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— J’aimerais bien bavarder avec les deux paysans », dit Mary, prenant la parole pour la première fois.

Je me posai un peu avant Grinnell et continuai par la route. Nous nous mîmes en devoir de chercher la ferme des MacLain, puisque les informations désignaient Vincent et George MacLain comme les principaux coupables. Elle ne fut pas bien difficile à découvrir. A une bifurcation, nous aperçûmes une grande pancarte où l’on avait inscrit au-dessus d’une flèche : « Vers l’astronef. » La route commençait à être encombrée sur les deux côtés, d’autos, d’autavions et de triplex arrêtés. Dans deux baraques, à l’entrée de la ferme des MacLain, on vendait des boissons fraîches et des souvenirs. Un flic en uniforme réglait la circulation.

« Arrête-toi, m’ordonna le Patron. Autant profiter du spectacle.

— D’accord, oncle Charlie », répliquai-je docilement.

Le Patron descendit d’un bond en balançant sa canne. J’aidai Mary à sortir de l’autavion. Elle se serra contre moi et me prit le bras. Elle me regardait d’un air qu’elle était parvenue à rendre à la fois admiratif et niais.

« Ce que tu es fort, frérot ! » remarqua-t-elle.

Je lui aurais volontiers flanqué des claques. Voir un des agents du Patron jouer ainsi les femmelettes, je vous jure que c’était pénible !

Notre « oncle Charlie » tourniquait en tous sens, embêtant les flics, raccrochant les badauds, s’arrêtant à une baraque pour acheter des cigares, bref jouant avec un parfait naturel le rôle du vieux schnock très à son aise, en train de prendre ses vacances. Il se retourna vers nous et d’un grand geste de son cigare nous désigna un des flics. « L’inspecteur dit que c’est un canular, mes enfants – une simple blague de deux gamins. Nous partons.

— Alors, il n’y a pas d’astronef ? dit Mary d’un air déçu.

— Il y a un astronef si vous voulez appeler ça comme ça, répliqua le flic. Vous n’avez qu’à suivre les gogos. Et par parenthèse, je ne suis pas inspecteur. Brigadier seulement. »

Nous avons traversé une pâture, et nous sommes entrés dans le bois. Il fallait payer un dollar pour franchir la barrière et beaucoup de badauds faisaient demi-tour. Le sentier qui traversait le bois était relativement peu fréquenté. Je marchais avec prudence et regrettais de ne pas avoir des yeux derrière la tête au lieu d’un téléphone. L’oncle Charlie et ma petite sœur me précédaient. Mary jacassait comme une oie blanche. Je ne sais pas comment elle s’y prenait, mais elle parvenait à paraître plus petite et plus jeune que dans l’autavion. Nous sommes enfin arrivés à une clairière. L’astronef était là.

Il avait plus de trente mètres de diamètre, mais il était fait de métal léger et de feuilles de plastique, badigeonnées de peinture d’aluminium. Il avait la forme de deux assiettes à soupe accolées face à face. À part cela, il n’offrait rien de remarquable. « C’est passionnant ! » s’écria pourtant Mary.

Un gamin de dix-huit ou dix-neuf ans, dont le visage boutonneux était rougi par un coup de soleil permanent, passa la tête par une espèce de trappe ménagée au sommet de cette grotesque machine. « Vous voulez visiter l’intérieur ? » proposa-t-il. Il ajouta que ce serait cinquante cents de supplément par personne. L’oncle Charlie les lui donna.

Mary hésita une seconde à l’entrée de la trappe. À ce moment le garçon boutonneux fut rejoint par un autre qui semblait être son frère jumeau, et, à eux deux, ils voulurent l’aider à descendre. Elle eut un mouvement de recul. Je m’avançai rapidement, tout près à l’aider moi-même, si besoin était. J’avais d’ailleurs pour cela des motifs presque uniquement professionnels. Je trouvais que cette mise en scène sentait effroyablement mauvais.

« Oh ! ce qu’il fait noir là-dedans ! dit-elle avec un petit frisson.

— Vous n’avez rien à craindre, dit le second jeune homme. Depuis ce matin nous n’arrêtons pas de conduire des visiteurs. Je suis Vincent MacLain. Venez donc, mademoiselle. »

L’oncle Charles jeta sur la trappe un coup d’œil de mère poule. « Il y a peut-être des serpents, déclara-t-il. Non, Mary, il vaut mieux que tu n’y ailles pas.

— Il n’y a rien à craindre, insista le premier MacLain. Vous ne risquez rien.

— Vous pouvez garder l’argent, décréta l’oncle Charles en jetant un coup d’œil à sa montre-bague. Nous sommes en retard, mes enfants. Allons-nous-en. » Je les suivis une deuxième fois en sens inverse le long du sentier.

Nous remontâmes dans l’autavion. « Alors ? dit sèchement le Patron quand nous fûmes en l’air. Qu’est-ce que tu as vu ?

— Il n’y a pas de doute sur l’origine du premier rapport, coupai-je. Je parle de celui qui est resté inachevé.

— Pas l’ombre d’un doute.

— Jamais un de nos agents ne se serait laissé prendre à ce truc-là, même en pleine nuit. Donc ce n’est pas cela qu’il a vu.

— Bien sûr. Mais alors, quoi ?

— À votre avis, combien ce truquage a-t-il pu coûter ? Il a fallu des feuilles de métal, de la peinture et, d’après ce que j’ai vu par la trappe, une dizaine de mètres cubes de bois pour la carcasse.

— Continue.

— La ferme des MacLain a l’air hypothéquée jusqu’à la gauche. Si les deux gamins étaient dans le coup, ce n’est toujours pas eux qui ont payé la note.

— Évidemment. Et toi, Mary ?

— Oncle Charles, avez-vous remarqué comment ils s’y sont pris avec moi ?

— Qui ? demandai-je sèchement.

— Le flic et les deux gamins. Quand je me sers de mon sex-appeal, j’obtiens toujours une réaction chez mon interlocuteur. Ici, rien.

— Ils ont pourtant été très aimables, objectai-je.

— Vous ne comprenez pas. Je sais ce que je dis. D’habitude je remarque toujours une réaction. Eux avaient quelque chose d’anormal. On aurait dit des morts vivants. Des eunuques, si vous préférez. Vous voyez ce que je veux dire ?

— Hypnose ? suggéra le Patron.

— Ça se pourrait. Peut-être une drogue…»

Elle fronça le sourcil d’un air perplexe.

« Hum…, grommela-t-il. Prends donc la première route à gauche, Sammy. Nous allons examiner un endroit situé à quatre kilomètres plus au sud.

— C’est l’endroit qui correspond aux coordonnées de la photo ?

— Évidemment. »

Nous ne devions jamais y parvenir. Nous sommes d’abord tombés sur un pont coupé. Je n’avais pas assez de recul pour pouvoir sauter par-dessus, sans même parler des règlements qui interdisent cet exercice aux autavions roulant à terre. Nous avons donc fait un détour par le sud et nous sommes revenus par la seule autre route possible.

Un flic de la police routière nous a arrêtés. Il nous a dit qu’il y avait un incendie de forêt dans la région et que, si nous allions plus loin, nous risquions de nous faire enrôler de force parmi les gens qui luttaient contre le feu. D’ailleurs il avait peut-être tort de ne pas nous mettre le grappin dessus sans attendre…

Heureusement un battement de cils de Mary le fléchit. Elle lui fit remarquer que ni l’oncle Charles ni elle-même ne savaient piloter – ce qui était un double mensonge.

« Alors ? demandai-je quand nous eûmes démarré. Que dites-vous de celui-là ?

— Quoi, celui-là ?

— C’est aussi un eunuque ?

— Oh ! ma foi non ! Un garçon très séduisant, au contraire. »

Sa réponse m’agaça.

Le Patron s’opposa à ce que nous prenions l’air pour survoler l’endroit intéressant. Il déclara que ce serait inutile. Nous prîmes donc la direction de Des Moines. Au lieu de nous garer à l’octroi, nous payâmes une taxe pour pouvoir introduire l’autavion dans la ville. Nous nous arrêtâmes au studio du poste de téléstéréo. L’oncle Charlie, à force de bluff, s’introduisit avec nous jusque chez le directeur général. À moins qu’il ne lui eût raconté une série d’affreux mensonges, « Charles M. Cavanaugh » devait être une huile considérable de l’Office fédéral des communications.