme une gibecière d’ouverture de chasse.
Bientôt, le gaz emmagasiné dans la bouteille parvient jusqu’à ses orifices antérieurs. Elle désarbre illico et te vous meurt comme une malpropre, gueule et cuisses ouvertes.
En un rien de temps, elle a la physionomie d’un congre à l’étal du poissonnier : le regard rond et vitreux, la bouche béante sur un mystérieux silence.
Dans la pièce contiguë, un habitué qui se fait bricoler la tige par une personne compétente, pousse un gros soupir de contribuable qui va au fade et croit défunter de plaisir.
Mais pour lui, il s’agit seulement d’une impression fugitive.
FICHTRE
Il faudrait pouvoir mourir de temps en temps, histoire de se refaire une santé, un moral. Je crois que ça nous reposerait de toujours courir après notre queue. Ma grand-mère avait un chien qui s’appelait Pillon (ça devait issure de Papillon, je suppose ?) ; ce clébard, tu le chopais par la queue et tu lui imprimais un mouvement giratoire. Quand tu le lâchais, il continuait de tourner à fond de train jusqu’à ce que le vertige l’oblige à s’arrêter.
Par moments, il me semble que je suis Pillon et que je cours après ma bite. Illusion ! En fait elle finit chaque fois dans la bouche ou le dargif d’une pécore. Qu’ensuite tu tangues comme un perdu avant de récupérer un semblant d’équilibre. Vachement chiant, d’à force ! C’est pour ça que je voudrais m’anéantir un peu, histoire de prendre de vraies vacances. L’écureuil dans sa cage tournante, tu sais à quoi il pense ? Je vais te le dire : il pense qu’à force de tourner il finira par en sortir, le con ! Nous autres, à faire girer notre existence, on espère quelque chose qui ne vient jamais. On baise et on croit en Dieu pour passer le temps. Seulement notre énergie décroît doucement. On continue d’exténuer dans le cylindre de l’existence. Et ça ne fournit même pas d’électricité !