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— T’as b’soin d’moive ? s’inquiète l’homme-goret sur un ton révélant qu’il espère la négative.

Je lui donne satisfaction.

— N’en c’cas, j’vas aller rend’ une visite à not’ voisine ne serait-ce-t-il qu’pour prende des nouvelles d’son beau-père ; j aimerais savoir s’il tient la distance.

Il sort, l’air plus faux-cul qu’un garago qui a mis de la sciure de bois dans la boîte de vitesses d’un de ses clients.

— Où est Toinet ? m’informé-je, ne voyant pas mon fils adoptif.

— Parti, fait Pinuche. Ça l'a pris comme une colique. Un moment qu’il réfléchissait, en faisant les cent pas dans l’entrée. Tout à coup, il a filé sans rien dire, un peu comme s’il se sauvait.

La surnommée Pervenche soupire :

— Vous savez qu’il tire comme un homme d’expérience, ce garçon ? On sent le don chez lui.

Et puis, je sais pas : il a la façon, le tact. Rien que la manière qu’il vous ajoute un doigt dans la moniche en limant, ça sent son gentleman. C’est inné, quoi !

Ce genre de louanges, émanant d’une personne compétente, c’est de la musique pour un père.

Je rougis.

La vanité.

DIS : PLOME !

La voiture sort juste du garage aussi privé que son terrain de l’ambassade quand nous débouchons (de carafe) dans la rue. Une Bentley. Nez à nez avec une Rolls, ça ne fait pas désordre, espère. J’aperçois le diplomate à l’arrière, occupé à lire Le Monde dans le texte.

Il ne m’a pas aperçu au volant de l’opulente charrette pinulcienne. Quant à son driver, un basané en livrée, il navigue dans un nuage bleu davantage que dans une chignole de grand prestige, et son pauvre père aurait été à mon volant qu’il n’y aurait pas prêté attention.

Leur tire tourne le coin de l’avenue alors que la nôtre se range sous la hampe du drapeau. Un personnage important en descend : moi. Un autre continue d’y roupiller : César, que ses récentes tribulations de la chair ont proprement soporifié.

De nouveau, je me prête au manège de l’arrivée. Mais cette fois les formalités d’admission sont plus brèves pour un homme ayant déjà été (dûment) admis dans le saint des seins où lui fut réservé un accueil déchirant.

C’est la vaste pièce loukoum, dont les arabesques et fignoleries en tout genre flanqueraient de l’acné juvénile à Antoine Pinay. Y a les deux branleurs armés, à chaque extrémité et, au mitan, installée derrière un opulent bureau surchargé d’appareils robotiqueurs, la régnante du lieu : une somptueuse Arabe rousse aux yeux pleins d’étranges mordorances.

Moi, les filles arabes m’ont toujours intimidé.

Elles me causent un obscur sentiment de crainte. J’ai l’impression que si je m’y intéresse de trop près, quelque méchant mamelouk va surgir de derrière une tenture et me trancher les testicules avec son grand cimeterre sous la lune. Elles sont indéfinissables. Inaccessibles pour nous, nonobstant le vague air pute qui leur vient de leur brunité intense, crois-je. L’impression, aussi, que malgré leurs yeux de braise, elles n’apprécient pas tellement la baise et que jamais un Occidental ne réussira à les faire reluire intrinsèquement.

M’approche du burlingue plus vaste que le Radeau de la Méduse peint par Géricault.

Elle me regarde surviendre de son air impénétrable.

Beau sourire radieux du mec qui veut vaincre son sentiment d’impuissance.

Hélas, elle imperturbe.

— Bonjour, mademoiselle. J’espère que je ne vous importune pas ? J’aurais plusieurs petites choses à vous demander.

Elle riposte, sans vivacité, en continuant de me braquer son double trou du colt plein cadre :

— Je n’ai aucune qualité pour faire quelque déclaration que ce soit !

— Oh ! que je badine (à la Chariot), rassurez-vous, mademoiselle, cela se situe au niveau du simple renseignement.

Mutisme. Une extra-coriace.

Faut que je vais me résoudre à user des grands moyens. N’heureusement, en flic prévoyant, je suis passé au labo de Mathias avant de me pointer. Je toussote et, à l’insu, sort un vaporisateur de gorge de ma fouille comme un qui se coltine la méchante grippette de saison et s’efforce de l’enrayer avant qu’elle dégénère en pleurésie purulente.

Me file un petit coup de « tchlac tchlac », dans la gargante, histoire de me débloquer les voies respiratoires, aussi impénétrables que celles de la Providence.

— Ça dégage, fais-je-t-il. C’est nouveau, ça vient de sortir.

Que, tout en jactouillant et mine de rien, je renverse le mini-vapo dans le creux de ma paume et, toujours subrepticement, ôte le bouchon protecteur situé à son autre extrémité. Faut avoir des dons de manipulateur de cartes, dans mon métier à la con.

Je dis, en respirant large :

— C’est fou comme ce produit dégage illico les muqueuses.

Et j’ajoute, brusquement en le lui actionnant à dix centimètres du pif :

— Par curiosité…

Tchlac tchlac.

Elle a un mouvement de recul avec son buste et d’autres accessoires qui sauraient occuper les mains et la bouche d’un homme pendant tout un trajet Paris-Lyon en T.G. V. et retour.

Je retire le vapo.

— Ça ne sent pas mauvais, hein ? La menthe, non ?

Comme pour solliciter une précision quant au parfum, je lui remets une chouïette de potion magique dans les naseaux. Qu’à l’instant, je croive qu’elle va se fâcher car ses yeux rapetissent et coagulent méchant. Mais quasi instantanément, son expression se détend.

Je me permets un troisième « pschtt ! » pour la bonne mesure. Renfouille mon instrument.

Mathias, on peut avoir une absolue confiance en ses découvertes. C’est un mec, il aurait moins la passion de son métier et ferait simplement inventeur, il gagnerait de l’artiche gros comme la bite à Bérurier.

La jolie secrétaire, je le constate, est maintenant à disposition. Je lui proposerais de lui passer des diapos cochonnes qu’elle serait capable de fermer les volets pour rendre la projection plus agréable.

J’accorde un double look aux deux vilains qui gardechiourment. L’un somnole, le menton sur sa cravate verte, l’autre lit les Dernières Nouvelles d’Alsace (où habite un de ses cousins qui est exportateur de choucroute en Chyrie).

— Vous êtes très jolie, tâté-j-t-il pour m’assurer qu’elle est à point.

— Merci, c’est gentil de me le dire, elle répond, avec un sourire flatté que ponctue, je présume, une humidité de bon aloi à l’embranchement de sa fourche Claudine, chère à Colette.

Banco, la voilà conditionnée ; merci, Mathias, y a des Prix Nobel qui se perdent !

— Vous êtes au courant, pour le sosie du prince ? attaqué-je-t-il.

Elle a l’air indécis. Faut dire que ma question (en anglais my question) est imprécise, un peu flottante, même.

— C’est-à-dire ?

— Vous savez qu’il est mort ?

Elle sourcille légèrement, va pour dénéguer, puis m’offre un sourire.

— Enfin, si vous voulez, admet-elle.

— Je ne le veux pas, jolie demoiselle des Mille et Une Nuits, je le constate seulement.

Elle conserve l’air mutin, ce qui détonne avec son regard d’ordinaire intense de pasionaria à part entière.

Suit un silence, à peine troublé par le souffle du garde endormi.

Je poursuis :

— Il est mort au bordel de la chère dame Mina, vous l’avez appris, je suppose ?