— Ben, y a moi, fait le peintre.
— Je vous croyais dans le bâtiment ? s’étonne la blondasseuse.
— Accessoirement, assure l’homme au sexe d’exposition internationale ; tout à fait accessoirellement, mon trognon. Qu’est-ce je puisse-t-il pour vous, darlinge ?
— C’est rapport à mon vieux beau-père paralysé qui n’a pas l’air bien du tout ; vous pourriez venir le voir, docteur ? J’habite à deux maisons de la clinique.
— On va y aller, ma biche ; alarmez-vous pas, déclare le peintre occasionnel en descendant de son échelle. Les vieux, vous savez, y z’ont d’la ressource. J’voye ma grand-mère Bérurier : on la croiliait foutue ; et puis on lu f’sait une tisane d’acacia et ça repartait pour un tour.
Il rejoint la dame sur le perron. La trouve seyante, bien à son goût. Son cul appelle la paluche du mec. Elle sent un parfum champêtre et donc le printemps.
— V’s’êtes plaisante, lui déclare Béru ; z’avez tout pour deviendre une voisine agriable.
— Merci, docteur.
— C’est comment, déjà, vot’ p’tit nom ?
— Marinette.
— On f’ra avec, mon trognon. Moive, c’est l’docteur Béru, espécialisse des maladies féminines de la femme.
Et ils arrivent, deux pavillons de meulière plus loin, chez les Croupeton. C’est modeste, mais bien tenu, avec des efforts pour donner de la classe à ce logis banlieusard. Deux nains de Blanche-Neige encadrent le perron. Des vues de Pornic sur bois décorent le vestibule. Dans l’escadrin qui mène aux chambres, des banderilles de toréador. Au premier, une tapisserie exécutée au point de croix par Marinette Croupeton en personne et qui représente deux chiens de meute forçant un cerf. La classe !
La « voisine » ouvre une porte, celle qui donne sur la chambre du papy. Le vioque gît dans son haut lit de noyer à édredon rouge. Il a les yeux clos, la bouche béante, avec très peu de souffle à se mettre dans les éponges. Ça produit un gargouillis pas sympa. Ses bronches se font la valoche. Tout qui lui craque, le pauvre vieux ; il a passé la délabre, fonctionne sur les dernières goulées.
Béru pose sa large main sur l’étroite poitrine bourrée de cerceaux. Il sent du précaire, de la foirade complète. Fait la grimace.
— Qu’est-ce que vous en pensez, docteur ? demande la Croupeton, sans espoir excessif.
Le « docteur » la considère. La trouve plutôt bandante au creux de son inquiétude.
— Vous m’avez bien dit qu’ c’est vot’ beau-dabe ?
— Oui : le père de mon époux, pour ainsi dire.
— Donc, y vous touche pas excessiv’ment ?
— Ben…
— Rien d’comparab’ av’c un papa à soi, pas vrai ?
Elle détourne son regard myosotis.
— Je ne le dirais pas devant mon mari, mais, évidemment, un beau-père, ce n’est qu’un beau-père.
— Textuel, mon p’tit cœur.
Il lui pose fraternellement la main sur l’épaule.
— Dans l’état qu’y s’trouve, tout c’qu’on peuve faire, c’est un bout d’prière, ma chérie…
Il plonge sa main par-devant et la fourvoie dans le décolleté de la boulotte dont les loloches lui paraissent avenants.
Elle feint de ne pas s’apercevoir de cette privauté. Marinette est une femme sérieuse, en général, mais la récente vision du sexe béruréen l’a profondément traumatisée. Elle ignorait qu’un membre de ce gabarit pût exister. Décidément, la nature réserve bien des stupeurs. Elle tente de repousser cette image, en vain. Ce zob surdimensionné l’obsède et elle n’est pas prête de l’oublier. Des désirs coupables l’assaillent, qu’elle n’avait jamais éprouvés jusqu’à ce jour, étant d’un tempérament calme, aux bouffées sexuelles aisément conjurables.
Le vieux a de plus en plus de difficulté à s’approvisionner en air. Ça couine dans sa poitrine et il a du grumeleux dans les bronches.
— Vous pensez qu’il faudrait lui administrer de l’oxygène ? demande la belle-fille.
— Il en ferait quoi-ce ? objecte le Gros. C’est plutôt l’estrême-onction qu’y faut y administrer. Vous voiliez bien qu’il a commencé de rentrer son train d’atterrissage.
Tout en causant, il caresse les bouts de seins de la voisine. Elle devrait se montrer choquée de cette caresse aussi hardie qu’inopportune, mais une langueur inconnue l’empare. La grosse main experte, malgré ses callosités, lui électrise les mamelons. Sentant que la dame répond à sa flamme, le sire de Béruroche suspend ses attouchements mammaires pour se consacrer à l’hémisphère sud de la Marinette.
— Mais qu’est-ce que vous me faites ? se croit-elle obligée de questionner.
Sa Majesté s’est prestement dégagé la rapière qui roidit à une vitesse gros V.
Il ne se donne pas la peine de répondre à une aussi sotte question, partant du principe que, dans les cas d’urgence, il est superflu de mêler la parole aux actes.
Avec un brio et une promptitude qui forcent toujours l’admiration des partenaires d’Alexandre-Benoît, en moins de jouge, la bru de presque feu Honoré Croupeton se trouve déculottée et haut troussée, le visage dans le gros édredon qui sent l’eucalyptus et le sirop pectoral.
L’appréhension contracte le centre d’hébergement de la belle-fille. Elle se demande ardemment si elle va pouvoir encaisser un locataire de ce calibre. Voyez comme l’existence ménage des surprises. Il y a vingt minutes, l’état de santé de son beau-père l’induisait à réclamer du secours, et puis le docteur, négligeant le moribond, cherche à lui placer son chibre gigantesque, car, pour lui, la priorité va aux vivants davantage qu’aux mourants.
Bien que cette péripétie se déroule en marge de l’action qui va faire du présent ouvrage l’un des plus importants de son auteur, il n’est guère possible de négliger l’épisode du coït funèbre car il est essentiel pour la légende béruréenne et un écrivain pareillement surdoué est redevable de sa narration envers ses lecteurs.
Oublions donc temporairement l’agonisant pour nous intéresser aux agissements de sa bru. Celle-ci, en épouse honnête, a jusqu’alors été fidèle à une bite sous-officière d’un module des plus modestes, dont son époux, vantard grande gueule, lui donnait à croire qu’il représentait le prototype du paf accompli. Les circonstances l’amènent à réviser son jugement. Elle sait confusément que rien ne sera plus pareil dans ses relations maritales désormais. Ce jour, outre le probable trépas de son beau-père, marquera également la fin de ses illusions conjugales.
En amant civilisé, le docteur Bérurier lui prodigue une minette qu’il veut lubrifiante, mais qui se montre pourtant insuffisante. Quelques tentatives pratiquées avec probité et un profond respect de la personne humaine restant infructueuses, force est donc à ce nanti du chibre de faire appel à des émollients plus performants que la salive. Perplexe, le souffle saccadé, le regard exorbité, il cherche du secours autour de lui.
Une longue pratique de son sexe infernal lui a appris que l’intromission est TOUJOURS réalisable quand la détermination s’en mêle. Le corps humain est malléable, souple, flexible et parvient à se prêter aux pires extravagances. Lui, Bérurier, a été confronté à des situations qui semblaient, à première vue, désespérées, mais que la volonté et la patience résolvaient magnifiquement pour la plus grande gloire de la misérable chair dont nous tributons.
Il regarde alentour, en quête d’inspiration, et trouve. Sur la table de nuit du vieil agonique, il y a une bouteille d’un sirop que l’on devine visqueux à souhait.
Alexandre-Benoît se dit que ce qui est bon pour les bronches peut le devenir pour la queue. Il empare le flacon, en dévisse le bouchon et verse un flot gluant dans le creux de son immense pogne. Ensuite de quoi, il s’en oint le pilon méthodiquement.