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Mon objectif ? Il est minime en apparence essayer de dénicher deux casques afin que mes joyeux coéquipiers eussent à leur tour des découpes de soldats.

J'arrive sans encombre à la geôle. Etant donné qu'elle ne recèle plus de prisonniers, elle n'a plus du tout l'air d'une prison. Le poste de garde est vide car, si la fonction crée l'organe, l'absence d'organe supprime par contre la fonction. C'est un truc que mon vieux copain Maxime, (dit de La Rochefoucault) a dû noter avec sa pointe Bic dans un coin de ses carnets. La porte grillagée est entrebâillée et on a éteint les lumières. Dans le fond, l'endroit le plus parfait pour nous cacher, ce serait la taule. Les camarades sovietcongs nous chercheraient partout et ailleurs avant de regarder ici. J'entre donc céans. Et j’y trouve ce que j'y suis venu chercher. Je fais en outre l'emplette de deux flingues, bien que mes potes possèdent déjà des armes. Ça rameute drôlement dans le patelin. M'est avis que les Rouges tournent au vert. Une évasion aussi spectaculaire, effectuée en deux temps (et presque trois mouvements), ça crée des complexes. On doit perdre le moral du vainqueur lorsque des petits dégourdoches vous jouent la fille de l'air de cette manière.

Des groupes passent au pas décadent cadençé. On met des projos en batterie. Leurs faisceaux puissants promènent des lambeaux de jour sur la jungle endormie, réveillant les bêtes diurnes dont les cris affolent les bêtes nocturnes. C'est à vous dégouter d'être hibou, ces groupes électrogènes ! Comme les nordistes recherchent trois hommes, hors du camp, ils ne regardent pas un homme seul à l'intérieur de celui-ci. Je causerais russe ou vietcong, je pourrais presque tailler une bavette avec eux sans qu'ils eussent le moindre soupçon ; c'est pourquoi je rejoins l'Olga's house aussi aisément que je l'ai quittée. Notre hôtesse est habillée et l'ami Curt s'est offert le luxe d'une douche reconstituante. Je distribue casques et fusils à mes deux aminches. Ensuite de quoi, dopé à bloc par la frénésie de l'action, je m'approche de la belle espionne en faisant tourniquer le colt fauché par Curtis au bout de mon index. Je dois faire un peu Gary Cooper ainsi. Ne jamais craindre de chiquer aux héros de l'écran, mes amis. Qu'on le veuille ou pas, ça fait toujours de l'effet, même aux gonzesses les plus blasées. Elles ont beau être nihilistes, l'imagerie hollywoodienne conserve à leurs yeux toute sa magie.

Je la fixe bien intensément pendant un bout de temps, et puis, calmement, avec même des inflexions mutines, je lui déballe le coquet discours ci-dessous :

— Olga, mon enfant jolie, nous avons vécu ensemble une aventure assez palpitante, pleine de renversées, de coups de théâtre et de passion. Elle n'est pas encore terminée. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'elle achèvera de la même manière pour vous que pour nous. Ou bien nous atteignons le Laos, et alors on vous dit bonsoir sans rancune, ou bien on a un pépin, et aussi vrai que je suis le flic le plus intelligent de l'après-guerre, je vous met un chargeur dans la carrosserie avant de coiffer ma propre auréole. D'ac ?

Elle lit ma détermination dans mon regard blanc à force de fixité :

— Et au cas que t'aurais un empêchement de faux mangeur, c'est bibi qui te jouerais les extra, mec, assure Bérurier Le disponible.

Curtis libère un petit sifflement très sec.

— Erreur, my boy, ce serait moi !

— Comme vous le voyez, reprends-je à l'intention de la jeune femme, votre chance de survie serait vraiment mince.

Elle bat des cils.

— Prêt ? demandé-je à la ronde.

— Ben voyons, répond le Valeureux en coiffant un casque qui, immédiatement, fait ressembler sa tronche à un énorme bouchon de champagne.

CHAPITRE XIII

Nous adoptons la formation suivante ; je marche aux côtés d'Olga et mes potes suivent en file indienne. Nous nous efforçons de prendre une allure cadencée. L'espionne ne dit rien. Elle porte une robe blanche serrée à la taille par un ceinturon de cuir incrusté de pierres vertes. Tout en marchant je la surveille, ce qui me force à l'admirer, car elle est admirable, cette gosse ! Tout de même, quand on y pense, ce que j'ai pu en rencontrer et m'en farcir, des belles nana, depuis que j'exerce ma petite industrie. Des fois, la nuit, pendant des insomnies, j'essaie, non pas de les comptabiliser — ce qui serait peu galant — mais d'en dresser l'inventaire.

J'y arrive pas, j'en oublie toujours… Je me dis, toutes ces rutilantes blondes, ces pétulantes rousses, ces brunes ardentes ; que deviennent-elles ? J'entends pour celles qui n'ont pas été déguisées en cadavre pendant les délicates opérations… il y a quelques fois, je me réponds la même chose : des mémés. Elles sont en train de se ranger des voitures, de choper du carat et de l'embonpoint malgré leurs masseurs et leurs régimes. Elles font des gosses, parce qu'une bonne femme, c'est malgré tout son destin d'en avoir et son aspiration profonde organique. Elles prennent des maris. Elles mollissent dans le bien-être bourgeois. La bourgeoisie, c'est la seule ambition réelle ici-bas : on la décrie, on la vilipende, on la moque, on la hait, on la rejette, mais tous, regardez-les, ils la veulent. Ils bataillent pour l'acquérir. Ça commence par la bagnole et la téloche, ça continue par les sports d'hiver (ou les sports divers).

La réelle promotion sociale se marque avant tout par la guenille, les gars, n'oubliez jamais ça.

Le vrai tournant de l'existence est indiqué par le homard et le caviar, Il y a la vie avant la tortore chez Point, à Beaumanière, à la Tour d'Argent, au Grand Véfour ou chez Caméra, et la vie après.

Donc, nous avançons prudemment, en file. Nous évitons l’esplanade qui est éclairée par le faisceau puissant de deux projecteurs.

Un groupe de Soviet-congs ayant à sa tête l’homme aux lunettes noires et au sparadrap entourent notre coucou. Ils y montent une garde vigilante. J'enrage de voir que nos desseins ont été, sinon prévus, du moins envisagés. Je stoppe la caravane d'un geste et nous délibérons.

— Votre avis, docteur ? soupire le Gros, c'est grave, n'est-ce pas ?

Il dénombre les assiégeants de l'hélicoptère.

— Ils sont huit, fait-il, c'est un peu beaucoup, non ? On essaie de se les payer depuis ici, vu qu'on est dans l'ombre, et eux dans la lumière ?

— Non, décidé-je. Dès que nous ouvririons le feu, ils grimperaient dans le zinc et on serait marron.

— Alors ?

Je me prends à part pour la grande réflexion déterminante. S'agit pas de perdre les pédales, mes loufes. La vue du bel appareil illuminé comme dans une vitrine me galvanise : Je me sens déjà dedans. J'ai envie de liberté. Ça me botte, la perspective de ramener ma peau dans notre pavillon de Saint-Cloud.

— Ecoutez, leur dis-je, on va tenter le coup de la manière suivante : Curt et moi, nous allons marcher droit à eux en compagnie d'Olga. En voyant notre belle amie, ils n'auront pas tout de suite la puce à' l'oreille. Toi, Gros, ta silhouette est trop reconnaissable, tu vas rester ici.

— Mais…, proteste le Bêlant.

— La boucle !

Je prends la mitraillette qu'il a conservée malgré son flingue.

— Ta seringue me sera plus utile que mon fusil. Dès que nous serons à bonne distance, on ouvrira les hostilités. Au premier coup de pétoire, tu tireras dans les projecteurs, O.K. ?

— Beaux cartons en perspective, apprécie le Dodu.

— Une fois les talbombes éteintes, tu fonceras à l'appareil. Toi, Curt, tu te tiendras derrière Olga, elle te servira de bouclier car tu ne peux pas te permettre d'être blessé étant donné que toi seul peux piloter le zinc, S'il t'arrivait un pastis quelconque, on serait tous hourras, donc fais gaffe à ta santé. Quant à vous, Olga, soyez docile et n'essayez pas le moindre coup d'arnaque sinon vous ne feriez pas trois pas avant d'être morte. Maintenant allons-y.