Il cherche quelqu’un avec qui partager ses opinions – mais ils sont tous plongés dans le fleuve de la vie, travaillant, faisant quelque chose, enviant Manuel pour sa liberté, et en même temps contents d’être utiles à la société et « occupés » à une activité importante.
Manuel cherche du réconfort auprès de ses enfants. Ces derniers le traitent toujours très gentiment – il a été un excellent père, un exemple d’honnêteté et de dévouement – mais eux aussi ont d’autres soucis, même s’ils se font un devoir de prendre part au déjeuner dominical.
Manuel est un homme libre, dans une situation financière raisonnable, bien informé, il a un passé impeccable, mais maintenant ? Que faire de cette liberté si durement conquise ? Tout le monde le félicite, fait son éloge, mais personne n’a de temps pour lui. Peu à peu, Manuel se sent triste, inutile – malgré toutes ces années au service du monde et de sa famille.
Une nuit, un ange apparaît dans son rêve : « Qu’as-tu fait de ta vie ? As-tu cherché à la vivre en accord avec tes rêves ? »
Manuel se réveille avec des sueurs froides. Quels rêves ? Son rêve, c’était cela : avoir un diplôme, se marier, avoir des enfants, les élever, prendre sa retraite, voyager. Pourquoi l’ange pose-t-il encore des questions qui n’ont pas de sens ?
Une nouvelle et longue journée commence. Les journaux. Les informations à la télévision. Le jardin. Le déjeuner. Dormir un peu. Faire ce dont il a envie – et à ce moment-là, il découvre qu’il n’a envie de rien faire. Manuel est un homme libre et triste, au bord de la dépression, parce qu’il était trop occupé pour penser au sens de sa vie, tandis que les années coulaient sous le pont. Il se rappelle les vers d’un poète : « Il a traversé la vie/il ne l’a pas vécue. »
Mais comme il est trop tard pour accepter cela, mieux vaut changer de sujet. La liberté, si durement acquise, n’est autre qu’un exil déguisé.
Manuel va au Paradis
Et puis, notre cher, honnête et dévoué Manuel finit par mourir un jour – ce qui arrivera à tous les Manuel, Paulo, Maria, Monica de la vie. Et là, je laisse la parole à Henry Drummond, dans son livre brillant Le Don Suprême, pour décrire ce qui se passe ensuite.
Nous nous sommes tous posés, à un certain moment, la question que toutes les générations se sont posée :
Quelle est la chose la plus importante de notre existence ?
Nous voulons employer nos journées le mieux possible, car personne d’autre ne peut vivre pour nous. Alors il nous faut savoir où nous devons diriger nos efforts, quel est l’objectif suprême à atteindre.
Nous sommes habitués à entendre que le trésor le plus important du monde spirituel est la Foi. Sur ce simple mot s’appuient des siècles de religion.
Considérons-nous la Foi comme la chose la plus importante du monde ? Eh bien, nous avons totalement tort.
Dans son épître aux Corinthiens, chapitre XIII, (saint) Paul nous conduit aux premiers temps du christianisme. Et il dit à la fin : « ces trois-là demeurent, la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand ».
Il ne s’agit pas d’une opinion superficielle de (saint) Paul, auteur de ces phrases. En fin de compte, il parlait de Foi un peu plus haut, dans la même lettre. Il disait : « Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. »
Paul n’a pas esquivé le sujet ; au contraire, il a comparé la Foi et l’Amour. Et il a conclu : « (...) l’amour est le plus grand. »
Matthieu nous donne une description classique du Jugement dernier : le Fils de l’Homme siège sur un trône et sépare, comme un berger, les chèvres des brebis.
A ce moment, la grande question de l’être humain n’est pas : « Comment ai-je vécu ? »
Elle est : « Comment ai-je aimé ? »
L’épreuve finale de toute quête du Salut sera l’Amour. Il ne sera pas tenu compte de ce que nous avons fait, de nos croyances, de nos réussites.
On ne nous fera rien payer de tout cela. On nous fera payer la manière dont nous avons aimé notre prochain.
Les erreurs que nous avons commises seront oubliées. Nous serons jugés pour le bien que nous n’avons pas fait. Car garder l’Amour enfermé en soi, c’est aller à l’encontre de l’esprit de Dieu, c’est la preuve que nous ne L’avons jamais connu, qu’Il nous a aimés en vain, que son Fils est mort inutilement.
Dans cette histoire, notre Manuel est sauvé au moment de sa mort parce que, bien qu’il n’ait jamais donné un sens à sa vie, il a été capable d’aimer, de prendre soin de sa famille, et d’avoir de la dignité dans ce qu’il faisait. Cependant, même si la fin est heureuse, le restant de ses jours sur la terre a été très compliqué.
4.
Les sorcières et le pardon
Le 31 Octobre 2004, se prévalant d’une loi féodale qui fut abolie le mois suivant, la ville de Prestonpans, en Ecosse, accorda le pardon officiel à 81 personnes exécutées pour pratique de sorcellerie au cours des XVIe et XVIIe siècles – ainsi qu’à leurs chats.
D’après le porte-parole officiel des barons de Prestoungrange et Dol-phinstoun, « on avait condamné la plupart d’entre elles sans aucune preuve concrète – en se fondant uniquement sur les témoins de l’accusation, qui déclaraient sentir la présence d’esprits malins ».
Ce n’est pas la peine de rappeler ici tous les excès de l’Inquisition, avec ses chambres de torture et ses bûchers inspirés par la haine et la vengeance. Mais il y a un fait qui m’intrigue dans cette information.
La ville et le quatorzième baron de Prestoungrange et Dolphinstoun « accordent leur pardon » à des personnes exécutées brutalement. Nous sommes en plein XXIe siècle, et les descendants des vrais criminels, ceux qui ont tué des innocents, se jugent encore en droit de « pardonner ».
En attendant, une nouvelle chasse aux sorcières commence à gagner du terrain. Cette fois, l’arme n’est plus le fer rouge, mais l’ironie ou la répression. Tous ceux qui, développant un don (généralement découvert par hasard), osent parler de leur capacité, sont la plupart du temps regardés avec méfiance ; ou bien leurs parents, leurs maris, leurs épouses, leur interdisent de dire quoi que ce soit à ce sujet. Pour m’être intéressé très jeune à ce que l’on appelle les « sciences occultes », j’ai fini par entrer en contact avec beaucoup de ces personnes.
J’ai cru des charlatans, bien sûr. J’ai consacré mon temps et mon enthousiasme à des « maîtres » qui plus tard ont fait tomber le masque, montrant le vide total dans lequel ils se trouvaient. J’ai participé de manière irresponsable à certaines sectes, j’ai pratiqué des rituels et je l’ai payé très cher. Tout cela au nom d’une quête absolument naturelle chez l’homme : trouver la réponse au mystère de la vie.
Mais j’ai rencontré également nombre de gens qui étaient réellement capables de manier des forces qui dépassaient ma compréhension. J’ai vu le temps se modifier, par exemple. J’ai vu des opérations sans anesthésie, et une fois (justement un jour où je m’étais réveillé avec beaucoup de doutes concernant le pouvoir méconnu de l’homme) j’ai mis le doigt dans une incision faite avec un canif rouillé. Croyez-le si vous voulez -ou moquez-vous si c’est la seule manière de lire ce que je suis en train d’écrire – j’ai vu du métal se transformer, des couverts se tordre, des lumières briller dans l’air autour de moi, parce que quelqu’un avait dit que cela allait arriver (et c’est arrivé). Il y avait presque toujours des témoins, en général peu crédules. Dans la plupart des cas, ces témoins sont restés incrédules, pensant toujours que tout cela n’était qu’un « truc » bien élaboré. D’autres disaient que c’était « affaire du diable ». Finalement, rares étaient ceux qui croyaient se trouver en présence de phénomènes qui dépassaient la compréhension humaine.