Выбрать главу

C’est simple  : personne n’a rien dit parce qu’eux non plus n’ont rien dit.

Donc, pour éviter que les choses n’empirent encore, peut-être est-ce le moment d’écrire l’anti-loi de Jante  :

«Tu vaux beaucoup mieux que tu ne le penses. Ton travail et ta présence sur cette Terre sont importants, même si tu ne le crois pas. Bien sûr, en pensant ainsi, tu risques d’avoir beaucoup de problèmes parce que tu transgresses la loi de Jante   – mais ne te laisse pas intimider, continue à vivre sans crainte, et tu gagneras à la fin. «

Le Catholique et le Musulman

Au cours d’un déjeuner, je conversais avec un prêtre catholique et un jeune musulman. Quand le garçon passait avec un plateau, chacun se servait, sauf le musulman, qui respectait le jeûne annuel prescrit par le Coran.

Quand le déjeuner s’acheva, les convives sortirent et l’un d’eux ne manqua pas de lancer cette pique  : «Vous voyez comme les musulmans sont fanatiques  ? Heureusement que vous autres n’avez rien en commun avec eux.  »

«Ce n’est pas vrai  », dit le prêtre. «Ce garçon s’efforce de servir Dieu autant que moi. Simplement nous suivons des lois différentes.  »

Et il conclut  : «Il est malheureux que les gens ne voient que les différences qui les séparent. S’ils regardaient avec plus d’amour, ils discerneraient surtout ce qu’il y a de commun entre eux   – et la moitié des problèmes du monde seraient résolus.  »

La mort de Christiano Oiticica, mon beau-père

Peu avant de mourir, mon beau-père a appelé la famille  :

«Je sais que la mort n’est qu’un passage, et je veux pouvoir faire cette traversée sans tristesse. Pour que vous ne soyez pas inquiets, j’enverrai un signe pour montrer qu’il valait la peine d’aider les autres dans cette vie. «  Il a souhaité être incinéré, et que ses cendres soient dispersées sur la plage de l’Arpoador, tandis qu’un lecteur de cassettes jouerait ses morceaux de musique préférés.

Il est décédé deux jours plus tard. Un ami s’est occupé de la crémation à Sâo Paulo et, de retour à Rio, nous sommes tous partis vers l’Arpoa-dor avec une radio, les cassettes, le paquet contenant la petite urne de cendres. Arrivant devant la mer, nous avons découvert que le couvercle était scellé par des vis. Nous avons tenté de l’ouvrir, inutilement.

Il n’y avait personne près de là, sauf un mendiant, qui s’est approché et nous a demandé ce que nous voulions.

Mon beau-frère a répondu  : «Un tournevis, parce que les cendres de mon père se trouvent là-dedans.  »

—  Il a dû être un homme très bon, parce que je viens de trouver cela «, a dit le mendiant.

Et il nous a tendu le tournevis.

Caracas, 7 octobre 2003

Cher M. Paulo Cœlho,

J’ai lu tous vos livres, et j’ai été plutôt surprise par le dernier. Plusieurs fois au cours de ma lecture, j’ai eu envie de m’arrêter et de pleurer, du seul fait d’être femme. En effet il n’est pas nécessaire d’avoir l’expérience d’une prostituée pour vivre les émotions et les confusions qui s’y trouvent exposées.

Cependant, permettez-moi d’ajouter certaines choses sur les femmes que vous ne savez peut-être pas. Nous avons toutes un peu de Maria (le personnage du roman), et nous nous promettons toujours de ne plus jamais aimer, pour n’être pas blessées et ne pas blesser. Nous finissons toujours par rompre cette promesse, et toujours nous le regrettons.

Nous ne sommes ni totalement bonnes, ni totalement mauvaises.

Le plaisir sexuel n’est pas exactement notre préoccupation majeure, c’est pourquoi pendant des générations il a été possible de cacher le fait que nous atteignons rarement l’orgasme de la manière que l’homme imagine. Sait-il ce qui nous donne plus de plaisir que le sexe  ? La nourriture. Quand nous aimons un homme, la première chose que nous voulons savoir, c’est s’il a déjà mangé, s’il est bien nourri, et s’il a apprécié ce que nous lui avons préparé. Même si je m’attire la haine des féministes, j’affirme qu’il est divin de voir notre homme manger  ! Et vous n’en dites rien dans votre livre.

Le plus grand problème de la femme latine est qu’elle finit par être la mère de son homme.

Amour maternel, qui pardonne toutes ses faiblesses (parce que nous savons qu’il est faible, même si nous répétons toute la journée qu’il est fort), qui nous pousse à croire qu’il reviendra toujours à la maison, et reconnaîtra qu’il n’y a rien de mieux dans sa vie que d’être à côté de la personne qui le soigne et le câline. Mais l’homme, bien qu’il désire être aimé comme un enfant, se comporte toujours comme un sauvage  : il se laisse emporter par ses impulsions, par ses passions du moment, et même s’il ne nous abandonne pas physiquement, son âme va et vient très souvent.

La femme ne perd jamais l’espoir de retrouver le passé, de se rappeler chaque moment qu’elle a vécu. Et elle est effrayée quand elle constate que le passé n’est plus, que c’est maintenant un temps différent, qui court et passe très vite. Je ne parle pas seulement de l’horloge biologique, mais du fait de ne plus se sentir désirée, de marcher dans les rues et de remarquer que personne ne tourne la tête. Alors lui vient cette peur de ne plus jamais être caressée comme quand elle était jeune, de ne plus jamais voir dans les yeux d’un homme une pensée erotique ou   – j’oserais le dire   – pornographique.

La femme est romantique, mais elle laisse toujours l’homme massacrer ses sentiments   – et à cause de cela, elle peut se transformer en une implacable destructrice parce qu’elle n’a plus rien à perdre.

L’autre jour je discutais avec des amies et nous nous disions à quel point nous étions capables d’être «perverses et destructrices  ». Mais l’une d’elles a observé  :

«Non, ce n’est pas cela, c’est bien pire  ! Quand les hommes sont blessés, ils prennent les armes pour se venger et venir à bout de leur adversaire. Mais nous, quand nous sommes blessées par celui que nous aimons, la seule chose qui nous passe par la tête consiste à préparer toutes sortes de stratégies pour faire revenir notre bourreau, en implorant son pardon. Voilà notre vengeance  : faire en sorte qu’il souffre de notre absence et revienne.  »

Je sais que dans votre nouveau livre vous cherchez à vous exprimer au nom d’une femme, et je pense que vous y êtes parvenu dans plusieurs passages. Mais il s’agit d’une vision idéale du sexe féminin, et non de la réalité. Le personnage ressemble davantage à ce que nous aimerions être qu’à ce que nous sommes réellement.

Mais, de toute manière, il est très important de voir un homme essayer de penser comme une femme. Peut-être n’y arrivera-t-il jamais, mais cela n’a pas d’importance, cette voie est très intéressante, et cela peut encourager d’autres hommes à en faire autant.

Votre fidèle lectrice, mère d’un fils de 14 ans, que beaucoup accusent de penser comme un homme.

ME

Comment on détruit son prochain

Malba Tahan illustre ainsi les dangers de la parole  : une femme accusa tant son voisin d’être un voleur qu’à la fin le garçon fut arrêté. Quelques jours plus tard, on découvrit qu’il était innocent  ; libéré, le garçon fit juger la femme.

«Les critiques malicieuses ne sont pas si graves  », dit-elle au juge.

«D’accord  », répondit le magistrat. «Aujourd’hui, quand vous rentrerez chez vous, écrivez tout le mal que vous avez dit de ce garçon  ; ensuite coupez le papier en petits morceaux et jetez-les sur la route. Demain vous reviendrez écouter la sentence.  »

La femme obéit et revint le lendemain.

«Vous êtes pardonnée si vous me remettez les morceaux de papier que vous avez répandus hier. Sinon, vous serez condamnée à un an de prison «, déclara le magistrat.