Mais celui qui connaît les moulins sait qu’ils sont soumis au vent et changent de direction chaque fois que c’est nécessaire.
La main du forgeron a été éduquée après qu’il a répété des milliers de fois le geste de marteler. Les ailes du moulin peuvent se mouvoir très vite après que le vent a beaucoup soufflé et que ses engrenages ont été polis.
L’archer laisse beaucoup de flèches passer loin de son objectif, car il sait qu’il n’apprendra l’importance de l’arc, de la position, de la corde et de la cible que lorsqu’il aura répété ses gestes des milliers de fois, sans craindre de se tromper.
Et puis vient le moment où il n’a plus besoin de penser à ce qu’il est en train de faire. Dès lors, l’archer devient son arc, sa flèche et sa cible.
Comment observer le vol de la flèche
La flèche est l’intention qui se projette dans l’espace.
Une fois qu’elle a été lancée, l’archer ne peut plus rien faire, si ce n’est accompagner son parcours vers la cible. A partir de ce moment, la tension nécessaire au tir n’a plus de raison d’exister.
Alors, l’archer garde les yeux fixés sur le vol de la flèche, mais son cœur est en paix et il sourit.
A ce moment, il s’est suffisamment entraîné, il est parvenu à développer son instinct, il a gardé son élégance et sa concentration durant tout le processus du tir, il va sentir la présence de l’univers et voir que son action était juste et digne.
Grâce à la technique, ses deux mains sont prêtes, sa respiration précise, ses yeux peuvent fixer la cible. Grâce à l’instinct, le moment de tirer sera parfait.
Celui qui passerait près de là et verrait l’archer les bras écartés, ses yeux suivant la flèche, penserait qu’il est paralysé. Mais les alliés savent que l’esprit de celui qui a tiré est dans une autre dimension, qu’il est maintenant en contact avec tout l’univers : il continue à travailler, apprenant tout ce que ce tir a apporté de positif, corrigeant les erreurs éventuelles, acceptant ses qualités, attendant de voir comment la cible réagit quand elle est atteinte.
Lorsque l’archer tend la corde, il peut voir le monde entier dans son arc. Lorsqu’il accompagne le vol de la flèche, ce monde s’approche de lui, le caresse, et il a la sensation parfaite du devoir accompli.
Aussitôt qu’il accomplit son devoir et transforme son intention en geste, un guerrier de la lumière n’a plus rien à redouter : il a fait ce qu’il avait à faire. Il ne s’est pas laissé paralyser par la peur – même si la flèche n’a pas atteint la cible, il aura une autre occasion, car il ne s’est pas montré lâche.
16.
Accepter les paradoxes
« C’est curieux, se dit le guerrier de la lumière. J’ai rencontré tant de gens qui, à la première occasion, essaient de montrer le pire d’eux-mêmes. Ils dissimulent leur force intérieure derrière l’agressivité ; ils masquent leur peur de la solitude sous des dehors d’indépendance. Ils ne croient pas en leurs capacités, mais ils passent leur vie à proclamer leurs qualités aux quatre vents. »
Le guerrier lit des messages de ce genre chez nombre d’hommes et de femmes de sa connaissance. Il ne se laisse jamais tromper par les apparences, et il s’efforce de rester silencieux quand on cherche à l’impressionner. Mais il saisit l’occasion pour corriger ses défauts – vu que les autres sont toujours pour lui un bon miroir.
Un guerrier profite de toutes les opportunités pour être son propre maître et accepter ses contradictions.
Patience versus Rapidité
Un guerrier de la lumière a besoin de patience et de rapidité en même temps. Les deux plus graves erreurs stratégiques sont : agir avant l’heure, ou laisser passer l’occasion. Pour éviter cela, le guerrier traite chaque situation comme si elle était unique, n’applique ni formules, ni recettes, et se méfie de l’opinion des autres.
Le calife Mu’awiya demanda à Omar ben al-Aas quel était le secret de sa grande habileté politique.
Voici quelle fut sa réponse :
« Je ne me suis jamais engagé dans une affaire sans avoir au préalable étudié la retraite ; d’autre part, je ne suis jamais entré quelque part en voulant aussitôt sortir en courant. »
Pardon versus Acceptation
Un guerrier de la lumière ne souille jamais son cœur du sentiment de haine. Pour y parvenir, il lui faut pardonner.
Quand il marche vers le combat, il n’oublie pas les paroles du Christ : « Aimez vos ennemis. »
Et le guerrier obéit, mais en se rappelant toujours que le Christ n’a pas dit : «Que vos ennemis vous plaisent. »
L’acte du pardon ne l’oblige pas à tout accepter. Un guerrier ne peut pas baisser la tête, sinon il perd de vue l’horizon de ses rêves.
Repos versus Action
Entre deux combats, le guerrier se repose.
Il passe très souvent des journées sans rien faire, parce que son cœur l’exige.
Mais son intuition demeure en éveil. Il ne commet pas le péché capital de la Paresse, car il sait où elle peut le conduire : à la sensation morne des dimanches après-midi, où le temps passe – et rien d’autre.
Le guerrier appelle cela la « paix du cimetière ». Il se souvient d’un passage de l’Apocalypse : Je te maudis parce que tu n’es ni froid ni bouillant. Que n’es-tu froid ou bouillant ! Mais parce que tu es tiède, je vais te vomir de ma bouche.
Un guerrier se repose et rit. Mais il est toujours attentif et prêt pour l’action.
Ange versus Démon
Un guerrier sait qu’un ange et un démon se disputent la main qui tient ‘épée.
Le démon dit : « Tu vas faiblir. Tu ne vas pas savoir quel est le bon moment. Tu as peur. »
L’ange dit : « Tu vas faiblir. Tu ne vas pas savoir quel est le bon moment. Tu as peur. »
Le guerrier est surpris. Ils ont dit tous les deux la même chose.
Puis le démon continue : « Laisse-moi t’aider. »
Et l’ange dit : « Je t’aide. »
A ce moment, le guerrier comprend. Les mots sont les mêmes, mais les alliés sont différents.
Alors, il consacre sa victoire à Dieu. Et, avec la confiance des vaillants, il choisit la main de son ange.
Croire aux signes
Le guerrier de la lumière connaît l’importance de son intuition.
En pleine bataille, il n’a pas le temps de penser aux coups de l’ennemi, alors il use de son instinct et il obéit à son ange. En temps de paix, il déchiffre les signes que Dieu lui envoie.
Les gens disent : « Il est fou. »
Ou alors : « Il vit dans un monde imaginaire. »
Ou encore : « Comment peut-il se fier à des choses qui n’ont aucune logique ? »
Mais le guerrier sait que l’intuition est l’alphabet de Dieu, et il continue d’écouter le vent et de parler aux étoiles.
Croire à l’amour
Pour le guerrier, il n’existe pas d’amour impossible. Il ne se laisse pas intimider par le silence, par l’indifférence, ou par le rejet. Il sait que derrière le masque de glace que portent les gens se trouve un cœur ardent.
Aussi le guerrier prend-il plus de risques que les autres. Il cherche sans répit l’amour de quelqu’un – même si cela signifie entendre souvent le mot « non », rentrer chez soi vaincu, se sentir rejeté corps et âme.
Un guerrier ne se laisse pas effrayer quand il cherche ce dont il a besoin. Sans amour, il n’est rien.
Croire à la négociation
Un guerrier de la lumière ne peut pas toujours choisir son champ de bataille. Il est quelquefois entraîné malgré lui dans des combats qu’il ne désirait pas mener ; mais il n’avance à rien de fuir, car ces combats le suivront.