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» La duchesse, voyant que vous refusiez les plus brillants partis pour le seul désir de lui rester attaché, s’est décidée à vous épouser. Vous êtes mariés devant Dieu et l’Église, mais vous ne l’êtes point devant les hommes, ou du moins vous chercheriez en vain les preuves de votre mariage. Ainsi la duchesse ne manque point aux engagements contractés.

» Vous vous êtes donc mariés, et les suites en ont été que la duchesse a dû passer quelques mois dans ses terres pour se soustraire aux regards des curieux.

Busqueros venait d’arriver à Madrid. Je l’ai mis à votre piste et, sous prétexte de dérouter le furet, nous avons fait partir Léonore pour la campagne. Ensuite il nous a convenu de vous faire partir pour Naples, car nous ne savions plus que vous dire au sujet de Léonore, et la duchesse ne voulait se faire connaître à vous que lorsqu’un gage vivant de votre amour ajouterait à vos droits.

» Ici, mon cher Avadoro, j’implore de vous mon pardon. J’ai plongé le poignard dans votre sein en vous annonçant la mort d’une personne qui n’avait jamais existé. Mais votre sensibilité n’a point été perdue : la duchesse est touchée de voir que vous l’ayez si parfaitement aimée sous deux formes si différentes. Depuis huit jours, elle brûle de se déclarer. Ici, c’est encore moi qui suis le coupable : je me suis obstiné à faire revenir Léonore de l’autre monde. La duchesse a bien voulu faire la femme blanche, mais ce n’est pas elle qui a couru si légèrement sur l’arête du toit voisin ; cette Léonore n’était qu’un petit ramoneur de cheminée.

» Le même drôle est revenu la nuit suivante, habillé en diable boiteux ; il s’est assis sur la fenêtre et s’est glissé dans la rue le long d’une corde attachée à l’avance.

Je ne sais ce qui s’est passé dans le patio de l’ancien couvent des carmélites ; mais ce matin je vous ai fait suivre et j’ai su que vous vous étiez longuement confessé.

Je n’aime point avoir affaire à l’Église, et j’ai craint les suites d’une plaisanterie qu’on pousserait trop loin. Je ne me suis donc plus opposé au désir de la duchesse, et nous avons décidé que la déclaration se ferait aujourd’hui.

» Tel fut à peu près le discours de l’aimable Tolède.

Mais je ne l’écoutais guère : j’étais aux pieds de Béatrice ; une aimable confusion se peignait dans ses traits. Ils exprimaient l’entier aveu de sa défaite. Ma victoire n’avait et n’eut jamais que deux témoins : elle ne m’en fut pas moins chère. »

Achevé d’imprimer

le 4 septembre 1972.

Imprimerie Firmin-Didot

Paris – Mesnil – Ivry.

Imprimé en France

N° d’édition : 17058

Dépôt légal : 3e trimestre 1972. – 131

1 Voyage dans les Steps (sic) d’Astrakhan et du Caucase, etc., édité par Klaproth, Paris, 1829, pp. 168-169.

2 Il avait déjà publié, sur le même sujet, un premier mémoire intitulé : Dynasties du second Livre de Manethon (Florence, 1803).

3 Un autre ouvrage de Potocki sur le même thème, signalé par M. Kukulski, est intitulé : Principes de Chronologie pour les quatorze siècles qui ont précédé la première Olympiade vulgaire (Krzemieniec, 1815).

4 Pour cette biographie sommaire de Jean Potocki, ma principale source est l’ouvrage d’Edouard Krakowski, Le comte Jean Potocki, Paris, 1963. J’ai profité largement des remarques et des suggestions de M. Leszek Kukulski qui a eu la grande amabilité de lire très attentivement le manuscrit et de me permettre, par ses observations, de rectifier maints détails contestables ou franchement inexacts. Je lui en exprime ma vive gratitude.

5 Les mots placés entre crochets droits sont raturés à l’encre.

6 Histoires d’Athénagore (Pline, Lettres, VII, 27) et de Ménippe (Philostrate, Vil. Apoll., IV, 25).

7 Voyage dans les Steps (sic) d’Astrakhan et du Caucase, etc., Paris, 1829, t. I, p. 16.

8 Voyage dans les Steps (sic) d’Astrakhan et du Caucase, etc., Paris, 1829, t. I, p. 16.

9 J.-M. Quérard : Les Supercheries littéraires dévoilées, t. I, Paris, 1847, s.v° Cagliostro, pp. 177-193.

10 Le chevalier Landolini, rencontré par Irving à Malte, en 1805 ou 1806. Cf. Stanley T. Williams : The Life of Washington Irving, New York, 1935, I, 62 ; II, 325.

11 Voir la préface à L’Ile fantôme et autres Contes, par Washington Irving, traduits par R. Benayoun, Paris, 1951, p. 12.

12 Une nouvelle édition, revue et corrigée, a paru en 1965.

13 Par commodité, je lui ai donné le titre, qui n’est évidemment pas dans Potocki, de Quatorze journées de la vie d’Alphonse van Worden (1966).

14 Ce récit, sous le titre Le Paradis sur Terre, est déjà donné textuellement par Courchamps à titre d’échantillon des mémoires de Cagliostro dans les Souvenirs de la Marquise de Créquy, Paris, 1834-1835, t. III, pp. 323-350.

15 Pour cette nouvelle édition, j’ai adopté la forme française du prénom de l’auteur, plus utilisée de son temps et par lui et pour lui (1966).

Note manuscrite jointe à l’exemplaire de la bibliothèque de Leningrad.

16  1804 : Zoto.

17  1804 : que nous avions.

18  Le passage entre asterisques a ete repris par l’editeur des Dix Journees et transpose sous une forme legerement differente a la fin de l’Histoire de Rebecca (voir ci-dessous p. 243)

19  Dans les Dix Journées de la Vie d’Alphonse van Worden, ici commencent deux pages de transition qui servent à introduire directement l’Histoire de Rébecca, les Journées 12 et 13 étant transportées dans Avadoro, et la journée 11 n’ayant trouvé place dans aucune des éditions parisiennes. Voici le texte de ces deux pages Après le dîner, la jeune Israélite me prit à part et me dit :

— Alphonse, vous avez regardé ce malin très attentivement les Bohémiens qui dansaient au pied de cette terrasse. Leur avez-vous trouvé quelque ressemblance frappante avec d’autres personnes ?

Je la priai de ne point me faire de questions sur ce sujet. Elle me répondit :

— Estimable étranger, je le vols, voire réserve ne se dément jamais.

Heureux qui peut trouver un confident tel que vous ! Nos secrets sont de nature à n’être connus que de gens qui ne vous ressemblent guère, mais nous avons besoin de vous. Mon frère vous prie de passer dans le camp des Bohémiens et d’y rester même quelques jours. Il pense que vous y trouverez des informations sur les aventures de la venta ; elles doivent vous intéresser autant que lui. Voici les clefs d’une grille qui est au pied de la terrasse et qui vous ouvrira le chemin de la campagne, du côté où les Bohémiens ont placé leur camp. Ne vous refusez pas à nous rendre ce service : observez les filles du chef et tâchez de répandre quelque jour sur un mystère qui trouble les nôtres et va peut-être décider nos destins. Ah ! que n’ai-je eu la vie de la plus simple mortelle ! J’eusse été plus à ma place que dans ces sphères [éthérées] 1 où l’on m’a transportée malgré moi.Après ce discours, Rébecca s’éloigna. Elle paraissait émue. Je m’habillai à la hâte ; Je jetai ma cape sur mes épaules, je pris mon épée et, passant par la grille de la terrasse, je m’avançai dans la campagne vers les tentes des Bohémiens.