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Attends, je te cesse ma littérance eau de boudin assaisonnée pour revenir à l’instantéisme. J’ai mis le corbillard avant les bœufs.

T’ai décrit ce que je vais voir plus tard. Sur le moment, je jaillis de ma boîte, les bras levés pour la rendaison penaude. Ma stupeur en avisant ces cadavres à perte de vue. Ces touristes qui kodakent qui mieux mieux… Les naves. Clic, clac ! Trophée. Ils se marrent des morts suspendus, les prennent pour des étrangers ! Oh, cons resplendissants ! Vaguement intimidés. Une dame est en train de déclarer qu’elle se lavera les mains une fois remontée à l’air libre. Comme si les photographiés étaient plus sales que les photographieurs ! Mais le bouquet, je te garantis, le succès capital, c’est le camarade bibi qui le remporte. Ce de quoi je sors, c’est d’un cercueil énorme, plein d’ossements (les morceaux de bois) et de hardes vidées. Et je suis blanc-gris de poudre d’os. Si bien qu’au milieu de cette nécropole, les gentils touristes commotionnés croient à une apparition. Toujours partant pour les miracles comme tu les sais, Lourdes et Mère Soleil, toujours, toujours, tu penses qu’ils décarrent sauvage. Refluent en hurlant vers l’entrée qui du coup devient sortie de secours. Panique à bord ! Les derniers jours de Pompéi. Les gros deviennent véloces, les femmes passent d’abord, pas par galanterie extérieure, mais parce qu’elles ont mieux la chiasse que les hommes et courent plus vite. Les maigres escaladent les gros. On crie, on trépigne. Reusement que les couloirs sont larges. Les Kodak s’entrechoquent. Y’ a des zooms qui se perdent. Des flashs…

La ruée disparaît.

Je tends la main à Yuchi pour l’aider à se relever.

Elle vient. Et son éberluement la pousse à défaillir.

— Allons, du cran, môme, nous sommes simplement dans les catacombes de Palerme, là où quelque huit mille morts sont conservés en assez bon état, compte tenu de la date de leur décès.

Elle zyeute en se forçant. Timide d’effroi, Yuchi. Dis, en très peu de temps ça commence à bien faire. T’ as des vieillards de cent un ans et un jour qui n’ont pas vécu le dixième de la moitié du quart de nos dernières tribulations.

Je la remonte de quelques rudes caresses ; de celles qui te communiquent la fraternité d’être.

Alors, elle a l’idée de jeter un n’œil à l’intérieur de notre sarcophage où on vient de se dorloter si gentiment l’intime, les deux. Ce qui nous a servi de matelas la fait refrémir.

— Oh mon Dieu, quelle horreur !

Je rigole.

— On ne se doutait pas que notre étreinte, en fait, était une partouze, hein, Yuchi ?

CHAPITRE III

DANS LEQUEL

JE PRATIQUE L’AMOUR AVEC UNE FEMME

Les hommes sont pareils aux poissons. Quand y a un boum quelque part, ils commencent par se tailler. Et puis, très vite reviennent mater les conséquences, contrôler les dégâts, en espérant confusément une resucée de danger, bien faiblarde, qui les auréolera héros sans pour autant les mettre en péril.

Ainsi, en gravissant les marches, on s’heurte à des mecs qui s’hasardent à redescendre. Comme on s’est mutuellement époussetés, Yuchi and moi, et qu’on n’a rien de commun avec des extra-terrestres ou des revenants, ils ne nous prennent pas garde ; si bien que nous sortons peinards des catacombes.

Une place torride, pas grande, avec une église, une station d’essence, quelques taxis aux portières béantes dont les chauffeurs roupillent, accroupis côté ombre. C’est vers l’un d’eux que nous nous dirigeons.

J’aide ma petite potesse à grimper, m’installe auprès.

— Je suppose que vous avez envie de regagner votre bateau, ma douceur ?

Elle opine énergiquement.

Tu parles qu’elle se sentira davantage en sécurité au bord de la piscine du Thermos que dans les venelles de Palerme, bourrées de méchants sulfateurs.

Informé de nos désirs, le chauffeur opère une magistrale décarade en larguant un nuage d’huile si épais que, depuis la planète Mars, on doit croire à des essais atomiques en Méditerranée.

Yuchi prend ma main, posée sur la banquette de velours râpée.

— Ne serait-il pas préférable que nous nous rendions à la police ? demande-t-elle. Ce meurtre, cette poursuite…

J’acquiesce.

— Certes, seulement adieu votre croisière ; on vous gardera ici comme témoin, et aussi pour les reconstitutions.

L’argument la trouble.

— Vraiment ?

— Ben, réfléchissez. Nous sommes dans un pays civilisé, malgré les mœurs bizarres de certaines gens. Cela dit, il serait évidemment de notre devoir de…

Elle m’interrompt.

— Ce serait affreux, à cause de mon mari.

— Vous êtes mariée ?

— Oui. Mon époux souffrait de la gorge, alors il est resté à bord. Si je ne réapparais pas, ça va faire tout un drame. En outre, s’il apprend que je me trouvais avec un monsieur inconnu dans cette calèche et ce que j’y faisais au moment du drame…