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J’ai rencontré aujourd’hui un Coréen qui a lu dans les lignes de ma main  : un type bizarre, un sage aux yeux des autres, bien que je sois incapable d’apprendre ce qu’il enseigne. Bien sûr, comme tous les chiromanciens, il a pensé que je ne m’intéressais qu’à ma vie affective, et il m’a rappelé des choses que je gagne à m’entendre répéter  :

—  Je recherche en même temps la sécurité et l’aventure, toutes choses qui ne s’accordent pas (je ne lui ai rien dit, mais si je devais choisir, ce serait l’aventure).

—  Je me passionne très rapidement, mais je m’ennuie tout aussi vite. «Apprenez à vous aimer vous-même  », a-t-il dit. Mon problème n’est pas exactement l’amour, car je tombe facilement amoureuse   – mon problème, c’est de démontrer cet amour, c’est ma relation aux autres.

—  Pourquoi est-ce que je vis tellement de relations frustrées avec les hommes  ? Pourquoi est-ce que je pense que je dois toujours avoir une relation avec quelqu’un   – ainsi, je me force à être fantastique, intelligente, sensible, exceptionnelle... L’effort de séduire m’oblige à donner le meilleur de moi-même, et cela m’aide. En outre, j’ai beaucoup de mal à me supporter.

Eviter de garder le contrôle ou d’être contrôlée

Si je réagis de la manière que les gens attendent, je deviens leur esclave   – la leçon vaut et pour l’amour et pour le travail. Il est très difficile d’éviter cela, parce que nous sommes toujours prêts à faire plaisir à quelqu’un, ou à partir en guerre quand nous sommes provoqués  ; mais les personnes et les situations sont des conséquences de la vie que j’ai choisie, et non le contraire.

Sur les ex-petits amis

Un ami m’a demandé aujourd’hui ce qu’avaient en commun tous mes petits amis. La réponse a été facile  : MOI. En constatant cela, j’ai compris que j’avais perdu beaucoup de temps à rechercher la personne idéale -ils changent, je reste la même, et je ne profite pas du tout de ce que nous vivons ensemble.

Qu’est-ce qui fait que je m’éloigne des hommes qui pourraient compter dans ma vie  ? Le besoin de toujours garder le contrôle. Le plus curieux, c’est que, lorsque je commence à me montrer jalouse, ou quand je ne supporte plus la relation amoureuse, les hommes   – auparavant tellement indépendants, tellement imbus d’eux-mêmes   – deviennent des agneaux effarouchés. Ils ont peur de me perdre. A ce moment, je ne parviens plus à les respecter, et la relation devient impossible.

Mon ami a insisté  : «As-tu déjà aimé quelqu’un  ?  » J’ai toujours redouté cette question, mais Paulo m’a demandé de tenir ce journal, et je dois y répondre. Non, je n’ai jamais aimé personne. J’ai eu beaucoup d’hommes, mais j’ai toujours attendu la personne idéale. J’ai exploré le monde entier, et je n’ai pas réussi à trouver le foyer que je cherchais. J’ai contrôlé, j’ai été contrôlée, et la relation n’a été que cela.

A présent que j’ai répondu «Non, je n’ai jamais aimé  », je suis plus libre. Je comprends ce qui manque à ma vie.

De l’importance des autres

La braise solitaire

Juan se rendait toujours au service dominical de sa paroisse. Mais, trouvant peu à peu que le prêtre répétait toujours la même chose, il cessa de fréquenter l’église.

Au bout de deux mois, par une froide nuit d’hiver, le prêtre lui rendit visite.

«Il est sans doute venu pour essayer de me convaincre de revenir  », pensa Juan en son for intérieur. Il s’imagina qu’il ne pouvait pas avouer la vraie raison  : les sermons répétitifs. Il lui fallait trouver une excuse, et tandis qu’il réfléchissait, il installa deux chaises devant la cheminée et se mit à parler du temps.

Le prêtre se taisait. Après avoir tenté inutilement d’animer la conversation un moment, Juan se tut à son tour. Ils demeurèrent tous deux silencieux, à contempler le feu, pas loin d’une demi-heure.

C’est alors que le prêtre se leva et, à l’aide d’une branche qui n’avait pas encore brûlé, écarta une braise pour l’éloigner du feu. Comme elle n’avait plus assez de chaleur pour continuer à brûler, elle s’éteignit. Juan la repoussa vivement vers le centre du foyer.

  »Bonne nuit, dit le pasteur, en se levant pour sortir.

—  Bonne nuit, et merci beaucoup, répondit Juan.

—  Loin du feu, la braise, aussi brillante soit-elle, finit par s’éteindre.

—  Loin de ses semblables, l’homme, aussi intelligent soit-il, ne peut pas conserver sa chaleur et sa flamme. Je retournerai à l’église dimanche prochain.  »

La souricière

Très inquiet, le rat découvrit que le propriétaire de la ferme avait acheté une souricière  : il était décidé à le tuer  !

Il se mit à alerter tous les autres animaux  : «Attention au piège  ! Attention au piège  !  »

La poule, entendant ses cris, le pria de se taire  :

«Mon cher rat, je sais que c’est un problème pour toi, mais cela ne me concerne en rien, alors ne fais pas tant de vacarme  !  »

Le rat alla causer avec le porc, qui se sentit dérangé que l’on eût interrompu son sommeil.

«Il y a une souricière dans la maison  !

—  Je comprends ta préoccupation, et je suis solidaire, répondit le porc. Je t’assure que tu seras présent dans mes prières ce soir  ; mais c’est tout ce que je peux faire.  »

Plus seul que jamais, le rat alla solliciter l’aide de la vache.

«Mon cher rat, qu’est-ce que j’ai à voir avec ça  ? Tu as déjà vu une vache périr dans une souricière  ?  »

Voyant qu’il ne recevait le soutien de personne, le rat retourna se cacher dans son trou et passa toute la nuit éveillé, de peur qu’il ne lui arrivât malheur.

Dans la matinée, on entendit du bruit  : le piège venait d’attraper quelque chose  !

La femme du fermier descendit voir si le rat était mort. Dans l’obscurité, elle ne vit pas que le piège s’était refermé sur la queue d’un serpent venimeux  : quand elle s’approcha, elle fut mordue.

Le fermier, entendant les cris de sa femme, alla voir ce qui se passait et l’emmena immédiatement à l’hôpital. Elle fut traitée comme il se devait et rentra chez elle.

Mais elle avait encore de la fièvre. Sachant qu’il n’y a pas de meilleur remède pour les malades qu’un bon bouillon de poule, le fermier tua la poule.

La femme commença à se rétablir, et comme les fermiers étaient tous deux très aimés dans la région, les voisins vinrent leur rendre visite. Pour les remercier de leur gentillesse, le fermier tua le porc, qu’il servit à ses amis.

Enfin, la femme se rétablit, mais le prix du traitement était très élevé. Le fermier envoya sa vache à l’abattoir, et l’argent qu’il tira de la vente de cette viande permit de régler toutes les dépenses.

Le rat assista à tout cela, pensant encore  :

  »J’avais pourtant prévenu. N’aurait-il pas été préférable que la poule, le porc et la vache aient compris que le problème de l’un d’entre nous constituait un danger pour tous  ?  »

Le mort qui portait un pyjama

Je me souviens d’avoir lu sur un site Internet que, le 10 juin 2004, un mort vêtu d’un pyjama a été trouvé dans la ville de Tokyo.

Jusque-là, très bien  ; je pense que la majorité des gens qui meurent en pyjama  :

A) sont morts dans leur sommeil, ce qui est une bénédiction,

B) ou bien se trouvaient avec leurs proches, ou dans un lit d’hôpital -

la mort n’est pas venue brutalement, tous ont eu le temps de s’habituer à

«  l’indésirable  », ainsi que l’appelait le poète brésilien Manuel Bandeira.

L’information se poursuit ainsi  : quand il est décédé, l’homme se trouvait dans sa chambre. Donc, éliminée l’hypothèse de l’hôpital, il nous reste la possibilité qu’il soit mort dans son sommeil, sans souffrir, sans même se rendre compte qu’il ne verrait pas la lumière du lendemain.