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Le Patron me secoua vigoureusement. « Du calme, dit-il tranquillement. Tu es encore très faible.

— Où est-il ?

— Qui ça ? Ah ! ton parasite ? Ne t’en fais pas. Pour le moment il est fixé sur ton voisin d’en face, un orang-outan rouge du nom de Napoléon. Il ne risque rien.

— Tuez-le !

— Tu ne voudrais pas ! Il faut que nous le gardions en vie pour l’étudier. »

Je dus avoir une espèce de crise de nerfs, car il me gifla.

« Tiens-toi donc un peu, dit-il. Ça m’ennuie de t’embêter alors que tu es encore souffrant, mais il le faut. Il faut que nous enregistrions tout ce que tu te rappelles. Tâche de te ressaisir, et accouche. »

Je fis un effort sur moi-même et commençai un rapport détaillé sur tout ce dont je pouvais me souvenir. Je lui racontai la location du hangar et la façon dont j’avais recruté ma première victime, puis comment nous nous étions installés au Club de la Constitution. Le Patron hocha la tête.

« Tout cela est très logique. Même une fois à leur service, tu es resté un bon agent.

— Vous ne comprenez pas, objectai-je. Ce n’était pas moi qui pensais. Je savais ce qui se passait, mais c’est tout. C’était comme si… euh… enfin comme si…»

Je m’arrêtai, incapable de trouver des mots pour m’exprimer.

« Peu importe. Continue.

— Quand nous avons eu enrôlé le directeur du club, tout a été facile. Nous les avons capturés au fur et à mesure qu’ils arrivaient et…

— Leurs noms, tu t’en souviens ?

— Oui, bien sûr. Il y a eu Mr. C. Greenberg, Thor Hansen, J. Hardwick Potter, son chauffeur, Jim Wakeley et un petit bonhomme qu’on appelait « Jake ». Il tenait les lavabos. Mais on a été obligés de le liquider par la suite : son maître ne lui laissait même pas le temps d’aller pisser ! Il y avait aussi le directeur, mais je n’ai jamais su son nom. »

Je m’arrêtai, fouillant mes souvenirs, m’efforçant de retrouver la personnalité de chaque recrue.

« Oh, Nom de Dieu ! m’écriai-je.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Le sous-secrétaire d’État au Trésor !

— Vous l’avez pris ?

— Oui. Le premier jour. Combien de temps tout cela a-t-il duré ? Je ne sais plus… Mais, bon Dieu, Patron, le Trésor assure la protection du Président ! »

Je retombai en arrière, à bout de forces et me mis à sangloter dans mon oreiller. Au bout d’un moment, je m’endormis.

CHAPITRE IX

Je me réveillai avec un mauvais goût dans la bouche, des bourdonnements dans le crâne et un pressentiment de catastrophe imminente. Néanmoins je me sentais mieux – par comparaison, s’entend.

« Ça va ? » me dit une voix aimable.

Une petite brune était penchée sur moi. Elle était très mignonne et j’étais maintenant assez dans mon assiette pour en avoir faiblement conscience. Elle portait un costume bizarre, composé d’un short blanc, d’un bout de tissu autour des seins, et d’une espèce de carapace métallique qui lui couvrait le cou, les épaules et l’épine dorsale.

« Un peu mieux, reconnus-je avec une grimace aimable.

— Vous avez un mauvais goût dans la bouche ?

— Pis qu’un collecteur d’égout !

— Buvez ça. »

Elle me tendait un verre rempli d’un liquide qui me brûla le palais, mais dissipa le mauvais goût que j’avais sur la langue.

« Attention, dit-elle, n’avalez pas, recrachez. Je vais vous donner de l’eau à boire. »

J’obéis.

« Je m’appelle Doris Marsden, continua-t-elle, je suis votre infirmière de jour.

— Enchanté, répliquai-je en la regardant. Peut-on savoir à quoi rime cet accoutrement ? Ce n’est pas que ça me déplaise, mais vous avez l’air de sortir d’une bande de comics.

— Moi, je me fais l’effet d’une girl de music-hall, dit-elle en riant. Mais vous ferez comme moi, vous vous y habituerez.

— Ça me plaît beaucoup. Mais quelle est la raison ?

— Ordre supérieur. »

Je compris brusquement le pourquoi de ce costume ; du coup je me sentis de nouveau plus mal.

« Et maintenant, continua Doris, à table. Voilà votre dîner. »

Elle posa un plateau sur mon lit.

« Je n’ai pas faim.

— Dépêchez-vous, dit-elle fermement, ou je vous mets le nez dedans ! »

Entre deux bouchées avalées à contrecœur, je parvins à me lever.

« Je me sens bien, dis-je. Après une piqûre de « gyro » je serai tout à fait d’aplomb.

— Les stimulants vous sont interdits, affirma-t-elle d’un ton décidé tout en continuant à me gaver. Une alimentation spéciale, beaucoup de repos et un somnifère tout à l’heure. Voilà les ordres.

— Qu’est-ce que j’ai de si grave ?

— Fatigue générale, inanition, et début de scorbut. Sans parler de la gale et autres vermines. Mais ça, on vous en a déjà débarrassé. Maintenant vous savez tout. Et si vous répétez au docteur que je vous l’ai dit, je vous traiterai de menteur. Allons, tournez-vous. »

J’obéis et elle se mit en devoir de changer mes pansements. J’étais apparemment couvert de bleus et de plaies variées. Je réfléchis à ce qu’elle venait de dire et m’efforçai de me rappeler la vie que j’avais menée pendant ma période d’esclavage.

« Ne tremblez donc pas comme ça, dit-elle. Je vous fais mal ?

— Non, ça va. »

Autant que je pouvais m’en souvenir je n’avais jamais mangé plus d’un jour sur deux ou trois. Quant aux bains… voyons… non, je ne m’étais jamais baigné. Je m’étais seulement rasé chaque matin et avais mis du linge propre, parce que c’était nécessaire à notre mascarade et que mon maître le savait bien.

En revanche je n’avais pas retiré mes souliers depuis le jour de ma capture jusqu’au moment où le Patron m’avait repris – et dès le début ils avaient été trop étroits pour moi.

« Dans quel état sont mes pieds ? demandai-je.

— Pas de curiosité déplacée ! » me dit sévèrement Doris.

J’aime bien les infirmières : elles sont en général calmes, terre à terre et tolérantes. Miss Briggs, ma garde de nuit, n’était pas aussi mignonne que Doris : elle avait une figure de cheval. Elle portait le même accoutrement d’opérette que Doris, mais elle l’arborait avec un air sévère et une démarche de grenadier. La brave petite Doris, elle, avait l’air de danser en marchant.

Miss Briggs me refusa un second cachet de somnifère, quand je me réveillai au milieu de la nuit en proie à d’affreux cauchemars, mais elle accepta de jouer au poker avec moi et me pluma d’un demi-mois de mon traitement. Je tâchai de la questionner sur le Président, mais elle resta bouchée à l’émeri. Elle ne voulut même pas m’avouer qu’elle connaissait l’existence de parasites ou de soucoupes volantes, et cela en dépit de son costume qui ne pouvait avoir qu’une seule raison d’être.

Je lui demandai quelles nouvelles donnait la stéréo, mais elle me soutint qu’elle n’avait pas eu le temps de prendre les informations. Je demandai qu’on installe un poste dans ma chambre. Elle répliqua qu’il faudrait l’autorisation du docteur, parce qu’il m’avait prescrit le repos absolu. Je lui demandai quand je verrais ce fameux docteur, mais, à ce moment on la sonna dans le couloir et elle s’éclipsa.

Un peu plus tard, je m’endormis ; je fus réveillé par Miss Briggs qui me claquait la figure avec une serviette mouillée. Elle me prépara pour mon petit déjeuner. Doris la releva ensuite et me l’apporta. Tout en mastiquant je lui demandai, à elle aussi, les dernières nouvelles, mais sans plus de succès. Les infirmières se comportent avec leurs malades comme s’ils étaient tous des enfants arriérés.