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— Soyez sans crainte, je vais m’enquérir de lui dans l’instant mais il se peut qu’il soit déjà en chemin…

— Nous verrons ! Revenez dès que possible !… et si vous réussissez à approcher Monsieur, veuillez lui dire que je demeure plus que jamais sa fidèle servante et amie…

Elle s’efforçait au calme et même à une sérénité qu’elle était bien loin d’éprouver. En outre, son pied la faisait réellement souffrir à présent. Quand Anna avait ôté son soulier et son bas, il était apparu gonflé, d’un bleu presque noir. Cependant la Bretonne l’avait rassurée : puisqu’elle n’avait pas mal au cœur, il n’y avait rien de cassé. Une simple foulure peut-être qui l’empêcherait de marcher pendant plusieurs jours. Il ne manquait vraiment plus que cela !

Pourtant, si Marie pensait être parvenue au plus creux de l’inquiétude elle s’aperçut rapidement qu’il n’en était rien… Une heure plus tard Peran ramenait le carrosse et rapportait un billet de Chalais : il lui avait été impossible d’approcher Gaston d’Anjou et le duc de Chevreuse semblait avoir disparu. Chalais ne l’avait trouvé nulle part et personne n’avait pu lui dire ce qu’il était devenu !…

CHAPITRE XI

L’ATTENTAT

Les six jours qui suivirent furent un cauchemar. A chaque instant Marie s’attendait à voir sa maison investie par Du Hallier et ses gardes pour l’emmener elle et sous bonne escorte rejoindre les frères d’Ornano au donjon de Vincennes. Ses jours étaient vides et ses nuits sans sommeil. Il lui arrivait de se lever pour ordonner que l’on fît ses coffres, qu’on l’habille, qu’on attelle, prise d’une folle envie de fuir loin de ce palais que son imagination lui montrait à présent peuplé d’ennemis. Mais, la crise d’angoisse passée – elle s’apaisait toujours au moment d’appeler –, elle retournait se coucher ou alors se traînait appuyée sur une canne au petit jardin qui était derrière son logis et s’asseyait sur un banc de pierre près de la fontaine.

Chalais fidèlement venait tous les après-midi et s’efforçait de la rassurer. On ne parlait pas beaucoup d’elle à la Cour sinon pour supposer que Chevreuse, toujours introuvable, s’était hâté de l’emmener au loin afin de la soustraire à une éventuelle colère royale. Evidemment tout dépendait des aveux que l’on pourrait obtenir du maréchal d’Ornano. On les savait très liés, et selon ce qu’il dirait… Quant à Monsieur, il avait eu une longue conversation avec le Roi et le Cardinal mais de ce qui s’était dit rien n’avait transpiré. L’appartement du prince n’était plus gardé, cependant il n’en sortait guère et recevait de fréquentes visites de sa mère.

En réalité, il n’y avait aucune preuve contre Mme de Chevreuse alors que les lettres trouvées chez d’Ornano dénonçaient la collusion avec l’étranger mais, plus amoureux que jamais, Chalais s’évertuait à faire durer ces instants, magiques pour lui où, devenu son seul lien avec l’extérieur, il cherchait à s’introduire dans sa vie intime. S’il se montrait plutôt discret sur la température de la Cour, il ne tarissait pas lorsqu’il lui parlait de l’intensité de son amour. Au point parfois de l’agacer mais quoi ? L’écouter était un prix modique à payer pour s’assurer sa fidélité. Elle se montrait charmante avec lui, sachant néanmoins toujours l’arrêter quand il se risquait sur un terrain trop brûlant, et pour une simple raison : elle ne l’aimait pas. Certes il était jeune, bien fait, entraîné à tous les exercices du corps et d’agréable compagnie. Ce qui ne voulait pas dire qu’elle songeait à en faire son amant. Même sa légère ressemblance avec Holland le desservait : il lui faisait l’effet d’une mauvaise copie et ses regrets de l’original n’en étaient que plus poignants !

Cet état de fait aurait pu durer longtemps mais, le septième jour, la grille s’ouvrait devant les chevaux de Louise de Conti, et leur maîtresse entrait en conquérante dans la maison de Marie.

— Hé quoi, ma chère ? Etes-vous souffrante ou bien, touchée par la grâce divine, entrez-vous en retraite avant de vous faire moniale ?

Marie lui tomba dans les bras :

— A Dieu ne plaise… encore que la seconde éventualité pût être envisagée ! En fait je ne sais plus trop à quoi me résoudre.

— Vous rendre chez la Reine me paraît une idée judicieuse. D’autant qu’elle vous réclame.

— Je ne souhaite que cela mais si l’on doit m’arrêter au seuil de ses appartements…

— Et pourquoi, diantre, vous arrêterait-on ? Il est temps, je crois, de faire le point de la situation. D’Ornano a été expédié à Vincennes pour avoir écrit des lettres à des souverains étrangers dans le but d’assurer leur appui à ce cher duc d’Anjou. Vous êtes de ses amies. Très bien ! Mais vous n’êtes pas la seule et vous n’avez jamais écrit quoi que ce soit à qui que ce soit !

— N… on, sauf peut-être à…

— … un certain Lord anglais qui vous tient à cœur ! Les lettres d’amour ne constituent pas un acte de trahison. Aussi n’y a-t-il pas de raison pour continuer à vous morfondre ici ! Allez vous habiller ! Je vous emmène…

Ah, la merveilleuse sensation de délivrance ! Marie en aurait pleuré de joie !… Pourtant avant d’appeler ses femmes, elle avait encore une question :

— Sauriez-vous où est celui de vos frères qui est aussi mon époux ?

— A Paris ! Il y est parti sur ordre du Roi peu de temps après l’arrestation avec défense d’en bouger. Ne me demandez pas pourquoi, ajouta-t-elle très vite en voyant Marie ouvrir la bouche. Et pour l’amour du ciel, hâtez-vous !… Mais qu’avez-vous au pied ?

— Plus rien qui vaille la peine d’en parler ! Vous m’avez guérie !

On perdit encore un moment, bien que Marie se fût précipitée à sa toilette parce que, à l’heure où l’on allait se mettre en route, Chalais fit son apparition avec sa moisson quotidienne de « nouvelles » plus ou moins expurgées. La vue de la princesse de Conti le stupéfia tellement qu’il resta sans voix un instant mais se reprit :

— Mme de Chevreuse va sortir ?

— Oui, elle va sortir, répliqua Louise. Oui, je suis venue la chercher, je l’emmène chez la Reine qui la réclame et non, elle n’a plus rien à craindre ! Vous voilà satisfait, j’imagine ?

— Oui, mais…

— Pas de « mais », mon ami ! coupa gentiment Marie. Vous m’avez été d’un secours extrême et je ne l’oublierai pas. Souffrez à présent que je reprenne ma place à la Cour.

— Alors je vais avec vous ! Et je vous suivrai partout où vous irez !

— Mais pourquoi ?

— J’ai peur que tout cela ne cache un piège.

— Un piège ? s’insurgea Mme de Conti. Vous êtes gracieux, vous ! Pour qui me prenez-vous ? Pour un agent du Cardinal ?

— A Dieu ne plaise, Madame la Princesse, mais la Cour est un endroit dangereux et Monseigneur de Chevreuse ayant disparu, il est bon qu’une épée au moins soit au service de son épouse…

— Soit ! Faites à votre guise mais souvenez-vous que vous n’avez pas le droit de pénétrer chez la Reine en l’absence du Roi ! Et que vous êtes toujours au service de celui-ci !

Une demi-heure après, les deux femmes se présentaient chez Anne d’Autriche. Celle-ci priait dans son oratoire. Quand elle en sortit ses amies remarquèrent ses yeux rougis par les larmes et peut-être l’insomnie, mais quand elle aperçut Mme de Chevreuse, elle se jeta dans ses bras en sanglotant sans se soucier du cercle figé de ses dames et demoiselles. Mme de Conti prit sur elle de leur demander avec une douceur inhabituelle, de bien vouloir laisser la Reine s’entretenir un instant avec son amie. Elle-même les suivrait.