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— Ç’a été dur ? demanda Mary.

— Assez dur. Je ne sais pas combien nous en avons tué. Nous n’avions pas le temps de prendre des gants. Ce n’était pas sur des êtres humains que nous tirions, mais sur des parasites. »

Je me tournai vers Davidson.

« Tu ne peux donc pas comprendre ça ?

— C’est justement… Elles n’étaient plus humaines… Je serais très capable d’abattre mon propre frère, si j’en avais l’ordre, mais ces êtres-là étaient… déshumanisés. Même quand on leur tirait dessus, elles continuaient à avancer sur vous. Elles ne…»

Il s’interrompit.

Je ne ressentais en moi que de la pitié. Au bout d’un moment il s’en alla. Mary et moi continuâmes à causer quelque temps encore. Nous cherchions des solutions, mais nous n’aboutissions à rien. Tout à coup elle me dit qu’elle avait sommeil et gagna le dortoir des femmes. Le Patron avait ordonné à tous ses agents de passer la nuit dans les locaux de la Section. Je me dirigeai vers le quartier des hommes où je me glissai dans un sac de couchage.

Ce fut la sirène d’alerte aérienne qui me réveilla. Je sautai sur mes vêtements. Les sirènes venaient de se taire quand la voix du Patron retentit dans les haut-parleurs du téléphone intérieur. « Appliquez les consignes antigaz et antiradiations. Fermez tout. Rassemblement immédiat dans la salle de conférences. »

En ma qualité d’agent de l’extérieur, je n’avais pas de consignes particulières à appliquer. Je gagnai donc les bureaux par le passage souterrain. Le Patron était déjà dans la grande salle de conférences. Il avait l’air dur et résolu. J’aurais bien voulu lui demander ce qui se passait, mais il y avait une douzaine d’employés, d’agents et de sténos près de nous. Au bout d’un moment, le Patron m’envoya demander la liste d’appel à la sentinelle qui montait la garde à la porte. Il fit l’appel lui-même et nous pûmes bientôt constater que tout le monde était rassemblé dans la salle, depuis la vieille Miss Haines, la secrétaire du Patron, jusqu’au garçon du bar. Tout le monde sauf la sentinelle de la porte et Jarvis. Il ne s’agissait pas de faire une erreur ! Heureusement nous pointons les entrées et les sorties du personnel avec plus de soin qu’une banque ne surveille ses mouvements de fonds.

Je fus de nouveau chargé d’aller appeler la sentinelle. Il fallut une confirmation personnelle du Patron pour que mon camarade acceptât de quitter son poste. Il tira le verrou de sûreté et me suivit enfin. En rejoignant les autres, je vis que Jarvis était déjà là. Le docteur Graves et un technicien du labo l’accompagnaient. Il était vêtu d’une robe de chambre et semblait avoir sa connaissance, bien qu’il parût un peu groggy.

Je commençais à entrevoir vaguement ce dont il s’agissait. Le Patron qui faisait face à son personnel gardait soigneusement ses distances. Il tira son pistolet.

« Un des parasites qui cherchent à envahir notre planète est en liberté parmi nous, dit-il. Certains d’entre vous ne savent que trop ce que cela signifie. Aux autres je vais donner quelques explications supplémentaires ; notre sécurité à tous, celle de toute notre race, dépendent de votre coopération totale et de votre obéissance absolue. »

Il poursuivit en expliquant brièvement, mais avec une pénible exactitude, ce qu’était un parasite et comment se présentait la situation.

« Bref, conclut-il, le parasite en question se trouve presque certainement dans cette pièce. L’un d’entre nous, bien qu’il ait gardé son apparence humaine, n’est plus qu’un automate qui agit suivant le bon plaisir de notre plus redoutable ennemi. »

Un murmure parcourut la salle. Les gens s’entre-regardaient. Quelques-uns s’écartèrent de leurs voisins. Quelques secondes plus tôt nous formions une équipe ; nous n’étions plus maintenant qu’une foule, où chacun se méfiait de tout le monde. Je me surpris en train de m’éloigner d’un garçon qui se trouvait à côté de moi et que je connaissais depuis des années : c’était Ronald, notre barman. Graves s’éclaircit la voix.

« Patron, commença-t-il, j’avais pourtant pris toutes les précautions raisonnables…

— Assez. Amenez Jarvis devant tout le monde et enlevez-lui sa robe de chambre. »

Graves se tut et se mit en devoir d’obéir, aidé de son adjoint, Jarvis ne paraissait pas se rendre exactement compte du heu où il se trouvait. Graves devait l’avoir drogué.

« Retournez-le », ordonna le Patron.

Jarvis se laissa docilement retourner. On voyait sur ses épaules et sa nuque la marque de la larve, sous la forme d’une éruption rouge.

« Vous voyez, poursuivit le Patron, à quel endroit la chose s’est collée à lui. »

Il y avait eu des murmures et un petit rire étouffé quand on avait déshabillé Jarvis. Un silence mortel suivit les paroles du Patron.

« Et maintenant, continua-t-il, nous allons capturer cette larve. Et, qui plus est, nous allons la capturer vivante. Vous avez tous vu à quel endroit du corps humain se fixent les parasites. Je vous avertis que si vous me tuez celui-là, moi, je tuerai le responsable. Si vous êtes forcés de tirer, visez bas. Viens ici, toi », conclut-il avec un geste de son pistolet dans ma direction.

Il me fit arrêter, à mi-chemin entre la foule et lui.

« Vous, Graves, asseyez Jarvis derrière moi. Non, ne lui remettez pas sa robe de chambre. »

Le Patron se retourna vers moi. « Pose ton pistolet à terre », ordonna-t-il.

Il dirigeait le sien vers mon nombril. Je fis très attention à la manière dont je tirai mon arme de son holster, et la fis glisser à deux mètres de moi.

« Et maintenant, déshabille-toi complètement. »

C’était là un ordre assez gênant à exécuter. Mais le pistolet du Patron m’aida à surmonter les inhibitions. En revanche ce n’était pas un encouragement d’entendre rigoler les femmes pendant que je me mettais à poil. « Pas mal », murmura l’une. « Un peu noueux », remarqua une autre. Je rougis.

Après m’avoir examiné, le Patron me dit de reprendre mon pistolet. « Aide-moi, ordonna-t-il, et surveille la porte. À vous, Dotty je ne sais quoi. C’est votre tour. »

Dotty était une des secrétaires. Elle n’avait bien entendu pas d’arme et portait un peignoir. Elle s’avança, s’arrêta et en resta là…

Le Patron agita son arme. « Allons, dépêchons. Enlevez-moi ça.

— Vous parlez sérieusement ? dit-elle n’en croyant pas ses oreilles.

— Plus vite que ça, nom de Dieu ! »

Elle sursauta.

« C’est bon ! Il n’y a pas de quoi m’engueuler. »

Elle se mordit les lèvres et défit sa ceinture.

« Ça devrait donner droit à une prime, dit-elle d’un air de défi avant de laisser tomber le peignoir à ses pieds.

— Collez-vous contre le mur, cria violemment le Patron. Renfrew, à toi. »

Les hommes avaient déjà assisté à mon supplice x : ils s’exécutèrent donc sans chichis, mais avec parfois un peu de gêne. Quant aux femmes, certaines rougirent et d’autres ricanèrent avec embarras, mais aucune ne protesta trop. En vingt minutes, il y avait plus de mètres carrés de peau humaine exposés dans la salle que je n’en avais jamais vu. Le tas de pistolets constituait un véritable arsenal.

Quand vint le tour de Mary, elle se déshabilla rapidement et sans faire de manières. Elle semblait n’y attacher aucune importance et portait son costume d’Ève avec beaucoup de dignité. Après son passage, le tas de quincaillerie s’accrut considérablement. Elle devait avoir une passion pour les engins de guerre !

Finalement nous nous retrouvâmes tous à poil et, manifestement, sans parasites. Il ne restait que le Patron et sa vieille fille de secrétaire. Je crois qu’il avait un peu peur de Miss Haines. Il paraissait gêné et tripotait le tas de vêtements du bout de sa canne. Il leva enfin les yeux. « Miss Haines…, s’il vous plaît…»